mercredi 2 décembre 2020

Un petit hérisson qui ne manque pas de piquant ...

Petit hérisson en faïence bleue - Moyen Empire - XIe dynastie - vers 2000 av. J.C.

Découvert en 1893 à Thèbes, Gournah

Musée Égyptien du Caire - JE 30742


Ce ravissant petit hérisson est haut d'à peine plus de 5 cm pour une longueur de 7 cm. Le mammifère insectivore est reproduit d'une façon tellement ressemblante que l'on ne peut que rendre hommage à l'artiste animalier qui l'a réalisé au Moyen Empire, il y a plus de 4000 ans. Il a su non seulement restituer avec exactitude ses traits caractéristiques mais aussi rendre avec  fidélité son apparence à la fois lourde et lente. Et ce qui est en tout point admirable, c'est que cet animal malgré - il faut bien l'avouer - une conjugaison d'aspects peu esthétiques, est foncièrement touchant et totalement attachant.


Un museau allongé pointé vers le sol pour augmenter son odorat, de petits yeux aux aguets pour compenser sa vue "plutôt basse", des oreilles levées pour amplifier son ouïe, voilà comment est rendue sa tête qui ne représente qu'une infime partie de son anatomie.


Son corps courbe, épais et gras, repose sur des pattes trapues dont les petits pieds semblent avoir bien du mal à supporter le poids qui pèse sur eux. Son épiderme recouvert de poils agglomérés, durs, hérissés et piquants est rendu par un système d'incisions qui se croisent à angle droit.


L'animal repose sur un socle ovale. Le tout est réalisé en ronde bosse en cette faïence si particulière à l'Egypte que nous appelons aujourd'hui la "fritte". 


Jean-Pierre Corteggiani (L'Egypte des pharaons au musée du Caire) nous présente ainsi quelques détails de sa technique de fabrication : "la 'faïence égyptienne', matière noble que les anciens appelaient 'la brillante', n'est pas une argile supportant un émail stannifère, mais une fritte recouverte d’une glaçure de verre que les artisans égyptiens surent appliquer sur des perles de stéatite, dès l’époque badarienne". Dans "L'archéologie égyptienne", Gaston Maspero, explique ainsi que : "Le vert est de beaucoup la couleur la plus fréquente sous les anciennes dynasties; mais le jaune, le rouge, le brun, le violet, le bleu, n'étaient point dédaignés. Le bleu l'emporta dans les manufactures thébaines, dès les premières années du Moyen Empire. C'est, d'ordinaire, un bleu brillant et doux, imitant la turquoise ou le lapis-lazuli".


Pourquoi ce petit animal - dont le nom antique s'est perdu - fut-il aussi fréquemment reproduit, de l'Ancien Empire à l'époque tardive ?

Petit hérisson en faïence bleue - Moyen Empire, XIe dynastie - vers 2000 av. J.C.

 Découvert en 1893 à Thèbes, Gournah

Musée Égyptien du Caire - JE 30742


Dans la catalogue de l'exposition "Des Animaux et des Pharaons", Marc Etienne donne cette interprétation : "Le hérisson chasse les serpents la nuit pour s'en nourrir. De ce fait, ce prédateur efficace a été quelquefois représenté sur des objets de petite taille servant d'amulettes. Un élément réel du comportement de l'animal représenté est ainsi rapproché d'une fonction de protection magique de l'individu propriétaire de l'objet".


Pour Rosanna Pirelli ("Trésors du Musée Egyptien"), la raison en est la suivante : "Dans les tombes, le hérisson doit jouer le rôle d’amulette, peut-être associé aux deux divinités Mout et Bès, toutes deux liées à la naissance : Mout est la déesse-mère par excellence, Bès est le protecteur de l’accouchée et de l'enfant à naître".


Dans son étude, riche et documentée "L’iconographie du Hérisson" Faten Hamdi El-Elimi  émet plusieurs hypothèses :  "Pendant l’Ancien Empire, il est un symbole de protection. Il était donc représenté sur la proue du bateau funéraire pour veiller sur le défunt et  sur son transport de l'est à l'ouest, avant sa renaissance au matin. Par sa vision nocturne, et le danger mortel que représentent ses piquants pour le serpent, il peut guider le mort dans les ténèbres dans son combat contre le serpent Apophis qui tenterait de s’attaquer à la barque funéraire".  Ou encore :  "Il est certainement divinisé en raison de sa forme qui représentait symboliquement le disque solaire lorsque le hérisson se met en boule, et ses pics représentaient les rayons du soleil".


Quant à Jean-Pierre Cortegianni, dans "L'Egypte ancienne et ses dieux", il note bien l'existence d'une déesse hérisson, "Abaset", mais dont le culte a été peu attesté. 

(in Walid Shaikh al Arab, The hedgehog goddess Abaset)

Il ne faut pas omettre de préciser que, de la peau du hérisson, les anciens égyptiens tiraient des onguents. Ils se révélaient efficaces pour traiter les maux d'oreilles, et, selon le Papyrus Ebers, pouvaient également servir à lutter contre la calvitie. 


La provenance indiquée pour ce petit hérisson découvert en 1893 est laconique : "Thèbes, Gournah". Il n'est malheureusement pas fait mention précise de la tombe dans laquelle il a été découvert.


Il a été enregistré au Journal des Entrées du Musée du Caire sous la référence JE 30742.


marie grillot


sources :

Catalogue officiel Musée Egyptien du Caire, Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Verlag Philippe von Zabern, 1997

Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Francesco Tiradritti 

L'Egypte des pharaons au musée du Caire, Jean-Pierre Corteggiani

L'Egypte ancienne et ses dieux, Jean-Pierre Corteggiani, 2007

Catalogue de l'exposition "Des Animaux et des Pharaons, Le règne animal dans l'Égypte ancienne", présentée au musée Louvre-Lens (4 décembre 2014 au 9 mars 2015) - éditions Somogy / Louvre Lens 

L'archéologie égyptienne  Gaston Maspero, 1887 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k331686.texteImage

L’iconographie du Hérisson, Faten Hamdi El-Elimi

https://www.researchgate.net/publication/332014674_%27%27L%27iconographie_egyptienne_du_Herisson%27%27

Le Hérisson du désert, protecteur des morts et des vivants, Jonathan Maître

https://www.academia.edu/31799314/Le_Hérisson_du_désert_protecteur_des_morts_et_des_vivants

Walid Shaikh al Arab, The hedgehog goddess Abaset

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