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Ce fermoir - qui a été "reposé" sur un collier composé de perles tubulaires d'or - offre à nos yeux une ravissante composition de trois éléments d'or cloisonné à dominante bleue. D'une hauteur de 2 cm et d'une largeur de 2,7 cm, il marie avec esthétique turquoise (que Georges Legrain nomme "émeraude d'Egypte"), lapis-lazuli et quelques incrustations de cornaline qui apportent leur ton chaud.
Au centre se trouve une déesse que l'on identifie spontanément à Hathor et qui en fait, en est la représentation "primitive" : Bat. Elle est présentée comme étant : "une déesse-vache d'époque prédynastique, antérieure à Hathor qui lui succéda progressivement à partir de le IVe dynastie (Ancien Empire)". Isabelle Franco ("Dictionnaire de mythologie égyptienne") indique : "On sait très peu de choses sur Bat antique divinité du septième nome de Haute-Egypte assimilée à Hathor à partir du Moyen Empire. Son emblème figure un visage féminin de face, parfois double, affublé d'oreilles de vaches et surmonté par deux cornes stylisées"
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Sa tête au visage rond, fait de turquoise, est effectivement pourvue d'oreilles de vache. Elle est : "surmontée de deux boucles au lieu de cornes. De son cou pend un fin pectoral se terminant par des perles en forme de goutte" analyse Cyril Aldred dans "Jewels of the Pharaohs".
Dans son "Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire, fascicule 3", Emile Vernier juge que l'exécution de la déesse est "de tout point remarquable". Elle est entourée par deux tiges de lotus qui sont liées, juste au dessus de sa tête par un délicat nœud de tisserand en lapis-lazuli. La tige est faite d'incrustations de lapis-lazuli et de turquoise alors que les fleurs s'épanouissent en neuf pétales pointus. "Celles-ci sont en turquoise (émail) pour leurs principaux pétales, les plus petits sont en lapis, le calice est en cornaline" précise-t-il, tout en ajoutant : "Ce bijou est dans un état de conservation parfait; il ne manque que deux petites pierres de la tige de droite".
Le lotus (ou nénuphar) bleu - Nymphaea caerulea -, avec ses feuilles à bord linéaire, ses boutons effilés en pointe et ses pétales étroits et aigus, est le plus caractéristique de l’Égypte. Il s’épanouit le jour, s’ouvrant dès les premiers rayons du soleil, puis le soir venu, fermé pour la nuit, il disparaît sous les eaux dont il ne ressortira que le lendemain matin... Et le cycle recommence ainsi chaque jour et chaque nuit... Symbole de la naissance, le lotus est aussi celui de la re-naissance.
Ce petit bijou était parmi les : "300 pièces d'orfèvrerie, des pectorals, des colliers, des bracelets, des pendeloques, des fleurs de lotus, des lions couchés, des scarabées, et une multitude de perles" qui furent retrouvées dans un coffret de bois incrusté d'or de la princesse Sat-Hathor, qui avait miraculeusement échappé aux pilleurs…
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Sat-Hathor (ou Hathor-Sat), selon Jacques de Morgan le découvreur, avait probablement eu pour mère : "la reine Nefer-Hent", et pour père : "l'un des deux souverains de la XIIe dynastie dont elle portait les noms gravés sur ses joyaux : Ousertesen II ou Ousertesen III".
Sa tombe a été trouvée, en mars 1894, lors des fouilles qu'il menait sur le secteur de la "pyramide septentrionale" de Dahchour.
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Dans son ouvrage "Fouilles à Dahchour", publié la même année, il relate les circonstances de la découverte des tombes de plusieurs princesses du Moyen Empire et des trésors qu'elles recelaient. Ainsi, début mars, met-il au jour quatre tombeaux qui : "s'ouvraient sur la galerie principale ; le premier, le troisième et le dernier étaient anonymes, le second était celui d'une reine. L'étage inférieur contenait huit sarcophages dont deux seulement portaient des inscriptions. Ils avaient appartenu aux princesses Ment et Sent-Senbet-s, filles royales. La nécropole souterraine que je venais d'ouvrir n'était donc pas le tombeau du roi, mais bien la galerie des princesses, l'une des annexes du tombeau principal. Plus tard, je découvris dans les trésors les noms des princesses Hathor-Sat et Mérit et sur les débris vermoulus d'un coffret de bois les titres d'une sixième fille royale. (...) Jusque-là, je ne pouvais apprécier l'âge de cette tombe de princesses que par la comparaison du travail avec celui usité dans les mastabas de la XIIe dynastie, et les documents les plus importants que je possédais étaient ceux fournis par les fouilles de la surface où des fragments de bas-reliefs m'avaient donné le cartouche d'Ousertesen III. Mais, fort heureusement, une découverte imprévue allait jeter un jour nouveau sur le monument et prouver définitivement qu'il a bien été construit sous la XIIe… L'examen méticuleux du sol des galeries fit découvrir le 6 mars une cavité creusée dans le rocher au pied du sarcophage C. Le terrain était meuble et le pied de l'ouvrier s'enfonçait au milieu des débris mobiles. En quelques coups de pioche la cachette, car c'en était une, décela ses trésors : des bijoux d'or et d'argent, des pierreries étaient là, entassés au milieu des fragments vermoulus d'un coffret où jadis ils avaient été renfermés."
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Georges Legrain, qui œuvre à ses côtés, est chargé de dresser le premier catalogue des bijoux et d'en reproduire fidèlement dessins et aquarelles….
Cependant, certains bijoux, dont les fils "d'enfilage" des perles s'étaient délités : "ont été recomposés après une restauration minutieuse, grâce à des comparaisons avec des exemplaires contemporains". C'est le cas de ce petit fermoir, remonté sur un simple collier de perles d'or.
Il a été enregistré au Journal des Entrées du musée du Caire sous la référence JE 30862 et au Catalogue Général CG 53142.
marie grillot
sources :
Dictionnaire de mythologie égyptienne, Isabelle Franco, 2013
Jewels of the Pharaohs, Cyril Aldred ed. Thames & Hudson Ltd. Londres, 1978.
Fouilles à Dahchour, Jacques de Morgan, 1894
http://dlib.nyu.edu/awdl/sites/dl-pa.home.nyu.edu.awdl/files/fouillesdahcho01morg/fouillesdahcho01morg.pdf
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1894_num_38_3_70401?_Prescripts_Search_tabs1=standard&
Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire N° 52640 -53171 - Bijoux et orfèvreries. Fasc. 3. (1925) by Vernier, Émile Séraphin (1852-1927)
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57740426.r=Catalogue%20général%20des%20antiquités%20égyptiennes%20musée%20du%20caire?rk=107296;4
Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Francesco Tiradritti
Les trésors de l'Egypte ancienne au musée du Caire, National Geographic
Zahi Hawass, catalogue de l'exposition Ramsès & l'or des pharaons, Laboratoriorosso, 2021
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