C'est en 1893 que fut trouvée, dans la nécropole d'Assiout (Moyenne-Egypte), la tombe d'un "Prince de Siout", Mesehti (Masahîti). Cette découverte n'est malheureusement pas "documentée" car, comme le précise Emile Chassinat, elle est due : "aux fouilles faites par des indigènes". Cet état de fait semble avoir été assez "habituel" à cette époque-là sur ce site. il ajoute d'ailleurs que la nécropole a été pillée à maintes reprises et que : "ce qui en est sorti est fort peu connu et a rarement pris le chemin des musées".
En effet, elle est décrite par Gaston Maspero dans son "Guide du visiteur au Musée du Caire", 1902, sous le numéro 1337, puis sous le numéro 3345 dans l'édition de 1915 : "Une compagnie de grosse infanterie, formée de quarante hommes recrutés dans la population égyptienne, ainsi que le prouvent le type et la couleur des individus. Ils ont la taille assortie bien que deux ou trois individus y soient au-dessus ou au-dessous de la moyenne, et ils portent tous le même équipement. Ils ceignent le pagne très court, couvrant à peine le bas des reins pour ne pas gêner la marche, avec une sorte de retombée qui protège le bas-ventre : la perruque, brève mais épaisse, défend la tête contre les coups de massue, et elle est serrée par une bandelette blanche. Chaque soldat est armé d'une lance à peine un peu plus haute que lui, haste ( = hampe) de bois et pointe de cuivre longue et plate en feuille de saule, attachée par une corde mais non pas emmanchée à la haste au moyen d'une douille. Il tient à la main gauche un bouclier, rectangulaire par le bas et qui se termine en cintre vers le haut. Il consiste en un cadre de bois léger, sur lequel une peau de bœuf ornementée est fixée extérieurement ; chaque bouclier porte un décor spécial, rouge ou noir, qui est comme son blason".
La troupe est forte de quarante hommes, qui avancent en 4 colonnes de dix guerriers.
Il en ressort l'impression générale d'une unité "soudée" mais l'artisan qui, patiemment, a sculpté, un à un chaque soldat a su insuffler à chacun une individualité propre… Si la coiffure est la même, si le pagne est identique, la taille, la corpulence, la façon de tenir le bouclier les différencient. Ces légers détails font que, comme l'analysent si justement Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian dans leur "Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire" : "Le défilé est sauvé de la monotonie par l'observation des traits individuels".
Il faut ajouter à cela que le traitement des boucliers, faits de différentes peaux de bêtes tachetées, jette autant de tonalités différentes de brun et de noir…
Si le Porter & Moss présente "Mesehti" comme étant : "Maire, Chancelier du roi de Basse-Égypte; Lecteur; Surveillant des prophètes. Dyn. IX ou X", pour Gaston Maspero il était : "un grand chef militaire de la XIe ou de la XIIe (dynastie)".
Ce qui expliquerait la présence de cette maquette dans son tombeau, qui était d'ailleurs accompagnée d'une autre, sur le même modèle, mais représentant des archers nubiens.
Le prince disposait ainsi, pour son au-delà, de deux armées pour le défendre…
Jean-Pierre Corteggiani rappelle comment ces "maquettes" sont apparues dans l'équipement funéraire : "À l'Ancien Empire, les gens de qualité ne se contentèrent pas d'assurer la survie qu'ils souhaitaient en couvrant les murs de leurs tombes de bas-reliefs ; peu à peu l'habitude fut prise de déposer à côté de la statue du mort, des statuettes représentant des serviteurs en train d'accomplir pour l'éternité leurs tâches de tous les jours… À la Première Période Intermédiaire enfin, et au Moyen Empire, ce ne sont plus des effigies isolées mais des scènes complètes, véritables maquettes de la vie paysanne ou artisanale que l'on enterre avec le défunt."
Dans "Les merveilles du musée égyptien du Caire" Rosanna Pirelli, resituant le contexte, émet cette fort intéressante analyse : "La présence de modèles de troupes armées dans les tombes de cette période reflète assurément de nouveaux équilibres sociaux et politiques, marqués par le pouvoir et l'autonomie de princes locaux qui ressentent la nécessité d'introduire des éléments iconographiques nouveaux dans la représentation qu'ils veulent donner d'eux-mêmes et de leur statut".
marie grillot
sources :
Model of Soldiers of Mesehti, Egyptian Pikemen - JE 30 968
http://www.globalegyptianmuseum.org/record.aspx?id=15302
Model of Nubian Archers from the Tomb of Mesehti - JE 30969
http://www.globalegyptianmuseum.org/record.aspx?id=15304
Gaston Maspero, Guide du visiteur au Musée du Caire, 1902, Institut français (Le Caire)
https://archive.org/details/guidemuseecaire00masp/page/n6/mode/2up
Gaston Maspero, Guide du visiteur au Musée du Caire, 1915
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572454w/f29.item.r=bracelet.texteImage#
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire,
Abeer El-Shahawy, The Egyptian Museum in Cairo, Matḥaf al-Miṣrī
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Dietrich Wildung, L'âge d'or de l'Egypte - Le Moyen Empire
Emile Chassinat, Une campagne de fouilles dans la nécropole d'Assiout, IFAO, 1911
https://archive.org/stream/MIFAO24/MIFAO%2024%20Chassinat,%20Émile%20Gaston%20-%20Une%20campagne%20de%20fouilles%20dans%20la%20nécropole%20d'Assiout%20(1911)%20LR_djvu.txt
Topographical Bibliography of Ancient Egyptian Hieroglyphic Texts, Reliefs, and Paintings - IV. - Lower and Middle Egypt (Delta And Cairo To Asyut), by the Late Bertha Porter and Rosalind l. B. Moss, Griffith Institute Ashmolean Museum Oxford, 1934
http://www.griffith.ox.ac.uk/topbib/pdf/pm4.pdf
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