En 1903, Gaston Maspero, directeur du Service des Antiquités, donne la consigne à Georges Legrain qui est à la tête de la "Direction des travaux de Karnak" depuis 1895 : "de fouiller un endroit mal connu du temple, de préférence aux alentours du lac sacré". L'égyptologue opte alors pour la cour du septième pylône. Le 26 décembre 1903, après avoir mis au jour de nombreux blocs datant du Moyen et du Nouvel Empire, il découvre, en soulevant une stèle de Séthy Ier, une "favissa"…
Pendant cinq fructueuses - mais difficiles - saisons (1903 - 1907), "près de 800 statues et 17000 bronzes" seront extraits de cette fosse profonde de 10 à 15 mètres. Ce qui sera dénommé "La Cachette de Karnak" s'inscrit comme l'une des plus belles découvertes égyptologiques du début du XXe siècle ! Comment analyser la présence d'un tel dépôt, ses raisons, et l'époque à laquelle il a été effectué ?
Dans une interview accordée à Egypte-actualités, en novembre 2016 lors de la publication de son ouvrage : "La Cachette de Karnak - Nouvelles perspectives sur les découvertes de Georges Legrain", Laurent Coulon donnait les explications suivantes : "L'hypothèse de Georges Legrain qui situait la date de l'enfouissement des statues à la fin de l'époque ptolémaïque reste la plus crédible. Le réexamen approfondi des données disponibles qu'a mené Emmanuel Jambon montre que ce dépôt a eu lieu en une seule opération et non à différentes époques, car des statues des derniers siècles avant notre ère ont été trouvées au plus profond de la fosse, alors que certaines beaucoup plus anciennes, du Moyen et du Nouvel Empire, se trouvaient dans les strates supérieures. La raison d'être de cet enfouissement massif reste, lui, sujet à débat ; il ne peut pour l'instant être relié à aucun événement précis".
Le découvreur fera, par ses notes, ses descriptions, ses photos, et ses publications un travail remarquablement documenté de l'ensemble des découvertes … Ainsi, dans "Renseignements sur les dernières découvertes faites à Karnak", publié en 1905, il signale: "Une mignonne statuette de schiste le montre (Ramsès II) se traînant à genoux, offrant, posé sur un édicule les signes composant l'anaglyphe de son nom Ramessès Meriamon".
Découverte le 7 mai 1904, elle est haute de 27 cm et longue de 39 cm. Ramsès II y est représenté jeune, avec un visage aux joues pleines. Ses yeux en amande sont surmontés de sourcils arqués, son nez a souffert et sa bouche est menue. Il est coiffé du némès rayé orné de l'uraeus frontal. Il porte un pagne plissé, le shendyt, dont la ceinture est joliment ouvragée. De ses bras portés vers l'avant, il tient un autel sur lequel se trouvent trois "personnages". Comment qualifie-t-on ce type de statue ? "Il s'agit plus d'une statue naophore car elle porte un édicule divin, alors que la statue théophore porte une divinité".
Dans "Pharaons", Adel Mahmoud nous en donne cette lecture fort intéressante : "Cette statue représente Ramsès Il prosterné, tenant devant lui une chapelle, sur laquelle trois figures sont accroupies. La première (à partir de la gauche pour l'observateur) figure le dieu Rê, la deuxième probablement le dieu Amon, tandis que la troisième est vraisemblablement celle d'un enfant (cela correspond au hiéroglyphe mès). Devant ces trois personnages, on voit le signe mer. On peut donc considérer que cette statue est un véritable rébus graphique qui permet de lire le nom de naissance de Ramsès II par jeu de signes : Rê (le dieu Rê) mesou (l'enfant) méry (le signe mer) Imen (le dieu Amon), c'est-à-dire Ramsès, aimé d'Amon. Quatre colonnes de hiéroglyphes sont inscrites sur la chapelle. Il s'agit d'un texte dédicatoire affirmant que Ramsès II est aimé d'Amon-Rê, Seigneur des Trônes du Double Pays et du Ciel, et de Rê-Horakhty, le Grand Dieu, Seigneur du Ciel".
Numérotée K 297 par Georges Legrain qui la décrit également sous la référence CG 41244 dans le Catalogue Général du Musée du Caire (JE 37423), elle est identifiée CK 265 dans la base de données de la Cachette de Karnak de l'IFAO. Habituellement exposée au Musée d'Alexandrie, elle a quitté l'Egypte pour la première fois à l'été 2022 afin d'être présentée à l'exposition "Ramses the Great and the Gold of the Pharaohs" au Young Memorial Museum de San Francisco. Elle rejoint maintenant, avec les 180 autres artefacts, "Ramsès & l'or des pharaons" à la Grande Halle de la Villette à Paris (du 7 avril au 6 septembre 2023)…
marie grillot
sources :
Georges Legrain, Renseignements sur les dernières découvertes faites à Karnak, 1905
https://www.nakala.fr/nakala/data/11280/8af3e27b
Georges Legrain, Rapport sur les travaux exécutés à Karnak du 28 septembre 1903 au 6 juillet 1904
https://www.nakala.fr/nakala/data/11280/53a0dcd4
Georges Legrain, Henri Hauthier, Statues et statuettes de rois et de particuliers, 1906
https://archive.org/details/StatuesEtStatuettesDeRoisEtDeParticuliersv.49
Laurent Coulon, Emmanuel Jambon, Base de données "Cachette de Karnak et numéros "K" de G. Legrain", IFAO
https://www.ifao.egnet.net/bases/cachette/ck265
Laurent Coulon, "La Cachette de Karnak - Nouvelles perspectives sur les découvertes de Georges Legrain", ouvrage collectif IFAO, 2016, 616 pages
Egypte-actualités, interview "Laurent Coulon présente l'ouvrage 'La Cachette de Karnak - Nouvelles perspectives sur les découvertes de Georges Legrain'"
https://egyptophile.blogspot.com/2016/11/laurent-coulon-presente-louvrage-la.html
Pharaons - Catalogue de l'exposition présentée à l'Institut du monde arabe à Paris, du 15 octobre 2004 au 10 avril 2005
Dossier de presse de l’exposition "Ramsès II & l'or des pharaons "Statue de Ramsès à genoux, offrant son nom en rébus" © World Heritage Exhibitions
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