Si l'hippopotame a, de nos jours, disparu des rives du Nil, il y était très présent dans l'antiquité. Par son poids énorme, par la menace qu'il représentait, il était, à juste titre, considéré comme l'un des animaux les plus dangereux du monde nilotique.
Cependant, comme l'explique Dorothea Arnold : "La crainte inspirée par un animal qui pouvait dévaster les champs d’un fermier du jour au lendemain a été tempérée par la conviction des Égyptiens en son pouvoir revitalisant. Créateur de la boue fertile, l'hippopotame incarnait des pouvoirs divins garantissant la renaissance". Ainsi, les anciens égyptiens, par leur sagesse et leur regard "confiant" en la nature, ont-ils été amenés à voir en lui des aspects positifs.
C'est alors, comme l'explique Élisabeth Delange, que : "À la fin du Moyen Empire apparurent ainsi une série de figures originales et suggestives… Déposé dans la tombe, l’hippopotame prenait une tout autre signification, devenant la figure symbolique du soleil qui surgit de l’onde au matin de la création. C’est pourquoi il accompagnait le défunt dans sa 'résurrection'".
De nombreux exemplaires nous sont parvenus, en fritte verte ou bleue, représentant le pachyderme debout ou couché…
Celui-ci se trouve au Metropolitan Museum of Art de New York : long de 20 cm et large de 7,5 cm, il est en fritte bleue et sculpté en ronde bosse. L'artiste qui l'a façonné, vers 1900 avant J.-C., a restitué, à la perfection, l'anatomie de l'énorme pachyderme. Et, s'il a su traduire sa pesanteur et sa lourdeur tout en lui insufflant l'idée du mouvement, il a également réussi le prodige de le rendre touchant…
Représenté debout, il est campé sur ses pattes courtes et trapues. "Trois de ses pattes ont été restaurées car elles ont probablement été brisées volontairement pour empêcher la créature de nuire au défunt" précise le Musée.
Sa tête, soutenue par un cou gras, est large et épaisse ; elle est légèrement abaissée, comme si l'animal humait le sol. Ses oreilles sont petites et ses yeux proéminents.
Le corps est lourd et massif… Mais cette pesanteur est adoucie par une idée, aussi géniale que poétique, de son créateur : il a peint, en noir, sur l'animal, de longues tiges de lotus restituant ainsi l'environnement des marais et donnant l'impression de le voir évoluer dans son milieu naturel.
Cet artefact provient de la nécropole de Meir, en Moyenne-Egypte. "Le site est surtout connu des égyptologues pour ses tombes de l'Ancien et du Moyen Empire, décorées de manière vivante, taillées dans l'escarpement de pierre qui s'élève abruptement du plateau désertique" (Christina Riggs). Il a été découvert, fin avril 1910, dans le puits n° 1 de la tombe B3 attribué à Sonbi lors des fouilles menées, pour le compte de Sayed Pasha Bey et réalisées par Ahmed Kamal. Dans l'ASAE 1911, il relate ainsi, très sommairement, la découverte : "A côté du puits de Nephthys, celui de Sonbi a rendu, outre le cercueil et la boîte à canopes, quelques bons objets, deux hippopotames en faïence bleue du type connu…".
Le Met reconstitue ainsi les différentes phases avant acquisition : "Acquis par Khashaba lors du partage des découvertes. Au Caire avec Maurice Nahman, novembre 1910. Acheté à Nahman par Dikran G. Kelekian, 1911. Acheté à Kelekian, 1917"…
Cet hippopotame, après être passé entre bien des mains est alors enregistré au Metropolitan sous la référence : 17.9.1.
Une quinzaine d'années plus tard, il en deviendra, par un curieux concours de circonstance, sa "mascotte officieuse" sous le nom de William !
Voici un court extrait de l'extraordinaire récit d'Isabel Stünkel "How William the Hippo Got His Name" : "Cette appellation 'William' est, bien sûr, un surnom moderne. Il est apparu pour la première fois en 1931 dans un article publié dans le magazine britannique "Punch". L'auteur, un certain capitaine H. M. Raleigh, a relaté que sa famille possédait une reproduction couleur, encadrée, de l'hippopotame du Metropolitan Museum of Art et qu'ils l'avaient nommé 'William'. Lui et épouse Margery adoraient l'hippopotame, mais ce qu'ils appréciaient encore plus était sa puissance 'oraculaire'. Plusieurs fois, ils ont commis l'erreur de ne pas tenir compte des 'conseils' de William. Une fois par exemple, ils ont ignoré sa désapprobation quant à leur projet de vacances d'été, et voilà, les vacances se sont avérées un désastre. Aussi, par la suite, la famille Raleigh n'a jamais manqué de consulter William avant de prendre chaque décision importante de leur vie …"
marie grillot
sources :
Hippopotamus ("William")
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/544227?searchField=All&%3BsortBy=Relevance&%3Bft=Hippopotamus%20egypt&%3Boffset=0&%3Brpp=20&%3Bpos=9&fbclid=IwAR0a-vJBBbSHllu6680gUNNfdiRT6evq1r2E9EBvCOzaB4u7MXXGNMsu8U8
Arnold, Dorothea 1995. The Metropolitan Museum of Art Bulletin, new ser., vol. 52, no. 4 (Spring), New York: The Metropolitan Museum of Art, pp. 5, 16, 33, no. 35.
http://resources.metmuseum.org/resources/metpublications/pdf/An_Egyptian_Bestiary_The_Metropolitan_Museum_of_Art_Bulletin_v_52_no_4_Spring_1995.pdf
Catalogue d'exposition Des Animaux et des Pharaons, Le règne animal dans l'Égypte ancienne, présentée au musée Louvre-Lens (4 décembre 2014 au 9 mars 2015) - éditions Somogy / Louvre Lens
The Metropolitan Museum of Art Guide (French), Campbell, Thomas P. (2012)
https://www.metmuseum.org/art/metpublications/The_Metropolitan_Museum_of_Art_Guide_French
Hayes, William C. 1953. Scepter of Egypt I: A Background for the Study of the Egyptian Antiquities in The Metropolitan Museum of Art: From the Earliest Times to the End of the Middle Kingdom. Cambridge, Mass.: The Metropolitan Museum of Art, pp. 226–27, fig. 142.
https://www.metmuseum.org/art/metpublications/The_Scepter_of_Egypt_Vol_1_From_the_Earliest_Times_to_the_End_of_the_Middle_Kingdom
The Guennol Collection Vol. 1, Rubin, Ida Ely, ed. (1975)
https://www.metmuseum.org/art/metpublications/The_Guennol_Collection_Vol_1
Lilyquist, Christine, Peter F. Dorman, and Edna R. Russmann 1983. The Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 41, no. 3 (Winter), New York: The Metropolitan Museum of Art, p.21, fig. 21 (PD).
https://www.metmuseum.org/art/metpublications/Egyptian_Art_The_Metropolitan_Museum_of_Art_Bulletin_v_41_no_3_Winter_1983_1984
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire