En 1903, Gaston Maspero, directeur du Service des Antiquités, donne à Georges Legrain, alors à la "Direction des travaux de Karnak", la consigne de : "fouiller un endroit mal connu du temple, de préférence aux alentours du lac sacré". Après réflexion, il choisit la cour du septième pylône… Chance ou hasard ? Toujours est-il qu'après la découverte de nombreux blocs datant du Moyen et du Nouvel Empire, en soulevant une stèle de Séthy Ier, il fait, le 26 décembre, une incroyable découverte…
Il s'agit là il d'une fosse, profonde de 10 à 15 mètres, gorgée d'eau, en quelque sorte un "dépôt" dans lequel étaient "remisées" des statues : "volontairement enterrées et recouvertes dans les temps anciens". Leur extraction s'avérera très difficile, et très longue aussi, puisqu'elle se poursuivra pendant pas moins de cinq saisons (1903-1907). Gaston Maspero précise que : "près de 800 statues et 17000 bronzes" en seront extraits !
L'apport égyptologique de cette "Cachette de Karnak" sera considérable et parfaitement documenté, grâce aux notes, croquis, relevés et photos de Georges Legrain.
C'est le 10 février 1905 qu'il note la mise au jour de cette statue porte-enseigne de Ramsès III "trouvée en nombreux morceaux rajustés". Les cassures sont notamment fort visibles au niveau de la taille et sous les genoux. Et, ce qui est encore plus regrettable, c'est que le bas des jambes et les pieds n'ont pas été retrouvés...
Haute de 1,39 m elle est sculptée en ronde-bosse, avec un art maîtrisé, dans un granite gris "moucheté". Le souverain est représenté dans l'attitude de la marche, jambe gauche légèrement avancée. Malgré les mutilations et les manques, la noblesse est là et le port est "royal" !
Le visage est parfaitement symétrique et souffre à peine de la légère mutilation du nez. Les yeux en amande sont surmontés de sourcils arqués. La bouche, plutôt petite, ne manque pas de charme. Dans leur "Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire", Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian livrent cette belle analyse : "La physionomie est celle d’un souverain dans la beauté de la jeunesse, le visage conforme à l’ultime étape d’une iconographie ramesside qui ira désormais en se dégénérant jusqu’à la chute du Nouvel Empire".
Il poursuit ainsi sa description, s'attachant alors au côté particulier de la statue : "l'enseigne" ou "l'étendard". "Le bras gauche soutient un étendard au sommet duquel on a placé une tête de bélier. Il s'agit de l'emblème du dieu Amon-Rê, comme le confirme la colonne de hiéroglyphes exécutée sur la hampe, sur laquelle sont également indiqués quatre des cinq noms du souverain. Des cartouches avec les noms de Ramsès III sont également ciselés sur les épaules et la boucle de la ceinture. Sur le côté gauche de la statue, dans l’espace entre la jambe gauche et la droite, on a représenté l’image du prince héritier, portant une robe de cérémonie et tenant dans la main un éventail".
Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian précisent le rôle de ces statues d'un type si particulier :" Les statues royales tenant l'enseigne d’une divinité sont en relation avec les fêtes qui se déroulaient dans les temples, pendant lesquelles on promenait en procession, la barque et le pieu sacré du dieu. Le roi, qui est censé diriger la fête en personne, éternise ce moment par des statues porte-enseignes placées à l’entrée des temples". Ainsi Ramsès III fit-il don de celle-ci au temple de Karnak…
Ramsès III représenté sur les parois de sa tombe dans la Vallée des Rois - KV 11 - XXème dynastie |
Succédant à son père Setnakht, fondateur de la XXe dynastie, il a régné sur les Deux Terres de 1186 à 1154 av. J.-C., soit pendant plus de 31 ans. Il mourut, semble-t-il, dans sa 65ème année suite à une conspiration de palais… Sa mémoire demeure très présente sur la rive ouest de Thèbes, par son grand temple de millions d'années à Medinet Habou, et par sa magnifique tombe de la Vallée des Rois (KV 11)…
Lors de sa découverte, cette statue a été enregistrée par Georges Legrain K 525 (Cachette de Karnak). Restaurée et soclée, elle a été enregistrée au Journal des Entrées du Musée du Caire, JE 38682 et au Catalogue Général CG 42150. Elle est désormais exposée au GEM (Grand Egyptian Museum) à Guizeh.
marie grillot
sources :
Georges Legrain, Catalogue Général des Antiquités égyptiennes du Musée du Caire, Statues et statuettes de rois et de particuliers, n° 42139 - 42191, Tome second, IFAO, Le Caire, 1909
https://archive.org/details/StatuesEtStatuettesDeRoisEtDeParticuliersv.49/page/n9/mode/2up
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte des pharaons au musée du Caire, Hachette Paris, 1986
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte, Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Elisabeth David, Gaston Maspero le gentleman égyptologue, Pygmalion, 1999
Elisabeth David, Gaston Maspero, Lettres d'Egypte, Correspondance avec Louise Maspero, Seuil, 2003
Abeer El-Shahawy, The Egyptian Museum in Cairo, Matḥaf al-Miṣrī, American University in Cairo Press, 2005
IFAO, Cachette de Karnak et numéros "K" de G. Legrain
https://www.ifao.egnet.net/bases/cachette/
Laurent Coulon, La Cachette de Karnak - Nouvelles perspectives sur les découvertes de Georges Legrain, IFAO, 2016
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