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Cette palette à fard en forme de poisson est datée de la période prédynastique Nagada III, c'est-à-dire 3300-3100 J.-C. Elle témoigne tout à la fois d'une expression artistique naissante, de l'attention que, dans ces temps reculés, les anciens portaient à leur environnement naturel, et de l'intérêt qu'ils accordaient à leur apparence, tant dans leur quotidien que pour leur au-delà.
Haute de 11,9 cm et large de 23,5 cm, elle est sculptée dans ce qui ressemble à de l'ardoise et que l'on nomme la grauwacke. Il s'agit de schiste, ou grès siliceux à la couleur gris foncé anthracite, qui, par la finesse de son grain, permet d'atteindre un poli parfait et ainsi de réaliser une sculpture minutieuse.
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Le poisson est représenté de façon certes schématique, voire naïve, mais avec ses caractéristiques essentielles.
La queue de forme tronquée, ou nageoire caudale ainsi que la nageoire dorsale sont marquées de traits incisés en profondeur.
L'opercule des branchies se poursuit pour délimiter la tête dans un semblant de demi-cercle. La bouche est fermée. L'œil est rond et creux : il consiste en fait en l'un des trous de suspension alors que l'autre est percé dans la partie avant de la nageoire dorsale.
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Ce poisson, à la représentation épurée, pourrait être un "tilapia", car, comme l'indique Diana Craig : " Deux des formes les plus courantes des palettes prédynastiques sont les poissons et les tortues, tous deux trouvés dans le Nil et ses lacs de marais. Les poissons de l'art égyptien ancien sont presque exclusivement des tilapias (Tilapia sp.), souvent appelés bolti d'après le terme arabe égyptien moderne. Les jeunes de l'espèce éclosent à l'intérieur de la bouche de la mère et sont libérés complètement développés, ce qui donne l'impression qu'ils se reproduisent instantanément. Pour cette raison, le bolti était associée à l'époque pharaonique au cycle de la renaissance et était un puissant symbole de régénération".
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William Matthew Flinders Petrie a publié, en 1921, le "Corpus of Prehistoric Pottery and Palettes" dans lequel, comme l'intitulé l'indique, il reprend et classifie notamment les différents types de palettes. Celle-ci semble se rapprocher de la "catégorie" 53.
Elle a été découverte par Ambrose Lansing qui dirigeait, en 1934-1935, les fouilles, menées, par l'expédition du Metropolitan Museum of Art à Hierakonpolis (Nekhen), dans le sud de la Haute-Égypte.
Elle fut trouvée, précisément, dans la tombe 23 du "Fort Cemetery (Hk 27)". En effet : "Le désert de Hierakonpolis est dominé par un fort en briques de terre crue qui, on l'a supposé, date de la IIe dynastie et qui est l'un des plus anciens bâtiments en briques de terre encore debout en Égypte" précise le découvreur.
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Il note par ailleurs que dans la majorité des tombes, à l'exception des plus pauvres, figurent des palettes à fard, ce qui l'amène à faire cette analyse très pertinente et non dénuée d'humour : "Il est frappant de constater que même si tôt dans une période de civilisation, la 'toilette', c'est-à-dire le 'maquillage', était l'une des caractéristiques les plus importantes de la vie quotidienne. La galène et la malachite broyées produisent respectivement une poudre noire et une poudre verte, et cela était appliqué autour des yeux. Qu'il y ait ou non une valeur médicinale dans ces minéraux, l'origine de leur utilisation était sans aucun doute d'améliorer la beauté des femmes; et nous devons donc conclure que la vanité a joué son rôle à l'époque comme aujourd'hui, mais aussi bien chez les hommes que chez les femmes en ce qui concerne le maquillage. La forme de ces palettes est intéressante. Plusieurs types ont été trouvés mais la plupart étaient en forme de poisson. Ici, nous pouvons voir peut-être l'une des façons dont la représentation dans l'art commence. Il n'y a aucun lien évident entre le poisson, la galène, la malachite et la peinture des yeux. Comment expliquer alors que les palettes d'ardoise se présentent sous forme de poisson ?".
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La réponse est peut-être dans cette interprétation de Diana Craig : "Le Nil n'a jamais été loin des pensées des anciens Égyptiens. Le fleuve fournissait de l'eau pour les récoltes, permettait le transport de marchandises et était une source abondante de nourriture. Les plantes et les animaux vivant dans ses eaux et les marais voisins sont devenus les sujets de nombreux objets prédynastiques"…
A l'issue de la saison de fouilles, lors de la division des "trouvailles", cette palette est revenue au Metropolitan Museum of Art de New York où elle est entrée sous la référence 35.7.1.
marie grillot
sources :
Fish-shaped palette
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/547361?searchField=All&sortBy=Relevance&ft=fish+palette&offset=0&rpp=20&pos=8
The Museum's Excavations at Hierakonpolis, Ambrose Lansing, The Metropolitan Museum of Art Bulletin Vol. 30, No. 11, Part 2: The Egyptian Expedition 1934-1935 (Nov., 1935), pp. 37-45 (9 pages)
https://www.jstor.org/stable/3255038?read-now=1&seq=7#page_scan_tab_contents
Patch, Diana Craig 2011. "Introduction." In Dawn of Egyptian Art, edited by Diana Craig Patch. New York: The Metropolitan Museum of Art, p. 5, no. 9.
Patch, Diana Craig 2011. "From Land to Landscape." In Dawn of Egyptian Art, edited by Diana Craig Patch. New York: The Metropolitan Museum of Art, pp. 25–26, 50, n. 11, no. 9.
Patch, Diana Craig 2011. "The Human Figure." In Dawn of Egyptian Art, edited by Diana Craig Patch. New York: The Metropolitan Museum of Art, p. 128, no. 9.
Patch, Diana Craig 2011. "Early Dynastic Art." In Dawn of Egyptian Art, edited by Diana Craig Patch. New York: The Metropolitan Museum of Art, p. 137,no. 9.
Corpus of Prehistoric Pottery and Palettes. Petrie W.M.F. (1921), BSAE & ERA 32. London.
http://www.etana.org/sites/default/files/coretexts/15280.pdf?fbclid=IwAR1NOmTwT6JkXGfyVOcp4KPZaKBIXvDqEdh2DThN0fuXC_P-TeoHPvX_kMA
http://www.etana.org/sites/default/files/coretexts/15280.pdf?fbclid=IwAR1NOmTwT6JkXGfyVOcp4KPZaKBIXvDqEdh2DThN0fuXC_P-TeoHPvX_kMA
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