Cette statue représente Ramosé : il ne s'agit pas de celui auquel était destinée la magnifique tombe thébaine TT 55 aux si fins reliefs, mais d'un "homonyme" qui était "scribe royal de Deir el-Medineh". En effet, ce nom "très fréquent à l'époque ramesside (c'est en écriture hiéroglyphique le même mot que Ramsès), est porté dans ce village par différents personnages contemporains" précise Chantal Anzalone ("Un siècle de fouilles françaises en Egypte. 1880 -1980").
Pour Bernard Bruyère, le père de Ramosé, un "certain Amenemheb", vraisemblablement "scribe de la palette" "était apparenté directement ou par son épouse Kakaia aux grandes familles (de la Place de Vérité). Par son mariage avec Moutemouia ("Mout-est-dans-la-barque"), qui "faisait partie de la philè des servantes d’Hathor", Ramosé fut, à son tour, allié à d'autres "grandes maisons". Les époux, qui ne semblent pas avoir eu de descendance, étaient très "en vue" et, toujours selon Bernard Bruyère, "presque toutes les tombes du règne de Ramsès II mentionnent ce couple ou bien l’un ou l’autre des deux époux".
A force de travail, et certainement grâce à son intelligence et à sa détermination, Ramosé "fut nommé scribe à Deir el-Medina en l'an V du règne (de Ramsès II) vers 1275 av. J.-C. et y demeura en activité plus d'une trentaine d'années… Chargé de la bonne marche des travaux en qualité de 'directeur des travaux à l'ouest de Thèbes', il semble avoir bénéficié de la confiance absolue du vizir Paser dont il dépendait directement… C'est sans doute lui qui dirigea le creusement et la décoration de la tombe de Ramsès II" précisent Christophe Barbotin et Christian Leblanc ("Les monuments d’éternité de Ramsès II").
Cette statue, haute de 63,5 cm, sculptée en ronde-bosse dans un calcaire blanc, est partiellement peinte. Une très belle restauration a atténué les blessures du visage et l'on ne peut que regretter que l'absence des pieds et du socle nuisent à l'élégance de sa silhouette… Malgré ces manques, cette statue affirme l'importance de ce personnage à la perruque noire à revers, impeccablement mise, et au vêtement de lin étudié et certainement à la dernière mode.
Dans "Un siècle de fouilles françaises en Egypte", Elisabeth Delange en fait cette description précise : "La statue de Ramose le présente en position de respect, debout, les mains à plat sur le pagne. Il porte la tenue mise à la mode à cette époque… Une chemise agrémentée de larges manches enveloppe les coudes. Serré sur les hanches, le pagne s'épanouit en plis souples vers le tablier lui-même cannelé de plis verticaux. Et une ceinture, formée de plis concentriques, complète le rythme du vêtement plissé. Probablement, à l'origine, était-il chaussé de sandales. Sous ses vêtements, apparaît la corpulence caractéristique de sa fonction. La perruque, 'à revers', est composée d'une calotte pesante et de deux retombées au niveau des clavicules. Elle laisse entrevoir les cheveux naturels à la naissance des mèches. Enfin, Ramose n'ajoute à sa parure aucun bijou".
Et cette représentation ne se cantonne pas à la seule "apparence" : par les six inscriptions qu'elle affiche sur différentes parties du corps et du costume, elle permet d'identifier son propriétaire et de mieux cerner ses "attachements". Ainsi, Christophe Barbotin et Christian Leblanc nous livrent ce qu'elles enseignent : "Traduction des inscriptions sur la poitrine, côté droit de Ramosé : "Amon-Rê, seigneur des trônes des deux terres". Sur la poitrine, côté gauche : "Horakhty, le grand dieu'. En colonne, sur le devanteau du pagne 'Le scribe de la Place de vérité (nom du village des artisans) Ramosé acquitté'. Sur l'épaule droite de Ramosé, cartouche de droite 'Menkheperourê (Thoutmosis IV)' ; cartouche de gauche : 'Ousermaâtrê setepenrê (Ramsès II)'. Sur l'épaule gauche de Ramosé cartouche de gauche : 'Djéhoutymès (khâ)-khâou (Thoutmosis IV)' ; cartouche de droite 'Djéserkhépérourê setepenrê (Horemheb)'. Traduction de l'inscription en haut du dos, de droite à gauche : '(Statue) faite pour le serviteur du domaine d'Amon-Rê, seigneur des deux terres, Ramosé, acquitté'".
Cette statue a été retrouvée par Bernard Bruyère en 1939, année où il découvre, dans le "secteur septentrional de Deir el-Médineh", près du temple d'Hathor d'époque gréco-romaine, un bâtiment en brique crue datant du règne de Ramsès II. Il le décrit comme "une grande construction civile" ou encore comme "une grande demeure civile remplie d’objets : statues, stèles, etc,..." qui sera identifiée ensuite comme étant le "khénou de Ramsès II". Dominique Valbelle, dans l'étude qu'elle consacre à ce bâtiment précise qu'il "présente le triple intérêt d’appartenir à une catégorie originale de dispositifs cultuels consacrés à un culte monarchique".
Cette statue a été extraite du puits 1114, dans la salle 9. "Lors de sa découverte, il lui manquait le nez et la bouche retrouvés peu après précise Guillemette Andreu ("Objets d'Égypte").
La maison de Ramosé, qui devait être l'une des plus cossues du village, n'a pas été identifiée. En revanche, trois tombes lui sont attribuées (n° 7, 212 et 250) et il laisse à son nom pas moins de vingt-cinq stèles, six statues, ainsi que plusieurs tables d'offrandes et bassins à libations.
Lors du partage des fouilles, le musée du Louvre se vit attribuer cette statue : elle est entrée dans ses collections sous le n° d'inventaire E 16346.
marie grillot
sources :
Statue de Ramosé
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010009639
- Bruyère, Bernard, Rapport sur les fouilles de Deir el-Médineh (1935-1940), 2, Trouvailles d'objets, Le Caire, Imprimerie de l'Institut français d'archéologie orientale (IFAO), (Fouilles de l'Institut français d'archéologie orientale = FIFAO ; 20.2), 1952, p. 42, 55, 67, pl. XXXIII, n° 113
https://archive.org/stream/FIFAO20.2/FIFAO%2020.2%20Bruyère%2C%20Bernard%20-%20Trouvailles%20d%27objets%20%281952%29%20LR_djvu.txt
Bruyère, Bernard - Rapport sur les fouilles de Deir El Médineh (1935-1940) Notes à propos de quelques objets trouvés en 1939 et 1940 FIFAO 20.3, 1952
https://archive.org/stream/FIFAO20.3/FIFAO%2020.3%20Bruyère%2C%20Bernard%20-%20Deir%20el-Médineh%20%281952%29%20LR_djvu.txt
Christian Desroches Noblecourt, Jean Vercoutter, Jean, Un siècle de fouilles françaises en Egypte. 1880 - 1980, cat. exp. (Paris, Musée d'Art et d'Essai, Palais de Tokyo, 21 mai - 15 octobre 1981), Le Caire, Institut français d'archéologie orientale (IFAO), 1981, p. 246-247, ill. p. 247, n° 264
Christophe Barbotin, Christian Leblanc, Les monuments d’éternité de Ramsès II. Nouvelles fouilles thébaines, cat. exp. (Paris, musée du Louvre, 1999), Paris, Réunion des musées nationaux, 1999, p. 22-23, ill. p. 23, n° 2
Dominique Valbelle, Le Khénou de Ramsès II, The Workman's progress, The Workman’s progress, Studies in the village of Deir el-Medina and other documents from Western Thebes in honour of Rob Demarée, Edités par Ben Haring, Olaf Kaper & René van Walsem, Nederland Instituut Voor Het Nabije Oosten Leiden, 2014
www.nino-leiden.nl/download/5435
Guillemette Andreu, Les artistes de Pharaon. Deir el-Médineh et la Vallée des Rois, cat. exp. (Paris, Musée du Louvre, 15 avril - 22 juillet 2002 ; Bruxelles, Musées royaux d’art et d’histoire, 10 septembre 2002 -12 janvier 2003), Paris ; Turnhout, RMN ; Brepols, 2002, p. 229 ; 231, ill. p. 230, n° 185
Guillemette Andreu, Florence Gombert, Deir el-Médineh : les artisans de pharaon, Paris, Hazan, 2002, p. 76-77
Guillemette Andreu, Objets d'Égypte : des rives du Nil aux bords de Seine, [Musée du Louvre, Paris], Paris, Le Passage Paris-New York éditions / Louvre éditions, 2009, Edfou 2a
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire