jeudi 17 décembre 2020

"Rattaouy qui est en Thèbes" : de Médamoud au Louvre…

La déesse Rattaouy, épouse du dieu Montou - calcaire anciennement recouvert d’une feuille d’or - Époque ptolémaïque - 332 - 30 avant J.-C. 

statue découverte à Médamoud le 13 mars 1926 lors de fouilles menées par Fernand Bisson de la Roque pour l'IFAO

Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - E 12923


Médamoud "cette cité de Madou, ainsi que l'appelaient les anciens Égyptiens, se trouve sur la rive droite du Nil, à 5 km au nord-est de Karnak. Le site est connu par ses vestiges romantiques dans un environnement bucolique : cinq colonnes émergeant d'un plateau surélevé par quelques buttes éparses, planté de palmiers, environné de quelques habitations" (Geneviève Pierrat-Bonnefois dans "Objets d'Egypte").


Son temple est dédié au culte de Montou, "taureau très ancien et vénérable qui réside à Médamoud". Incarnant la force guerrière, il est celui : "qui sait faire obéir des plus grands que lui" ; il ne connaît point de "nourriture terrestre car son pain, ce sont les cœurs, et son eau, c'est le sang". Par sa vaillance et sa puissance, il participe à la protection de la belle ville de Thèbes. "Des sanctuaires dédiés à Montou ceinturent la province thébaine : Tod au sud, Armant à l'ouest, Médamoud au nord et Karnak à l'est." Ils constituent un complexe monumental sacré protégeant la ville d’Amon, ce qu’Étienne Drioton appellera "la forteresse morale de Thèbes". 

Le temple de Montou à Médamoud

Montou forme, avec Rattaouy son épouse et leur fils "solaire" Harpré, la triade de Médamoud. Dans "L'Egypte ancienne et ses dieux", Jean-Pierre Corteggiani nous présente ainsi l'épouse du dieu : "Déesse solaire, parèdre de Montou. 'Le soleil féminin des Deux Terres' - puisque c'est ce que signifie Rattaouy - est la compagne que les théologiens égyptiens ont donnée assez tard à Montou, après qu’il eut été doté d’attributs solaires. Avant d'être une entité divine à part entière, à la XIXe dynastie, l'expression ne fut d'abord qu'une épithète de Tjenenet. C'est, semble-t-il, sous Taharqa, à Karnak-Nord, qu'elle apparaît pour la première fois avec Montou et leur fils Harpré, formant ainsi avec eux la triade de Médamoud". 

Cette statue, provenant de ce site et exposée au Louvre (E 12923), constitue très certainement l'une des plus belles représentations de la déesse.

La déesse Rattaouy, épouse du dieu Montou - calcaire anciennement recouvert d’une feuille d’or
 Époque ptolémaïque - 332 - 30 avant J.-C. 
statue découverte à Médamoud le 13 mars 1926 lors de fouilles menées par Fernand Bisson de la Roque pour l'IFAO
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - E 12923
Publiée ici dans FIFAO 04.1 Bisson de la Roque - Rapport sur les fouilles de Médamoud (1926) (1927)


Elle a été mise au jour, le 13 mars 1926, lors de fouilles menées par l’Institut français d’archéologie orientale du Caire dans les fondations de l'arrière-temple gréco-romain.


Dans le compte rendu de la mission qu'il dirigeait, Fernand Bisson de la Roque rapporte ainsi la découverte : "La trouvaille la plus importante de nos fouilles de cette année me paraît être celle d’une série de statues de culte en calcaire doré nous donnant l'image du dieu Montou sous forme de taureau à corps humain et celle de la déesse Ra-taouï".


Huit statues allant de "paire", représentent, par quatre fois le couple Montou - Rattaouy. Elles se révéleront dans un état de conservation inégal. "Ces statues avaient toutes été brisées à la ceinture, au-dessus du siège puis ont dû être jetées sans ménagement dans un terrain caillouteux où la chute endommagea les angles, brisa les bras, entailla le mufle du taureau et laissa des traces de chocs sur diverses parties du corps. Ces endommagements, bien que considérables, ne paraissent pas résulter d'une mutilation copte qui aurait surtout attaqué les figures, les mains et les pieds. Ces statues sont d’un très beau style, qui, bien que de basse époque d'après la langue des inscriptions, ne me paraît pas pouvoir être postérieur à Ptolémée XIII et serait plutôt, à mon avis, du début de l’époque ptolémaïque. Elles paraissent avoir été brisées parce que hors d’usage et avoir été jetées pêle-mêle à l’emplacement où elles furent trouvées" précise le découvreur (FIFAO 04.1).


La déesse Rattaouy, épouse du dieu Montou - calcaire anciennement recouvert d’une feuille d’or
Époque ptolémaïque - 332 - 30 avant J.-C.
statue découverte à Médamoud le 13 mars 1926 lors de fouilles menées par Fernand Bisson de la Roque pour l'IFA
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - E 12923


Jean-Pierre Corteggiani estime que ces "couples" Montou et Rattaouy démontrent bien que : "la déesse assistait son compagnon dans son rôle de protecteur de la région thébaine : en effet, les textes gravés sur les bases de ces statues, qui étaient autrefois recouvertes de feuilles d'or, reliaient respectivement chacun des quatre couples aux quatre villes (Médamoud, Tôd, Ermant et Karnak-Nord) abritant l'un des sanctuaires d’où 'les Quatre Montou', constituant ce que l’on a appelé 'le palladium de Thèbes', assuraient la défense de la ville."


La statue du Louvre, d'une hauteur de 46 cm, est celle de "Rattaouy qui est en Thèbes". La déesse, très féminine, est représentée assise, coiffée d'une perruque tripartite à uraeus surmontée par un mortier cerclé d'uraei disqués. Son visage fin est éclairé par de grands yeux  étirés par une ligne de fard à laquelle les sourcils répondent parfaitement. Le nez a été abîmé, la bouche est petite…

La déesse Rattaouy, épouse du dieu Montou - calcaire anciennement recouvert d’une feuille d’or
Époque ptolémaïque - 332 - 30 avant J.-C. 
statue découverte à Médamoud le 13 mars 1926 lors de fouilles menées par Fernand Bisson de la Roque pour l'IFAO
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - E 12923


Sous le numéro d'inventaire 2211, Fernand Bisson de la Roque en fait ce délicat portrait : "sous forme d’une gracieuse femme assise, vêtue d’une robe collante la prenant sous les seins, avec colliers au cou, aux chevilles et aux bras, portant sur une couronne d’uræus les cornes hathoriennes avec disque solaire et double plume amonienne … Cette statue est en calcaire tendre, anciennement recouvert d’une feuille d’or. Il fut trouvé de cette statue quatre morceaux qui donnent une partie du devant. Il manque la couronne, une partie des bras et toute la partie arrière de cette statue, y compris le côté droit de l’arrière de la tête". 


A l'issue du partage des fouilles, la statue de "Rattaouy qui est en Thèbes" ne rentra pas seule au Louvre : elle fut accompagnée de l'une de celles de son divin époux Montou (E 12922) : elles y sont, depuis lors, exposées côte à côte…


marie grillot

Montou seigneur de Médamoud représenté avec une tête de taureau - calcaire anciennement recouvert d’une feuille d’or
Époque ptolémaïque - 332 - 30 avant J.-C. 
statue découverte à Médamoud le 13 mars 1926 lors de fouilles menées par Fernand Bisson de la Roque pour l'IFAO
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - E 12922



 

sources :

La déesse Rattaouy, épouse du dieu Montou à Médamoud 

http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=19031&langue=fr

Montou, seigneur de Médamoud, représenté avec une tête de taureau 

http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=19030

Fernand Bisson de la Roque, Rapport sur les fouilles de Médamoud (1925) (1926), FIFAO 03.1, IFAO, 1926

https://archive.org/details/FIFAO-3.1/page/n37/mode/2up

Fernand Bisson de la Roque, Rapport sur les fouilles de Médamoud (1926) (1927) FIFAO 04.1, IFAO, 1927

https://archive.org/stream/FIFAO-4.1/FIFAO%204.1%20Bisson%20de%20la%20Roque%20-%20Médamoud%20%281927%29%20LR_djvu.txt

Un siècle de fouilles françaises en Egypte 1880 - 1980 - Ecole du Caire (IFAO) - Musée du Louvre, 1981

Dominique Valbelle, Les métamorphoses d'une hypostase divine en Égypte, Revue de l'histoire des religions, 1992  209-1  pp. 3-21

https://www.persee.fr/docAsPDF/rhr_0035-1423_1992_num_209_1_1625.pdf

Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte ancienne et ses dieux - Dictionnaire illustré, Fayard 2007

Guillemette Andreu, Objets d'Egypte, des rives du Nil aux bords de Seine, Musée du Louvre Editions, 2009

Félix Relats Montserrat, De la fouille au musée : les partages des antiquités égyptiennes au début du XXe siècle à travers l’exemple de Médamoud, Bulletin de correspondance hellénique moderne et contemporain, 3, 2020

http://journals.openedition.org/bchmc/614 , §19, fig. 3b


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire