La mort de Ramsès XI, signant la fin de l'ère "ramesside", plonge le Royaume des Deux Terres dans une succession politique instable. En ce début de "Troisième Période Intermédiaire" deux "entités" le gouvernent : au Sud, à Thèbes, les Grands Prêtres d'Amon, alors que dans le Delta, à Tanis, s'installent les rois "tanites". Cette lignée est fondée par Smendès qui régnera un quart de siècle et auquel succédera, brièvement, Amenemnisout. Puis, la "Maât" semble de retour… "L'arrivée de Psousennès Ier à la tête de l'Égypte, aux alentours de 1039, marqua le triomphe de la stratégie de Pinedjem Ier qui, s'appuyant sur le temple d'Amon de Thèbes, avait réussi à donner à son fils la couronne du Nord. Sa famille tenait maintenant l'ensemble du pays…" (Damien Agut, Juan Carlos Moreno-Garcia, "L'Égypte des pharaons - de Narmer à Dioclétien").
Pendant ce règne de 47 ans, Psousennès Ier innove en faisant notamment "préparer pour lui-même et ses proches un tombeau dans l'enceinte même du temple d'Amon" ("L'Egypte pharaonique")…
Lorsqu'il meurt, vers 989 avant J.-C., sa momie y est déposée dans un sarcophage en argent à son image, qui lui-même est placé dans un sarcophage de granit noir de forme anthropomorphe, le tout reposant dans une imposante cuve de granit rose … Il y restera pendant plus de 2900 ans...
Il reposait dans "une salle profonde en granit rose d'Assouan", entouré d'un trésor funéraire d'une richesse exceptionnelle.
Cette petite amulette en or, qui fait partie d'une série de dix, était cousue au linceul royal. Haute de 3,6 cm et large de 4 cm, elle n'est certes pas l'une des pièces les plus somptueuses… mais sa "symbolique" est forte.
Elle épouse la forme d'un collier large, de type "ousekh", muni d'un contrepoids. Le motif central est composé de la représentation des deux déesses tutélaires du Double Pays : "le groupe vautour-cobra traité comme un être unique" analyse Pierre Montet.
Le vautour représente la déesse Nekhbet, originaire de la ville de Haute-Egypte qui, dans l'antiquité portait son nom et qui, aujourd'hui, se nomme El Kab. "Maîtresse du ciel, Déesse protectrice de la Haute-Égypte et du Pharaon", cette divinité est très présente dans l'iconographie.
Quant au cobra, il est associé à Ouadjet, déesse tutélaire de la Basse-Égypte, originaire d'un quartier de Bouto. "A l'origine, elle est essentiellement une divinité de la fertilité du sol et des eaux et son nom la met en relation étroite avec la verdure et la régénération. Pourtant, sa forme particulière et son rôle de protectrice du Delta, de la monarchie du Nord, provoquèrent rapidement son assimilation à l'uraeus" précise Isabelle Franco dans son "Dictionnaire de mythologie égyptienne".
Ainsi le cobra et le vautour sont-ils devenus les symboles de la puissance que le souverain exerce sur les Deux Terres. Images de l'unification du royaume : "leurs têtes étaient souvent placées côte à côte sur le devant des coiffures portées par les rois lors des occasions d'État, et sur les coiffures de leurs statues et autres représentations".
A travers cette petite amulette, dite des "Deux Maîtresses", en partageant les ailes d'un seul et même oiseau "les deux divinités étendent leur protection sur le souverain et la royauté" précise Christiane Ziegler dans "Pharaons".
Dans "L'or des pharaons - 2500 ans d'orfèvrerie dans l'Egypte ancienne", elle se penche plus particulièrement sur la technique du "ciselage" employée par l'orfèvre qui l'a réalisée : "Découpée dans une mince feuille d'or, cette amulette figure un cobra et un vautour aux ailes déployées en arc de cercle. Le plumage du rapace et les détails du corps du reptile sont ciselés avec une délicatesse infinie sur ce bijou qui n'excède pas 4 centimètres de large. La ciselure consiste à tracer un décor en creux, sans doute préalablement indiqué, à l'aide d'un ciselet frappé par une masse quelconque. On reconnaît cette technique à la présence des marques de coups".
Cette amulette des "Deux maîtresses" a été enregistrée au Journal des Entrées du Musée du Caire JE 85815.
marie grillot
sources :
Pierre Montet, Tanis - Douze années de fouilles dans une capitale oubliée du Delta égyptien, 1942
Montet Pierre, La nécropole royale de Tanis d'après les découvertes récentes. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 89e année, N. 4, 1945. pp. 504-517
Montet, Pierre, 1 Les constructions et le tombeau de Psousennes à Tanis (1951)
https://archive.org/stream/Montet1951/Montet%2C%20Pierre%20-%201%20Les%20constructions%20et%20le%20tombeau%20de%20Psousennes%20à%20Tanis%20%281951%29%20LR_djvu.txt
Parrot André
Pierre Montet, Les énigmes de Tanis, In: Syria. Tome 29 fascicule 3-4, 1952. pp. 361-362
https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1952_num_29_3_4794_t1_0361_0000_2
Georges Goyon, La découverte des trésors de Tanis, Pygmalion, 1987
Tanis l'or des pharaons, catalogue de l'exposition Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 26 mars - 20 juillet 1987
Henri Stierlin, Christiane Ziegler, Tanis Trésors des pharaons, Seuil, 1987
Jean-Pierre Corteggiani, L'Égypte ancienne et ses dieux, 2007
Isabelle Franco, Dictionnaire de mythologie égyptienne, 2013
Pharaons - Catalogue de l'exposition présentée à l'Institut du monde arabe à Paris, du 15 octobre 2004 au 10 avril 2005
L'or des pharaons - 2500 ans d'orfèvrerie dans l'Egypte ancienne, Catalogue de l'exposition de l'été 2018 au Grimaldi Forum de Monaco, Christiane Ziegler
Damien Agut, Juan Carlos Moreno-Garcia, L'Égypte des pharaons - de Narmer, 3150 av. J.-C. à Dioclétien, 284 ap. J.-C., Belin, 2016
Pierre Tallet, Frédéric Payraudeau, Chloé Ragazzolli, Claire Somaglino, L'Egypte pharaonique, histoire, société, culture, Armand Colin, 2019
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