Ce ravissant support de tube à kohol, en forme de colonne palmiforme, a une hauteur de 9,9 cm et un diamètre de 3,5 cm.
Réalisé dans une belle faïence brillante, d'un bleu soutenu, son riche décor se décline sur plusieurs registres, certains travaillés en "openwork".
La base de la colonne, visant à figurer un marais, voit s'alterner des tiges de lotus : les plus hautes et les moyennes sont ouvertes alors que les plus petites sont en bouton. Huit ligatures les surmontent et la plus haute sert de base à une charmante frise animée. "Au centre, l'emblème de la déesse Hathor est flanqué de deux chats alors qu'une image de la déesse Thouéris (Taweret) apparaît sur le côté opposé" précise le Metropolitan Museum. La frise de feuilles lancéolées - ou de pétales de lotus - qui se trouve au-dessus, soutient une suite de six ligatures que surmonte un chapiteau. De type "palmiforme", il s'épanouit en neuf grandes palmes, joliment arrondies et recourbées vers l'extérieur dans leur partie haute. Il est surmonté du pourtour d'un abaque carré. En effet l'intérieur de la colonne est évidé afin de pouvoir accueillir le tube à kohol qui est malheureusement absent.
A l'origine, ce tube - dont la forme aurait été introduite en Egypte, sous le règne de Thoutmosis III par les Asiatiques -, était un simple roseau du Nil (d'où parfois son nom de "flûte"), dans le creux duquel était déposé le fard. Pour les classes plus aisées de la société, les artisans se sont inspirés de cet élément naturel et l'ont reproduit de façon plus "luxueuse", avec des matériaux plus précieux, comme dans le cas présent, la faïence ou fritte glaçurée…
Dans l'antiquité, le kohol était incontournable, indissociable, du concept de beauté intimement lié à la mise en valeur du regard. Son utilisation a ainsi transcendé ces yeux étirés et cernés de noir qui ne cessent de nous troubler et de nous fasciner. Fait à partir de galène réduite en poudre, il n'avait pas qu'une fonction "esthétique" … Dans ce pays où la lumière est si vive, la réverbération si intense et le soleil si brûlant, sa fonction était également protectrice. Il était appliqué au moyen d'un fin stylet - ou bâtonnet : avec une tête arrondie et un bout épointé, il pouvait être en hématite, en bois (comme l'ébène), ou encore en ivoire, et parfois même en bronze ou en cuivre…
L'obturation qui devait reposer sur l'abaque est également absente : dans les modèles plus "rustiques", elle se faisait par un bouchon d'étoffe ou de bois, mais dans le cas présent elle devait être plus "sophistiquée".
Ce bel objet est daté du Nouvel Empire, de la XVIIIe dynastie, du règne d'Amenhotep III (1390 - 1352 av. J.-C.). Il a été acquis par Lord Carnarvon, au Caire avant 1922, puisqu'il figurait au nombre des artefacts qu'il avait prêtés pour l' "Exhibition of Ancient Egyptian Art" organisée en 1922 au Burlington Fine Arts Club de Londres (n° 53 p. 93). Il était dans la collection que sa veuve Lady Almina a vendue, en 1926 pour la somme de $ 145.000, au Metropolitan Museum of Art de New York. Il y a alors été enregistré sous le numéro d'entrée 26.7.914.
Le cartel du musée ne mentionne pas sa provenance "antique". Dans "Scepter of Egypt II" (1959), William C. Hayes donne ces indications : "Provenant du district de Tounah, près de Tell el-Amarna, cette pièce extraordinaire pourrait avoir été réalisée pendant la période dite Amarna, bien que techniquement, stylistiquement et iconographiquement, elle puisse aussi bien appartenir au règne de Thoutmosis IV ou même à une époque antérieure".
Quant à G. A. D. Tait, il évoque dans "The Egyptian Relief Chalice" ("Journal of Egyptian Archaeology", 49, 1963) : "l'exemple d'un tube à khôl ajouré, en forme de colonne en feuilles de palmier avec une tête d'Hathor flanquée de Bastet et de Thouéris autour de la bande centrale" citant comme provenances possibles : Hermopolis ou Tounah"…
marie grillot
sources :
Kohl Tube Holder in the Form of a Papyrus Column
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/544852
Percy Edward Newberry, Harry Reginald Hall, Catalogue of an Exhibition of Ancient Egyptian Art, London : Burlington Fine Arts Club, 1922, p. 93 n° 53, pl. 42
https://archive.org/details/catalogueofexhib00burlrich
William C. Hayes, Scepter of Egypt II : A Background for the Study of the Egyptian Antiquities in the Metropolitan Museum of Art : The Hyksos Period and the New Kingdom (1675-1080 B.C.), Cambridge, Mass., The Metropolitan Museum of Art, 1959, p. 193, fig. 108.
G. A. D. Tait, The Egyptian Relief Chalice, Journal of Egyptian Archaeology, 49, 1963, p. 137
Jeanne Vandier d'Abbadie, Les objets de toilette égyptiens au Musée du Louvre, éditions des musées nationaux, Paris, 1972
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