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Stèle dédiée au taureau Boukhis par Ptolémée V - calcaire peint et doré Époque ptolémaïque - règne de Ptolémée V - an 25 - 181 av. J.-C. découverte lors de fouilles financées par Sir Robert Mond et menées par l’Egypt Exploration Society en 1929-30 dans le Bucheum d'Arment (Hermonthis) - Musée Égyptien du Caire - JE 54313 (photo du musée) |
Cette stèle, en calcaire polychrome et doré, "figurée" et inscrite, est haute de 72 cm, large de 50 cm et épaisse de 14 cm. Datée de l'époque ptolémaïque, elle est de forme cintrée. Comme le précisait Auguste Mariette : "Jusqu'à la XIème dynastie, les stèles sont quadrangulaires … Mais à partir de la XIème dynastie, la stèle prend la forme qu'elle n'abandonne plus qu'à de rares occasions. Elle est arrondie par en haut, comme si elle était destinée à rappeler la courbure du ciel ou celle des couvercles de sarcophages". Il expliquait également sa conception symbolique : "Le haut de la stèle est censé se perdre dans le ciel. A mesure que nous descendons vers le bas, nous nous approchons de la terre. En d'autres termes, la stèle est partagée en trois zones".
Datée de l’an 25 de Ptolémée V, elle est dédiée, par le souverain, au taureau Boukhis. Son iconographie très intéressante est conjuguée en une palette chromatique particulièrement harmonieuse. Ses registres sont déclinés de façon inégale, la partie centrale ayant, semble-t-il, recueilli la plus grande attention.
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Stèle dédiée au taureau Boukhis par Ptolémée V - calcaire peint et doré Époque ptolémaïque - règne de Ptolémée V - an 25 - 181 av. J.-C. découverte lors de fouilles financées par Sir Robert Mond et menées par l’Egypt Exploration Society en 1929-30 dans le Bucheum d'Arment (Hermonthis) - Musée Égyptien du Caire - JE 54313
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Le cintre est dominé par un disque solaire ailé qui en épouse totalement la forme. Juste en dessous est reproduite une composition riche en "symbolique" et en symétrie. "Au centre de la scène se trouve un scarabée soutenu par un pilier djed flanqué de deux serpents se faisant face et coiffés du disque solaire ; ces uraei sont entourés d'inscriptions verticales évoquant le 'Grand dieu de Béhédet, aux plumes multicolores'" analyse Rosanna Pirelli dans "Les trésors du Musée Égyptien". De part et d'autre, se trouve un Anubis assis, traité hâtivement ; précédé d'un emblème et de lignes verticales de hiéroglyphes, il est porteur d'un flagellum.
La partie centrale est scindée en deux "sections", la plus importante est liée à la divinité à laquelle est dédiée la stèle : le taureau Boukhis. Son image est peinte en or et se détache, de façon saisissante, sur un fond d'un bleu profond.
Stèle dédiée au taureau Boukhis par Ptolémée V - calcaire peint et doré
Époque ptolémaïque - règne de Ptolémée V - an 25 - 181 av. J.-C.
découverte lors de fouilles financées par Sir Robert Mond et menées par l’Egypt Exploration Society
en 1929-30 dans le Bucheum d'Arment (Hermonthis) - Musée Égyptien du Caire - JE 54313
Représenté de profil, avec un respect précis de son anatomie, son attitude et ses muscles restituent parfaitement sa puissance. Entre ses cornes est posée "sa" couronne composée d'un disque solaire à deux uraei surmonté de deux hautes plumes : "Le taureau identifié à Ré, porte les épithètes 'âme vivante' et 'héraut de Ré'" précisent Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian dans leur "Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire". Et ils ajoutent : "Derrière le taureau, paraît Montou sous sa forme habituelle de faucon, tel qu’il était vénéré à Thèbes. Ouvrant les ailes, le faucon serre un éventail et l’anneau de durée, chen. Associé à Rè-Harakhty, Montou est qualifié de 'grand dieu, Seigneur de l’On du Sud', c’est-à-dire Thèbes" (Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian).
Face au taureau se trouve pharaon, dans l'attitude de la marche, jambe gauche avancée. Richement vêtu et paré, son corps est traité en couleur ocre-rouge. "Devant l’autel, le roi Ptolémée V, debout, offre le signe du champ (sekbet) au taureau Boukhis. Coiffé de la couronne bleue, il porte un pagne de cérémonie doté d’un giron rigide et un bustier ; des bracelets et un collier d’or ornent ses bras, ses poignets et son cou. Les sept colonnes de hiéroglyphes sculptées au-dessus du pharaon mentionnent les noms du dieu Boukhis, du roi Ptolémée, de son épouse Cléopâtre et citent à nouveau le dieu solaire, seigneur de Behedet. Une formule de protection et une formule d’offrande sont inscrites, respectivement, derrière et devant le pharaon" précise Rosanna Pirelli.
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Stèle dédiée au taureau Boukhis par Ptolémée V - calcaire peint et doré Époque ptolémaïque - règne de Ptolémée V - an 25 - 181 av. J.-C. découverte lors de fouilles financées par Sir Robert Mond et menées par l’Egypt Exploration Society en 1929-30 dans le Bucheum d'Arment (Hermonthis) - Musée Égyptien du Caire - JE 54313 |
La partie inférieure du monument est majoritairement inscrite. "Au bas de la stèle, un texte de cinq lignes, qui donne des dates très précises, nous apprend que le Boukhis, qui mourut la vingt-cinquième année du règne de Ptolémée V et de Cléopâtre Ière, était né l’an 11, et que la durée de sa vie avait été de quatorze ans dix mois et vingt-quatre jours. En fait, cette dernière affirmation est fausse : il est facile de refaire le calcul soi-même et de constater que le taureau en question n’a vécu que treize ans dix mois et vingt-huit jours" analyse avec pertinence Jean-Pierre Corteggiani ("L'Egypte des pharaons au musée du Caire").
L'image du taureau, animal robuste, belliqueux, invincible et doté d'une grande vigueur sexuelle, a été "endossée" par les pharaons qui n'ont pas hésité à se qualifier de "taureau puissant". Ainsi, comme le précise Isabelle Franco : "des taureaux particuliers furent choisis pour devenir le réceptacle terrestre de certains dieux".
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Stèle dédiée au taureau Boukhis par Ptolémée V - calcaire peint et doré Époque ptolémaïque - règne de Ptolémée V - an 25 - 181 av. J.-C. découverte lors de fouilles financées par Sir Robert Mond et menées par l’Egypt Exploration Society en 1929-30 dans le Bucheum d'Arment (Hermonthis) - Musée Égyptien du Caire - JE 54313 |
A Memphis, on vénérait Apis, l'animal sacré de Ptah ; Mnevis, lui, était le taureau solaire d'Héliopolis, alors que la région thébaine honorait le taureau Boukhis. Animal sacré du "palladium de Thèbes", il était vénéré dans les sanctuaires de Tod, de Medamoud et d'Armant (l'ancienne Hermonthis), comme une manifestation du dieu Montou.
La sélection du taureau par les prêtres répondait à des critères bien définis : il devait avoir la tête noire et le reste du pelage blanc. Ainsi, indique Dominique Valbelle : "Macrobe (Saturnale, I, 21) le décrit ainsi : 'Dans la ville d'Hermonthis (Armant), en un magnifique temple d'Apollon, ils adorent un taureau, nommé Bacis, consacré au soleil et remarquable par des propriétés merveilleuses inhérentes à la nature du soleil. Car on dit que ses couleurs changent toutes les heures et on affirme que son pelage se présente à l'inverse de celui des autres animaux. C'est pourquoi il est considéré en quelque sorte comme une image du soleil brillant à l'opposé du ciel'".
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Vue aériennne du Bucheum d'Arment publiée dans "The Bucheum. Vol. I" edited by H.W. Fairman - MOND Robert - MYERS Oliver H. |
Objet d'un véritable culte de la XXXe dynastie à l'époque romaine, ce taureau vivait dans une "étable sacrée" et était notamment mis à l'honneur lors des processions de la Fête de la Vallée. A sa mort, ses funérailles s'organisaient autour d'un rituel très précis. Puis, sa momie était déposée dans un monumental sarcophage placé dans Le Bucheum, la nécropole des taureaux sacrés de Montou-Rê (Boukhis). Dans "Le Bel Occident, Imentet Neferet", Christian Leblanc signale qu'une "seconde nécropole pour leurs mères se trouvait à sa périphérie". Il indique aussi que : "Dans l’aire thébaine, à Hermonthis, les funérailles du dernier taureau Boukhis eurent lieu en 340 (ap. J.-C.)".
Fouilles financées par Sir Robert Mond et menées par l’Egypt Exploration Society, en 1929-30 dans le Bucheum d'Arment (Hermonthis) - photo EES |
Ce site a été redécouvert en 1929-1930, lors des fouilles débutées dès 1926 par l'Egypt Exploration Society, avec le soutien financier du mécène Robert Ludwig Mond.
"A côté des sarcophages colossaux en pierre des taureaux momifiés se trouvaient des offrandes votives, notamment des stèles en pierre" précise le Musée du Caire. C'est de là que provient cette stèle, enregistrée JE 54313 au Journal des Entrées du musée. Dans le cadre de son réaménagement, mené conjointement avec un consortium d’institutions européennes, elle bénéficie désormais d'une nouvelle muséographie qui la met très avantageusement en valeur.
marie grillot
sources :
Gaston Maspero, Guide du visiteur du musée de Boulaq, édition 1883, TYP. Adolphe Holzhausen, Vienne, 1883
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k141741b.r=gaston+maspero.langFR
Robert Mond, Oliver H. Myers. With Chapters by T. J. C. Baldy, D. B. Harden, J. W. Jackson, G. Mattha, and Alan W. Shorter, and the Hieroglyphic Inscriptions Edited by H. W. Fairman, The Bucheum. I. The History and Archaeology of the Site. II. The Inscriptions. III. The Plates. (41st Memoir of the Egypt Exploration Society) (trois volumes), Egypt Exploration Society, London, 1934
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte des pharaons au musée du Caire, Hachette Paris, 1986
Valbelle Dominique, Les métamorphoses d'une hypostase divine en Égypte, Revue de l'histoire des religions, tome 209, n°1, 1992. pp. 3-21;
https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1992_num_209_1_1625
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte, Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Isabelle Franco, Dictionnaire de mythologie égyptienne, Pygmalion 1999
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte ancienne et ses dieux - Dictionnaire illustré, Fayard 2007
Christiane Zivie-Coche, Polythéismes antiques - Religion de l’Égypte ancienne - Conférences de l’année 2012-2013 - EPHE
https://journals.openedition.org/asr/1223?fbclid=IwAR0jwlZpPFVbQGpZCQONlBij2PJ_qIhe9QaGffXDnJyaYwJ6qyh8KIWPiNg#tocto2n2
Armant: the sacred bull catacombs, Egypt Exploration Society, London, 2017
https://www.ees.ac.uk/resource/armant--the-sacred-bull-catacombs.html
Thierry Benderitter, Osirisnet.net, Vaches boeufs et taureaux
https://www.osirisnet.net/docu/veaux/veaux.htm
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