mardi 22 février 2022

L'histoire d'une amulette "Ouadj" du Louvre

Amulette Ouadj de Paser - amazonite/feldspath et or - Nouvel Empire - XIXe dynastie
découverte au Sérapeum de Saqqara par Auguste Mariette
entrée au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre en 1852, suite au "partage après fouilles"
N° principal : E 75 - N°d'inventaire : N 760 - IM 2888 photo © 2003 Musée du Louvre / Christian Décamps


Cette ravissante amulette représente une colonnette papyriforme : la tige du papyrus est assimilée à son fût, alors que son ombelle en est le chapiteau. Son nom "Ouadj", qui signifie "papyrus", et par extension "vert", "verdoyant", évoque tout à la fois "la plante elle-même et toute idée de verdure, de vigueur et rappelle les mystérieuses régions marécageuses du Delta d'où jaillit la vie sans cesse renouvelée" précise Isabelle Franco ("Rites et croyances d'éternité"). 


Les amulettes Ouadj apparaissent au Nouvel Empire mais semblent avoir été vraiment populaires au cours de la XXVIe dynastie. Portées par les vivants pour conjurer les dangers de la vie courante, elles furent aussi, de par leur assimilation à l'idée de renaissance, déposées près du défunt pour l'aider à renaître dans l'au-delà…

Amulette Ouadj de Paser - amazonite/feldspath et or - Nouvel Empire - XIXe dynastie
découverte au Sérapeum de Saqqara par Auguste Mariette
entrée au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre en 1852, suite au "partage après fouilles"
N° principal : E 75 - N°d'inventaire : N 760 - IM 2888  - photo © 2003 Musée du Louvre / Christian Décamps


Les anciens Égyptiens  étaient maîtres dans l'art de "conjuguer" les protections. Ainsi associaient-ils au pouvoir de la représentation celui du matériau, dans lequel elle était réalisée, porteur lui aussi de propriétés positives … Cette "addition" amplifiait la symbolique et la puissance de l'amulette qui étaient souvent rehaussées par les formules "magiques" qui y étaient inscrites.


"Un talisman, en forme de colonnette s'épanouissant en fleur et recouverte d'inscriptions empruntées au texte spécial des chapitres 159 et 160 du Livre des Morts, était, suivant la prescription de ce livre même, placé au cou des momies. Cette colonnette est toujours en pierre verte (feldspath), car elle reproduit l'hiéroglyphe exprimant l'état de ce qui est vert, verdoyant, et, par suite, florissant et prospère. Le sens de l'amulette s'explique de lui-même. D'après le chapitre 159 du Rituel, une colonnette de feldspath vert devait être placée au cou de chaque défunt, comme un symbole de rajeunissement de son âme" précise Albert Daninos-Pacha ("Les Monuments funéraires de l'Égypte ancienne").

Amulette Ouadj de Paser - amazonite/feldspath et or - Nouvel Empire - XIXe dynastie
découverte au Sérapeum de Saqqara par Auguste Mariette
entrée au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre en 1852, suite au "partage après fouilles"
N° principal : E 75 - N°d'inventaire : N 760 - IM 2888 - photo © 2003 Musée du Louvre / Christian Décamps

Cette amulette "Ouadj" provenant du Sérapeum que venait de découvrir Auguste Mariette a été inscrite à l'inventaire du Musée du Louvre en 1852 (E 75 - N 760 - IM 2888). Dans son ouvrage "Le Sérapéum de Memphis", il précisait que : "Les fouilles ont amené la découverte d'environ sept mille monuments. Mais tous ces monuments ne sont pas relatifs au même objet, c'est-à-dire au culte du dieu adoré dans le Sérapéum. Bâti dans une nécropole plus ancienne que lui-même, le Sérapéum renfermait dans son enceinte de vieux tombeaux que la piété des Egyptiens avait respectés". C'est dans ce contexte, plus exactement comme le précise le Louvre dans la "tombe isolée Ramsès II = G-H = C8 (Salle de Scha-em-djom, sous le cercueil, à droite, en entrant)", que fut découverte cette colonnette.


Haute de 9 cm et large de moins de 4 cm, elle est en amazonite "une variété de microcline, minéral de la famille des feldspaths" souvent utilisée au Nouvel Empire pour les amulettes. Dans "Ancient Egyptian Materials and Technology", Paul T. Nicholson et Ian Shaw indiquent notamment que : "L'amazonite, qui provenait généralement du désert de l'est... était l'une des six pierres les plus précieuses de la période pharaonique souvent associée avec la turquoise et le lapis-lazuli". Ils précisent en outre que : "La couleur de l'amazonite dérive de la présence  de traces de plomb  et d'eau cristalline...". 

Amulette Ouadj de Paser - amazonite/feldspath et or - Nouvel Empire - XIXe dynastie
découverte au Sérapeum de Saqqara par Auguste Mariette
entrée au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre en 1852, suite au "partage après fouilles"
N° principal : E 75 - N°d'inventaire : N 760 - IM 2888 - photo © 2003 Musée du Louvre / Christian Décamps

Sa forme est élégante, avec sa tige, légèrement renflée dans la partie inférieure qui s'affine en s'élançant et son ombelle joliment formée. Les ornements habituels de la colonne sont parfaitement représentés. Les sépales du bulbe et de la "fleur", les ligatures, ainsi que le dessus du chapiteau sont  dorés à la feuille d'or. Une boucle de suspension du même métal a été ajoutée à son sommet : cette bélière, joliment ouvragée, permettait d'y faire passer une chaîne …


Les inscriptions sculptées sur son fût permettent de l'attribuer au vizir "Paser" une personnalité importante de la XIXe dynastie, qui servit sous les règnes de Sethi I et de Ramsès II. Ses titres sont nombreux, parmi eux figurent, selon l'étude que lui a consacrée V.A. Donohue : "Gouverneur de la ville, … Prince, comte, père de dieu, bien-aimé du dieu, juge en chef" …


marie grillot


sources : 

Amulette de Paser

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010007797

Auguste Mariette, Le Sérapéum de Memphis, Paris, Gide, 1857, p. 15, pl. 20

Albert Daninos-Pacha, Les Monuments funéraires de l'Égypte ancienne, Paris, 1899

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57240348.texteImage

Paul Pierret, Catalogue de la Salle historique de la galerie égyptienne, Paris, 1882, p. 124, N° 522

Emmanuel de Rougé, Description sommaire des salles du Musée égyptien, Musée Impérial du Louvre, Paris, Librairies-imprimeries réunies, 1895, p. 74

Boreux, Charles, Guide-catalogue sommaire, 2, Salles du premier étage (salles Charles X), Musée du Louvre, Paris. Département des Antiquités égyptiennes, Paris, Musées Nationaux, 1932, p. 342

V. Anthony Donohue, The Vizier Paser, The Journal of Egyptian Archaeology (JEA), 103, 74, 1988, p.103-123, p. 110

https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/030751338807400109?fbclid=IwAR27X2zRgWcU6KKL0O7Uns4k-aZQfBR4vZ8k0ix1yl7X8-y_MJeMPYgJZZU

Isabelle Franco, Rites et croyances d'éternité, Paris, 1993

Christiane Ziegler, Les pierres précieuses de l'Egypte pharaonique, l'exemple des bijoux du Serapeum de Memphis, Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1996, 1999

Paul T. Nicholson, Ian Shaw, Ancient Egyptian Materials and Technology, Cambridge University Press 2000

https://books.google.fr/books?id=Vj7A9jJrZP0C&pg=PA57&lpg=PA57&dq=serpentine+karlshausen&source=bl&ots=zu43rhvGLv&sig=ACfU3U12ojtGokhGEQawyj911OJwTdDDrw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjmv6jqjIHpAhVEqxoKHUieATkQ6AEwAHoECAoQAQ#v=onepage&q=greywacke&f=false

Des dieux, des tombeaux, un savant : en Egypte sur les pas de Mariette pacha, Somogy, éditions d'art, 2004


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire