vendredi 18 février 2022

Une coupe florale, offrande du couple royal, au Général Oundebaounded

Coupe florale du Général Oundebaounded - or et électrum - XXIe dynastie 
découverte dans son tombeau (NRT III) à Tanis, en 1946, par Pierre Montet et son équipe
Musée Egyptien du Caire - JE 87740 - photo du musée

Cette ravissante coupe à pied a été découverte à Tanis, en 1946, par Pierre Montet et son équipe, dans le tombeau du Général Oundebaounded. Celui qui avait été un proche du pouvoir le demeurait également pour son éternité puisqu'il reposait dans une toute petite chambre murée, dans la tombe du pharaon qu'il avait loyalement servi, Psousennès Ier.

Élégante et raffinée, elle a un diamètre de 13,3 cm et une hauteur de 5,5 cm. Elle évoque la corolle ouverte d'une fleur - un lotus blanc ? - qui s'épanouit en six pétales. Ils sont faits, alternativement, d'or et d'électrum. Subtilement, le "piédouche", évasé, est segmenté de telle façon que les métaux se répondent à l'inverse, en parfaite harmonie… 

À la vue des artefacts de ce qui est appelé le "trésor de Tanis", la dextérité et la maîtrise des orfèvres de la XXIe dynastie ne cessent de nous éblouir. Ici, tout comme la "Patère des nageuses" (Musée égyptien du Caire - JE 87742) découverte dans cette même tombe, l'artisan a eu la riche idée d'associer deux métaux précieux - à l'époque l'électrum l'était plus encore que l'or ! - de façon à réaliser un artefact original, rythmé et plein de charme.
Coupe florale du Général Oundebaounded - or et électrum - XXIe dynastie
découverte dans son tombeau (NRT III) à Tanis, en 1946, par Pierre Montet et son équipe
Musée Egyptien du Caire - JE 87740 - photo du musée

"Une technique particulière d'association de métaux (pétales emboutis et soudés) et une forme originale, s’inscrivant dans une catégorie connue de récipient (à boire ?), font de cette coupe un vase élégant et singulier" ("Tanis l'or des pharaons").

Sur l'un des pétales d'or, une inscription hiéroglyphique au repoussé mentionne "Le roi du Sud et du Nord, maître des Deux-Terres, Aakheperrê. Le fils de Rê maître des couronnes, Psousennès, L'épouse royale, maîtresse des Deux-Terres, Moutnedjmet". Juste en dessous se trouvent "trois signes irréguliers : un singe portant la main à la bouche et une tête de lionne encadrant un bouquet", qu'Étienne Drioton décrypta ainsi : "ankh, oudja, seneb, Vie, Force, Santé !"
Emplacement du tombeau (NRT III) du Général Oundebaounded
découvert en 1946 à Tanis par Pierre Montet et son équipe

Psousennès Ier, dont la tombe a été découverte par l'équipe de Pierre Montet en février 1940, était un pharaon de la XXIe dynastie. Selon Jean Yoyotte : "il aurait pris possession de Tanis à la mort de Mendès", puis aurait régné pendant plus de 45 ans (1040 à 995 avant J.-C.). Fervent adorateur de la triade thébaine : "il se réclamait presque exclusivement du patronage d'Amon, Mout et Khonsou".

Quant à Moutnedjmet, elle était selon Pierre Montet : "deuxième prophète d'Amonrâsonter, première grande épouse royale de Sa Majesté, première grande recluse d'Amonrâsonter, majordome et prophète de Mout-la-Grande, la Dame d'Acherou, prophète de Chonsou à Thèbes-le-Bienveillant, mère divine de Chonsou l'enfant, le très grand premier d'Amon, fille royale, sœur royale, femme royale, maîtresse des deux terres, triomphante auprès d'Osiris… Si nous n'avions pas d'autre renseignement sur Moutnedjem, nous serions tenté de voir en elle la principale épouse de Psousennès. En réalité, elle était sa mère." Cependant, cette filiation n'est pas toujours avérée, puisqu'il arrive que l'on : "accorde aujourd'hui l'initiative de cette offrande à la femme du grand monarque". 
Coupe florale du Général Oundebaounded - or et électrum - XXIe dynastie - découverte dans son tombeau (NRT III) à Tanis, en 1946, par Pierre Montet et son équipe
Musée Egyptien du Caire - JE 87740

Ainsi cette inscription, cette dédicace, portée sur ce précieux objet qui accompagna Oundebaounded pour son au-delà, témoigne-t-elle des relations étroites, et même de l'attachement qui le liait à la famille royale. Pour autre preuve, il faut également se souvenir qu'un glaive, portant son nom, avait été déposé près de Psousennès. 

Dans son ouvrage "La découverte des trésors de Tanis", Georges Goyon nous en dit plus sur le Général : "Ce n'était pas un personnage de sang royal, mais un grand prêtre de Khonsou et Chef des Archers de pharaon. Il était en outre investi du titre important de Supérieur des Prophètes-de-tous-les-dieux, qui nous parut correspondre à celui de ministre des cultes. C'était le roi Psousennès Ier qui l'avait élevé à ces hautes fonctions… Un de ses titres le plus curieux était celui de "Unique-préposé-à-la-louange-des-grands" dont la charge consistait à présenter les titulaires au roi pendant les cérémonies de récompenses."

Le Général reposait dans trois cercueils successifs : le premier, une : "cuve de granit ayant appartenu - encore un réemploi - à un prêtre d’Amon", le second en bois doré, et le troisième en argent (ces deux derniers fortement détériorés). Sa momie révèle qu'il avait dû rejoindre les Champs d'Ialou alors qu'il avait une cinquantaine d'années. Elle était entourée de bijoux en or, d'amulettes, de statuettes et de vaisselles précieuses, représentant 5 kg d’or et 5 kg d’argent. Sur son visage se trouvait notamment un magnifique masque (Musée égyptien du Caire - JE 87753) : "réalisé dans une épaisse feuille d'or, ornée d'incrustations en pâte de verre". 
Masque du Général Oundebaounded - or - XXIe dynastie
découvert dans son tombeau (NRT III) à Tanis en 1946 par Pierre Montet et son équipe
Musée Egyptien du Caire - JE 87753

Georges Goyon - qui était présent lors de la découverte - précise que : "parmi les objets funéraires, on pouvait admirer quatre patères en métal précieux de toute beauté. Elles avaient été déposées directement sur le ventre du sarcophage de pierre, après le scellement du couvercle".

Les artefacts de la tombe du Général partiront, sous escorte policière, vers le musée du Caire : cette coupe florale y est exposée depuis sous la référence JE 87740.

marie grillot

sources :
Pierre Montet, Tanis - Douze années de fouilles dans une capitale oubliée du Delta égyptien, Payot, Bibliothèque historique, 1942
Pierre Montet,  La nécropole royale de Tanis d'après les découvertes récentes, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 89e année, N. 4, 1945. pp. 504-517
doi : https://doi.org/10.3406/crai.1945.77901 https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1945_num_89_4_77901
Jean Sainte Fare Garnot, Bibliographie analytique des religions de l'Egypte (1939-1943), Revue de l'histoire des religions, tome 133, n°1-3, 1947. pp. 162-180
doi : https://doi.org/10.3406/rhr.1947.5568 https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1947_num_133_1_5568
Jean Yoyotte, Tanis l'or des pharaons, catalogue de l'exposition Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 26 mars - 20 juillet 1987,  Association Française d'Action Artistique, 1987
Henri Stierlin, Christiane Ziegler, Tanis Trésors des pharaons, Seuil, 1987
Georges Goyon, La découverte des trésors de Tanis, Pygmalion, 1987
Le clergé féminin d'Amon Thébain à la 21e dynastie, Saphinaz-Amal Naguib, Peeters  Press Louvain, 1990
https://books.google.je/books?id=kKUSNiy7UFgC&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Guide National Geographic, Les Trésors de l'Egypte ancienne au musée égyptien du Caire, 2004
Pharaons - Catalogue de l'exposition présentée à l'Institut du monde arabe à Paris, du 15 octobre 2004 au 10 avril 2005, IMA, Flammarion, 2005

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