Au printemps 1860, Auguste Mariette débute des fouilles à Tanis dans le Delta. Dans l'actuelle Sân el-Haggar, ce sont "150 hommes qui, sous la direction d'un inspecteur local, doivent déblayer entièrement le temple jusqu'au sol antique pendant que 50 autres sondent les buttes de décombres de la partie nord-est de l'enceinte" précise Elisabeth David dans "Mariette Pacha".
Parmi les découvertes qui seront faites entre 1860 et 1864, figure cette statue de la reine Neferet, trouvée en 1860 - ou 1863 selon les sources -, et qui ne rejoindra le musée du Caire qu'en 1870 (JE 37487 - CG 381).
Neferet II (Néferou II ou Nofret II - nfrw - "la Perfection, la beauté") est l'épouse la plus connue de Sésostris II, quatrième pharaon de la XIIe dynastie dont le règne a duré une dizaine d'années (1865 - 1856 av. J.-C.). Dans "Reines d'Egypte", Christiane Ziegler rappelle qu'elle était "la fille d’Amenemhat II donc la sœur de son mari. Son tombeau pourrait avoir été la petite pyramide dressée près de celle de son mari à Illahoun". Elle était parée de plusieurs titres : "Fille du Roi, engendrée par lui", "Grande (Dame) au sceptre-hetes", "Maîtresse des Deux Terres".
Cette statue, réalisée en granit sombre, haute de 165 cm et large de 54 cm, représente la souveraine assise sur un siège à bas dosseret.
Sa large perruque composée de mèches régulièrement tressées, qui semblent séparées en plusieurs endroits par des rubans marqués par de fines incisions, attire immédiatement le regard. "Nofret porte la perruque à la mode de la cour qui fut aussitôt adoptée et démocratisée dans tout le pays. A cause de son évidente féminité cette perruque fut alors adaptée à la déesse Hathor pour constituer désormais la 'perruque hathorique' par excellence. La chevelure est divisée en trois masses dont l'une tombe en arrière; les deux autres ramenées en avant, ondulées et enroulées de bandelettes, se terminent sur la poitrine par deux volutes qui enserrent un disque" précisent Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian dans leur "Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire". Ludwig Borchardt ("Statuen und Statuetten von Königen und Privatleuten im Museum von Kairo") apporte cette précision : "Sur le dessus de la tête se trouve un serpent uraeus dont le corps a de multiples replis".
Statue de la reine Neferet II (Nofret II) assise - granit noir - XIIe dynastie découverte à Tanis par Auguste Mariette en 1860 ou 1863 Musée Egyptien du Caire JE 37487 - CG 381 - photo du musée |
Le visage, légèrement levé, se révèle massif tout en dégageant sérénité et souveraineté. "Cette statue est un exemple de statuaire royale féminine qui montre le mélange de l'école artistique traditionnelle et idéalisée de Memphis et de l'école naturaliste de Thèbes. La combinaison de ces deux influences lui confère vigueur et puissance en plus de l'expression visible sur le visage de la reine" analyse Abeer El-Shahawy ("The Egyptian Museum in Cairo").
Ses grands yeux ont été creusés puis cernés d'incisions signifiant leur pourtour, ils s'étirent par une courte ligne de fard et sont surmontés de fins sourcils arqués. L'oeil gauche a fortement souffert, tout comme le nez et une partie du menton. La bouche affiche des lèvres ourlées.
Statue de la reine Neferet II (Nofret II) assise - granit noir - XIIe dynastie découverte à Tanis par Auguste Mariette en 1860 ou 1863 Musée Egyptien du Caire JE 37487 - CG 381 |
A son cou est attaché un large ruban auquel est suspendu un pectoral ajouré qui trouve délicatement sa place entre les seins. Il est orné d'un uraeus et d'un cartouche au nom de couronnement de Sésostris II, "Khâkheperrê".
La reine est vêtue d'une robe moulante à bretelles qui laisse deviner son anatomie. "Ses hanches disproportionnées lui donnent une stature imposante" indique le musée du Caire. On note également l'épaisseur de ses chevilles qui caractérise souvent la statuaire de l'Ancien et du Moyen Empire.
Statue de la reine Neferet II (Nofret II) assise - granit noir - XIIe dynastie découverte à Tanis par Auguste Mariette en 1860 ou 1863 Musée Egyptien du Caire JE 37487 - CG 381 |
Cette statue, à la surface parfaitement polie, est d'une grande valeur artistique et provient sans aucun doute des ateliers royaux ...
Il y a lieu de préciser que ce sont deux statues quasi identiques de la souveraine qui ont été retrouvées par Auguste Mariette, mais dans un état de conservation différent. Gaston Maspero les présente d'ailleurs de façon très laconique dans le "Guide du visiteur au musée de Boulaq, 1883", sous les n° 6028 et 6029 : "Granit noir - statue de la princesse Nofirt (Neferet), femme d'Ousirtasen (Sesostris) Ier", la première pour une hauteur d'1,20 m, la seconde pour 0,75 m.
En effet, la partie basse de celle-ci était manquante au niveau des mollets alors que l'autre conservait toute sa hauteur mais était amputée de ses bras et d'un pied. Nul doute, que, mutuellement, elles ont aidé et guidé le restaurateur pour mener à bien un travail de qualité permettant de leur rendre leur "intégralité".
Dans "L'âge d'or de l'Egypte - Le Moyen Empire", Dietrich Wildung précise : "La statue de Neferet (avec une pièce parallèle presque identique) fut découverte dans l'est du Delta, à Tanis ; mais il est tenu pour certain que les deux statues, comme bien d'autres sculptures du Moyen Empire, n'ont été amenées là que plus tard. Tanis, fondée pendant la Troisième Période intermédiaire, vers 1080-750 av. J.-C., fut en grande partie construite avec les décombres de constructions plus anciennes... Notons que ce sont précisément des statues du Moyen Empire qui, un millénaire plus tard, symboliseront encore la royauté égyptienne".
Les rois tanites ont récupéré beaucoup de monuments et très souvent réemployé des statues antérieures… Cependant, Ludwig Borchardt ne mentionne aucune inscription postérieure au Moyen Empire sur l'une ou l'autre de ces deux représentations de Neferet…
marie grillot
sources
Granodiorite Seated Statue of Queen Nofret, wife of Senusert II, in Hathor Wig Period:
https://egyptianmuseumcairo.eg/artefacts/seated-statue-of-queen-nofret/
https://www.globalegyptianmuseum.org/record.aspx?id=15056
Ludwig Borchardt, Catalogue général des antiquités égyptiennes du musée du Caire - Statuen und Statuetten von Königen und Privatleuten im Museum von Kairo, Nr. 1-1294, Teil 2, Berlin Reichsdruckerei, 1925
http://www.gizapyramids.org/pdf_library/borchardt_statuen_2.pdf
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Gaston Maspero, Guide du visiteur au musée de Boulaq, 1883
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6305105w.texteImage
Eugène Grébaut, Notice sommaire des Monuments exposés, Imprimerie Nationale, Le Caire 1892
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56121740/f103.image.r=tetes
Elisabeth David, Mariette Pacha, 1821-1881, Pygmalion, 1994, p. 125
Abeer El-Shahawy, The Egyptian Museum in Cairo, Matḥaf al-Miṣrī, American University in Cairo Press, 2005
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Wildung Dietrich, L'âge d'or de l'Egypte - Le Moyen Empire, Office du Livre, 1984
Christiane Ziegler, Reines d'Egypte, Somogy éditions d'art, Grimaldi Forum, 2008
IFAO, Tanis Une capitale du Delta au Ier millénaire av. J.-C.
https://www.ifao.egnet.net/recherche/archeologie/tanis/
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