Jean-François Champollion "Le Jeune", déchiffreur des hiéroglyphes Figeac, 23 décembre 1790 - Paris, 4 mars 1832 Portrait réalisé en 1831 par Léon Cogniet - Musée du Louvre - INV 3294 |
La phtisie, le diabète, le surmenage l'ont affaibli depuis des mois. Son séjour en Égypte au cours duquel il buvait l'eau du Nil a été particulièrement néfaste à son foie fragile, tout comme sa quarantaine "glaciale" au lazaret de Toulon à son retour, fin 1829, l'a été pour ses poumons…
Les quelques mois de ce dernier automne 1831 passés à Figeac où il est retourné se faire choyer en famille ne lui ont apporté qu'un léger mieux.
Début décembre, dès son retour à Paris (où il s'était installé en 1830, 4 rue Favart avec son épouse Rosine et sa fille Zoraïde), il dut "subir une purgation et deux saignées. Son état lamentable effrayaient ceux qui ne l'avaient pas vu depuis quelque temps" précise Alain Faure dans "Champollion, le savant déchiffré". Le 5, il décide cependant de reprendre ses cours au Collège de France. Mais il doit les abandonner au bout de quelques jours. Essoufflé et épuisé par des quintes de toux interminables, il lui est devenu impossible de prodiguer son enseignement.
Avec son frère, Jacques-Joseph, le fidèle, le protecteur de tous les instants, il continue cependant à travailler à sa "Grammaire Égyptienne" ; il lui confiera d'ailleurs : "J'espère qu'elle sera ma carte de visite pour la postérité."
En janvier 1832 son état empire mais il lutte encore contre ce mal qui l'emporte… Jacques-Joseph relate avec émotion ces moments tragiques où il implore : "'Mon Dieu, encore deux ans'… et puis se frappant la tête : 'Trop tôt ! Il y a encore tant de choses là-dedans'".
Début février, il sombre "dans un délire presque sans rémission" dont il ne ressortira que brièvement. Il n'aura que le temps de dire : "Je veux être enterré au Père-Lachaise, près de Fourier". Il n'aura que la force de demander à revoir les objets qu'il avait rapportés d'Egypte, et qui, certainement, lui rappelaient les plus beaux jours de son existence : "sa gallabieh, son caftan noir, son tarbouche, ses babouches de Gournah..." (Jean Lacouture "Champollion, une vie de lumière").
Pendant de rares moments de conscience, il s'inquiétera aussi du transport de l'obélisque… L'obélisque qu'il a "choisi" lui même au temple de Louqsor, et qui revient sur le "Luxor", navire commandé par l'un de ses très chers amis, Raymond Jean Baptiste de Verninac Saint-Maur, celui-là même qui commandait "l'Astrolabe" lors de son retour de la mission franco-toscane.
Le 3 mars, il reçoit l'extrême-onction… Puis, le 4 mars disparaît ce génie qui a réveillé les murs des temples, permis aux papyrus d’être lus, redonné vie aux pharaons, aux statues, que la proscription des cultes par Théodose 15 siècles plus tôt, avait voués au silence, la clé d'écriture et de lecture des hiéroglyphes étant tombée dans l'oubli …
Ses obsèques se déroulent le 6 mars 1832 à 11 h, dans la belle église baroque Saint-Roch, dans le premier arrondissement de Paris. Cette église, il l'avait fréquentée alors qu'il était étudiant au Collège de France… "C'est là qu'il retrouvait à dix-sept ans le vicaire Cheftitchi, son meilleur professeur de copte, et l'entendait dire la messe dans la langue de 'ses' chers Rhamsès et Thoutmès…" (Jean Lacouture).
Il est enterré dans la division 18 du Père-Lachaise où sa tombe est recouverte de lauriers. "Son cercueil fut déposé, suivant son vœu non loin de Fourier, le mathématicien, le préfet, l'ami, l'initiateur" (Jean Lacouture). Si nombre de personnalités présentes regrettent le savant et bien sûr son inestimable apport à la connaissance de l'antiquité, nombreux sont là en amis, parce que Jean-François fut : "bon, indulgent, serviable, digne en tout de sa haute réputation et du respect qui environna sa vie". Plus tard, Rosine son épouse "fit élever à ses frais le monument simple mais digne que l'on peut voir aujourd'hui encore dans l'allée des Acacias".
Une grande dalle de pierre porte l'inscription suivante : ICI REPOSE JEAN-FRANÇOIS CHAMPOLLION NÉ A FIGEAC, DÉPT. DU LOT, LE 23 DÉC. 1790 DÉCÉDÉ À PARIS LE 4 MARS 1832.
Un obélisque de grès y a ensuite été ajouté, avec ces seuls mots gravés : "Champollion le jeune", mais le symbole est là, solaire, lumineux…
M. de Forbin, directeur des musées royaux, s'adressera au roi : "pour lui demander de faire exécuter en marbre le buste de M. Champollion jeune pour être placé dans le musée égyptien dont il est le fondateur".
Des témoignages et de nombreux hommages afflueront vers Jacques-Joseph, inconsolable… Charles Lenormant qui l'avait accompagné en Égypte aura pour lui ces paroles admiratives : "Il avait cette force d'intuition qui n'appartient qu'au génie… et cette résignation tranquille à ignorer ce qu'il n'est pas temps de savoir".
Même John Gardner Wilkinson (qui avait pourtant refusé de le rencontrer) enverra, depuis Gournah, des condoléances attristées saluant "l'inestimable talent de ce savant". Et cet hommage, anonyme, mais qui nous restitue une dimension toute affective "On ne regrettera pas moins l'homme que le savant : quelle égalité d'humeur, quel besoin d'affection, quelle tendresse de cœur !"
C'est le coeur brisé que Jacques-Joseph dira adieu à celui qui "avait été plus que sa propre existence". De sa naissance à Figeac, à sa mort prématurée à Paris, il l'a aimé, choyé, porté, accompagné, aidé, épaulé. Il aura à cœur de perpétuer sa mémoire et publiera ses œuvres posthumes, notamment la "Grammaire égyptienne", le "Dictionnaire égyptien en écriture hiéroglyphique" et les "Monuments de l'Égypte et de la Nubie"...
marie grillot
sources :
Champollion le Jeune, Lettres écrites d'Égypte et de Nubie en 1828 et 1829, Librairie Académique Didier et Cie, Paris, 1868
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103771z/f1.image.r=Il%20est%20donc%20du%20plus%20haut%20intérêt%20pour%20l'Egypte%20elle-même.texteImage
Notice publiée dans la revue de la Société de phrénologie de Paris, le 12 novembre 1833, par le Docteur Janin
Jean Lacouture, Champollion, une vie de lumières, Grasset, 1988
Alain Lunel, Champollion, le rêve inachevé, Editions du Rocher, 1995
Hermine Hartleben, Jean-François Champollion, Sa vie et son œuvre, Pygmalion, 1997
Sydney H. Aufrère, Champollion, Jean-François (23 décembre 1790, Figeac 4 mars 1832, Paris), INHA, Institut National d'Histoire de l'Art, 2008
https://www.inha.fr/fr/ressources/publications/publications-numeriques/dictionnaire-critique-des-historiens-de-l-art/champollion-jean-francois.html
BNF, Bibliothèque Nationale de France, Jean-François Champollion, 1790 - 1832
https://essentiels.bnf.fr/fr/personnalite/29d0392e-5140-4e9c-ae8b-edbd7f32cf66-jean-francois-champollion
Champollion, journal d'une vie, Musée Champollion Figeac, 2012
https://www.calameo.com/read/001289448eb3f1f82717a
Karine Madrigal, Correspondances, Figeac et les Frères Champollion, Musée Champollion, Figeac, 2016
Alain Faure, Champollion, le savant déchiffré, 2020
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