Associée au dieu Khnoum et à la déesse Satis, Anouket (Anoukis) est la troisième divinité de la triade de la Première Cataracte, ou triade d'Eléphantine. Elle est généralement présentée comme "la fille du couple divin" ou encore "l'épouse du dieu".
Entre les hautes murailles de "Set Maât her imenty Ouaset" ("la Place de Vérité à l’occident de Thèbes", l'actuel Deir el-Medineh), vivaient entre 60 et 120 familles dédiées au creusement et à la décoration des tombes des nécropoles royales. Elles disposaient de maisons de pierre couvertes d'un toit en feuilles de palmier, de leur propre nécropole, et bien sûr de lieux de culte. Amon, Ptah, Meretseger, Hathor y étaient célébrés, mais d'autres divinités y avaient également leur place. En effet, comme le précise Guillemette Andreu dans "Les artistes de Pharaon" : "Khnoum et ses deux parèdres, Satis et Anoukis, connurent une grande faveur dans la communauté, sans que l'on sache si un sanctuaire particulier leur a été édifié. Il est vraisemblable qu'une des nombreuses chapelles de dévotion situées au nord du site ait servi à l'occasion de lieu de culte, mais ces cultes apparaissent essentiellement comme privés et domestiques".
Cet emblème "biface" d'Anouket réalisé "Pour le ka du serviteur dans la Place de vérité, Pached, acquitté" témoigne de ce culte. D'autre part, dans leur "Guide de Deir el-Médina", Guillemette Andreu et Dominique Valbelle rappellent que "la procession de l'emblème d'Anouqet est figurée dans la chapelle de la tombe du chef d'équipe Néferhotep".
Deux choses frappent dans les représentations d'Anouket : sa coiffe si particulière et nous y reviendrons et, de manière plus saisissante, sa ressemblance affichée avec Hathor. "Comme l'a montré D. Valbelle, cet objet, dont l'aspect évoque celui d'un sistre hathorique, illustre un syncrétisme entre Ânouket d'Éléphantine et Hathor de Diospolis Parva dans le cadre d'un culte local à Deir el-Medineh" rappelle Christophe Barbotin dans "Les statues égyptiennes du Nouvel Empire".
Haut de 27,5 cm, large de 13,5 cm, il est travaillé dans un bois de tamaris, et repose sur un socle en karité. Le support, assimilable à une colonne cannelée, est cerclé de traits horizontaux. Il est surmonté de la tête - en fait de deux têtes, reproduites à l'identique, "dos à dos" - de la déesse. Son visage adopte la forme d'un losange aux contours arrondis. La partie la plus large se trouve au niveau des oreilles de vache et la plus fine au niveau du menton. Ses grands yeux étirés d'une ligne de fard sont peints en noir avec un grand iris sombre qui laisse peu de place au blanc de l'œil. Ils sont surmontés sur toute leur longueur de sourcils très arqués qui sont creusés et incrustés d'une matière noire. Le nez est épaté et la bouche aux commissures retombantes affiche une légère différence sur les deux faces, sur l'une la lèvre supérieure étant plus fine. Le côté gauche de l'un des deux visages est marqué d'une longue et douloureuse balafre.
Le principal attribut d'Anouket, qui la rend immédiatement identifiable, est sa haute et généreuse coiffe faite de plumes d'autruche. Christophe Barbotin en fait cette description précise : "Le mortier, peint en rouge avec des traits blancs verticaux, est surmonté de plumes avec des traces de peinture bleue et rouge (sept plumes sur chacune des faces, trois sur chaque tranche). Il est posé sur une sorte de calotte peinte en noir visible en haut de chaque face, mais non sur les côtés. Le sommet des plumes constitue une surface parfaitement plane".
Cet emblème d'Anouket date de la XIXe dynastie (vers 1295 - 1186 av. J.-C.). Il est arrivé au Musée du Louvre, en 1826, par l'acquisition par Charles X - pour la somme de 250.000 francs - de la collection du consul britannique Henry Salt. Jean-François Champollion se rendra d'ailleurs à Livourne pour dresser l'inventaire descriptif des 4014 objets, celui-ci portant le n° 559. Dans sa "Notice descriptive des monumens égyptiens du Musée Charles X" (1827), il le présentera sous le A.136, "Bois peint. Tête symbolique de la déesse Anouké". Il est aujourd'hui exposé dans l'aile Sully, dans la salle 336 consacrée au Nil, sous le n° d'inventaire N 3534.
marie grillot
sources :
Emblème d'Anouket
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010024883
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte ancienne et ses dieux - Dictionnaire illustré, Fayard 2007
Sylvie Guichard, Jean-François Champollion, Notice descriptive des monuments égyptiens du Musée Charles X, Paris, Louvre éditions / éditions Khéops, 2013, p. 87-88, ill. p. 88, A. 136
Guillemette Andreu, Les artistes de Pharaon. Deir el-Médineh et la Vallée des Rois, RMN ; Brepols, 2002, p. 273, ill. p. 272, n° 221a
- Andreu, Guillemette ; Valbelle, Dominique, Guide de Deir el-Médina. Un village d'artistes, Le Caire, Institut français d'archéologie orientale (IFAO), 2022, p. 150, fig. 131
- Barbotin, Christophe, Les statues égyptiennes du Nouvel Empire, 1, Statues royales et divines, [Musée du Louvre, Paris], Paris, Louvre éditions / éditions Khéops, 2007, p. 146-147, fig. 1-15 p. 238-241, n° 85
Dominique Valbelle, Témoignages du Nouvel Empire sur les cultes de Satis et d'Anoukis à Éléphantine et à Deir el-Médineh, Bulletin de l'Institut français d'archéologie orientale (BIFAO), 75, 1975, p. 123-145,
https://www.ifao.egnet.net/bifao/75/7/ , p. 141-145, fig. 7, pl. XXI-XXIIII, Doc. 10
Jean-François Champollion, Notice descriptive des monumens égyptiens du Musée Charles X, Paris, Imprimerie de Crapelet, 1827, p. 7, A. 136
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040365n
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