mardi 15 septembre 2020

Une boîte à onguent en ivoire portant les cartouches de Ramsès II et Nefertari


Boîte à onguent portant les cartouches de Ramsès II et Nefertari - ivoire d'hippopotame et bois de rose
Nouvel Empire - Période Ramesside - provenance antique inconnue - Metropolitan Museum of Art de New York - n° d'entrée 26.7.1291
(par acquisition, en 1926, de la Collection de Lord Carnarvon) 


Cette boîte à onguent, ronde, en ivoire d'hippopotame et bois de rose, a un diamètre qui varie de 5 à 6,4 cm. Elle est composée de trois parties : le couvercle, le contenant avec un léger "débord", et un élégant piédouche central sur lequel repose le tout. 

Elle est munie, de deux "appendices" qui rompent temporairement sa forme circulaire : plats et rectangulaires, ils se répondent "exactement" sur le couvercle et le contenant. Ils servent notamment à accueillir les "mécanismes" d'ouverture et de fermeture.
Boîte à onguent portant les cartouches de Ramsès II et Nefertari - ivoire d'hippopotame et bois de rose
Nouvel Empire - Période Ramesside - provenance antique inconnue - Metropolitan Museum of Art de New York - n° d'entrée 26.7.129
(par acquisition, en 1926, de la Collection de Lord Carnarvon) 

L'un d'eux, placé sur le contenant, est muni en son extrémité d'un petit "bouton" de bois sombre : il va de pair avec un autre, plus petit, situé sur le couvercle. Une cordelette, entourée autour des deux, assurait la fermeture de la boîte. 

L'autre appendice est percé de part en part : une cheville en bois traversante permet de faire pivoter la partie supérieure afin d'accéder au précieux onguent. 

Le couvercle est orné, sur l'ensemble de son pourtour, appendices compris, de petits cercles, disposés à intervalles rapprochés. Leur centre est matérialisé par un point. Ces décorations sombres se détachent très bien sur l'ivoire, même s'il s'est, au fil du temps, patiné, voire bruni, en certains endroits. 
Boîte à onguent portant les cartouches de Ramsès II et Nefertari - ivoire d'hippopotame et bois de rose
Nouvel Empire - Période Ramesside - provenance antique inconnue - Metropolitan Museum of Art de New York - n° d'entrée 26.7.1291
(par acquisition, en 1926, de la Collection de Lord Carnarvon) 

Du côté où pivote le couvercle se trouve un petit hérisson, au corps menu et allongé, dont les piquants sont rendus par des stries croisées. 

Dans la catalogue de l'exposition "Des Animaux et des Pharaons", Marc Etienne présente ainsi ce petit insectivore : "Le hérisson chasse les serpents la nuit pour s'en nourrir. De ce fait, ce prédateur efficace a été quelquefois représenté sur des objets de petite taille servant d'amulettes. Un élément réel du comportement de l'animal représenté est ainsi rapproché d'une fonction de protection magique de l'individu propriétaire de l'objet". 

Dans "L'Egypte ancienne et ses dieux", Jean-Pierre Cortegianni note bien l'existence d'une déesse hérisson, "Abaset", mais son culte a été peu attesté. 
Boîte à onguent portant les cartouches de Ramsès II et Nefertari - ivoire d'hippopotame et bois de rose
Nouvel Empire - Période Ramesside - provenance antique inconnue - Metropolitan Museum of Art de New York - n° d'entrée 26.7.1291
(par acquisition, en 1926, de la Collection de Lord Carnarvon) 

Le museau effilé du petit mammifère arrive au niveau d'un double cartouche, maladroitement gravé, aux noms de Ramsès II et de sa grande épouse royale, Nefertari. 

Janice Kamrin, conservatrice au Metropolitan Museum of Art de New York où est exposé cet objet, livre cette interprétation : "Unique dans le répertoire égyptien, cette boîte miniature en ivoire et ébène est ornée de cercles incisés et de la minuscule silhouette d'un hérisson. Le corps est lenticulaire, avec une épaule bien définie et un pied cylindrique. Le couvercle est plat et légèrement trop petit pour le récipient, ce qui suggère qu'ils ne vont peut-être pas ensemble à l'origine. Le type semble appartenir à la tradition nord-syrienne et est similaire aux exemples d'Ugarit". 

Cependant, aucune indication ne précise sa provenance "antique". 
La tombe de Nefertari lors de sa découverte, en 1904, par la Mission Archéologique du Musée de Turin
dirigée par Ernesto Schiaparelli et Francesco Ballerini


Il semble difficile d'imaginer qu'il puisse avoir appartenu au trésor funéraire de la grande reine dont la tombe, violée et saccagée à la fin de l'époque ramesside, a été découverte en 1904, par la Mission Archéologique du Musée de Turin, dirigée par Ernesto Schiaparelli et Francesco Ballerini. 

Les pilleurs n'avaient en effet laissé que "des scarabées, des fragments du couvercle du sarcophage en granit, et des fragments d'un couvercle de cercueil en bois doré. Une trentaine de "chaouabtis", de nombreux tessons de poterie… un pilier-djed en bois cloisonné avec incrustation de pâte de verre … inscrit au nom de la reine Nefertari… une paire de sandales en corde…". 

Se pourrait-il qu'il s'agisse là d'un objet "commémoratif" en référence au couple royal ? On trouve, par exemple, au Louvre des boîtes à onguent portant les cartouches de la reine Tiyi et d'Amenhotep IV… 
Lord Carnarvon (à gauche) et Howard Carter (à droite)
Photo (Harry Burton?) prise entre novembre 1922 et avril 1923

Cet artefact ré-apparaît en 1922, sous le n° 26 du "Catalogue of an Exhibition of Ancient Egyptian Art, London, 1922" : "Boîte de toilette, ivoire, avec chevilles en ébène. Couvercle orné d'une rangée de cercles concentriques autour de la surface supérieure et à l'arrière, près de la cheville pivot, est un petit animal sculpté en ivoire. Devant ce petit animal sont incisés les cartouches de Ramsès II et de la Reine Nefretari Mer-en-Mut. Contenant de forme circulaire et pied saillant à tige courte. Sur le devant du couvercle et en dessous sur le contenant, se trouvent des chevilles en ébène. La boîte contient de la pâte non onctueuse. XIXe dynastie". 
Boîte à onguent portant les cartouches de Ramsès II et Nefertari - ivoire d'hippopotame et bois de rose
Nouvel Empire - Période Ramesside - provenance antique inconnue - Metropolitan Museum of Art de New York - n° d'entrée 26.7.1291
(par acquisition, en 1926, de la Collection de Lord Carnarvon) - présentée ici, sous le n° 26 du 
"Catalogue of an Exhibition of Ancient Egyptian Art, London, 1922"

Il est indiqué qu'il s'agit là d'un prêt de Lord Carnarvon, qui, en novembre de la même année, grâce à ses subsides et à la ténacité d'Howard Carter, découvrira, la tombe de Toutankhamon. 

Il décèdera, quelques mois plus tard, au Caire, le 5 avril 1923. Dans un codicille à son testament, destiné à son épouse Lady Almina, il avait exprimé ses suggestions sur le devenir de sa collection au cas où elle serait amenée à s'en séparer. Ce qu'elle fera, Howard Carter étant alors chargé des négociations... 

Grâce à la générosité d'Edward S. Harkness, le Metropolitan Museum of Art de New York s'en portera acquéreur pour la somme de $ 145.000. C'est ainsi que cet objet est entré dans ses collections, en 1926, sous la référence 26.7.1291.

marie grillot

sources : 
Ivory Unguent Box of Queen Nefertari
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/549372?searchField=All&sortBy=Relevance&ft=NEFERTARI&offset=0&rpp=20&pos=8
Percy E. Newberry, H. R. Hall, Catalogue of an Exhibition of Ancient Egyptian Art. London: Burlington Fine Arts Club, 1922, p. 88 - n° 26
https://archive.org/details/catalogueofexhib00burlrich
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte des pharaons au musée du Caire, Hachette Paris, 1986
William C. Hayes, The Scepter of Egypt: A Background for the Study of the Egyptian Antiquities in The Metropolitan Museum of Art. Vol. 2, The Hyksos Period and the New Kingdom (1675-1080 B.C.), New York, 4e imp., revue, 1990, pp. 343-344
Catalogue de l'exposition "Des Animaux et des Pharaons, Le règne animal dans l'Égypte ancienne", présentée au musée Louvre-Lens (4 décembre 2014 au 9 mars 2015), éditions Somogy / Louvre Lens 

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