samedi 12 septembre 2020

Stèle de Tatiaset, chanteuse d'Amon

Stèle de Tatiaset  - panneau de bois recouvert de gesso et peint
Troisième Période intermédiaire - 825-712 av. J.-C.
provenant de sa tombe MMA 801 découverte dans le secteur de Deir el-Bahari par la mission 1921-1922 
du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Herbert Eustis Winlock 
exposée au Metropolitan Museum of Art de New York - numéro d'entrée : 22.3.33 - photo du MET

Cette ravissante stèle de la seconde moitié de la XXIIe dynastie est dédiée à la "maîtresse de maison Tatiaset". Issue d'une famille du clergé thébain - son père Saiah était "prêtre de la purification d'Amon" -,  elle était elle-même chanteuse d'Amon … Elle épousa un scribe du nom de "Djed-Bastet". 

La stèle, haute de 23,4 cm, est en fait un panneau de bois cintré, recouvert de gesso et peint. Les deux faces, qui ont conservé la vivacité de leurs couleurs, sont différentes et tout aussi intéressantes. 

Au centre du recto se trouve Nout, la déesse du Sycomore. Elle est représentée, debout, de face, au milieu de l'arbre auquel elle est "liée". Elle porte une perruque tripartite, un large collier vert ainsi que des bracelets, des armilles, et des périscélides. Son vêtement rouge, qui épouse ses formes, est noué sous son opulente poitrine par une ceinture blanche dont les deux retombées sont de longueur inégale. Dans chaque main elle tient une fine aiguière dont les filets d'eau vont purifier les mains des deux défunts qui sont assis de part et d'autre. Leurs fauteuils, d'une belle facture, reposent sur des nattes vertes. 

A gauche figure Tatiaset. Son visage fin, animé par de grands yeux cernés de kohol, est encadré d'une longue perruque brune. Un cône odoriférant est placé sur sa tête. Elle est vêtue d'une longue robe de lin blanc et porte un large collier vert. Sa main droite recueille l'eau purificatrice versée par la déesse alors que la gauche est levée, paume vers l'extérieur, en signe d'adoration. 

A droite, son époux est représenté dans une position et des gestes similaires. Il est vêtu de façon assez semblable mais porte une perruque courte. Son visage est fin, son œil expressif, et son menton est orné d'une courte barbichette. 

L'équilibre de la composition, dont les couleurs dominantes sont le blanc, l'ocre rouge et le vert, est parfait. 
Stèle de Tatiaset  - panneau de bois recouvert de gesso et peint
Troisième Période intermédiaire - 825-712 av. J.-C.
provenant de sa tombe MMA 801 découverte dans le secteur de Deir el-Bahari par la mission 1921-1922 
du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Herbert Eustis Winlock 
exposée au Metropolitan Museum of Art de New York - numéro d'entrée : 22.3.33 - photo du MET

Marie-Astrid Calmettes analyse cette scène comme : "une image tirée des chapitres 54-63 du 'Livre pour sortir au jour' relatifs à la mise à disposition de brise et d'eau pour le défunt dans l'au-delà". Christian Leblanc qui a bien voulu lire les inscriptions hiéroglyphiques précise : "À droite, il s'agit du scribe de la maison de la divine adoratrice d'Amon, Djed- Bastet, fils de Mery-en-Khonsou, justifié".

À gauche, il s'agit de la "maîtresse de maison et chanteuse d'Amon nommée Tatiaset, justifiée". Cette dame était l'épouse de Djed-Bastet. Le père de Tatiaset, un certain Sa-Iâh (Saiâh = i.e. "le fils de la lune"), "prêtre-ouab d'Amon" (prêtre pur), n'est pas représenté mais son nom et son titre sont inscrits derrière la défunte". 

Ainsi, ces inscriptions nous offrent-elles une partie importante de la "biographie" de Tatiaset. 

L'autre face est dominée par "le signe du ciel pet (pt) courbé et à l'origine peint en bleu" alors qu'en bas on trouve une "bande horizontale évoquant la terre" précise Marie-Astrid Calmettes qui ajoute : "En ce qui concerne le faucon aux ailes déployées qui figure dans la partie supérieure, il n'est pas identifié textuellement. La seule chose qui soit sûre est qu'il s'agisse d'un dieu, un dieu céleste et solaire".
 Stèle de Tatiaset  - panneau de bois recouvert de gesso et peint
Troisième Période intermédiaire - 825-712 av. J.-C.
provenant de sa tombe MMA 801 découverte dans le secteur de Deir el-Bahari par la mission 1921-1922 
du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Herbert Eustis Winlock 
exposée au Metropolitan Museum of Art de New York - numéro d'entrée : 22.3.33 - photo du MET

Dans un "divin" équilibre, le dieu tient entre ses serres le signe shen, symbole de l'éternité auquel est associé un œil-oudjat. Les couleurs du plumage et celles des signes de protection sont en parfaite harmonie. Sous la queue du faucon sont inscrites quatre lignes hiéroglyphiques, en noir sur fond ocre ; elles sont séparées par des bandes verticales vertes. 

La scène principale réunit trois "personnages". 

A droite se trouve Tatiaset, debout, vêtue d'une robe de lin clair dont les plis sont matérialisés par des traits orange. Elle a la même coiffure que sur l'autre face, mais ornée d'un bandeau dont les tons bleu-vert sont assortis à son large collier. 

Dans sa main gauche elle tient un cœur : cette présence est aussi significative que symbolique. Le cœur-ib dans l'Egypte ancienne - était : "l’organe le plus important pour l'individu. Siège de ses pensées, de sa conscience et de sa volonté, il était aussi le réceptacle de sa mémoire, le témoin de toute son existence. C’est à ce titre qu’il figure dans les scènes de jugement du défunt (psychostasie) où il est confronté à la Maât. Le cœur était le seul organe qui demeurait dans la momie après l’éviscération, parfois avec les reins. S’il venait à être détruit, le mort serait incapable de se présenter devant le tribunal divin" nous explique Isabelle Franco dans son "Dictionnaire de mythologie égyptienne". 

Sa main droite est dans celle du dieu Anubis à la tête noire et aux chairs vertes. Celui-ci est représenté également debout dans l'attitude de la marche. Il est vêtu d'un corselet vert à bretelles ainsi que d'un pagne dans les tons bruns, maintenu par une ceinture plus sombre. Il est paré de nombreux bijoux, large collier, bracelets, armilles et périscélides. Il guide la défunte vers Rê-Horakhty. 

Entre les deux dieux est dressée une table d'offrandes où les victuailles sont surmontées de délicates fleurs de lotus. De chaque côté du pied de la table, se trouvent des laitues. 

Les deux inscriptions hiéroglyphiques de gauche stipulent : "Offrande que donne le roi à Anubis, maître de la terre sacrée (i.e. nécropole)" - "Offrande que donne le roi à Rê-Horakhty, qui est à la tête des dieux" (ou "qui préside les dieux"). Alors que le texte de droite, sur deux colonnes, indique : "L'Osiris, la maîtresse de maison, Tatiaset". L'inscription entre Anubis et Tatiaset est une mention du père de la défunte : "le prêtre-ouab d'Amon, Saiâh". 

La scène vise à ce que le cœur de Tatiaset soit "justifié" par les dieux afin qu'elle puisse accéder à l'éternité… 

 Stèle de Tatiaset  - panneau de bois recouvert de gesso et peint
Troisième Période intermédiaire - 825-712 av. J.-C.
provenant de sa tombe MMA 801 découverte dans le secteur de Deir el-Bahari par la mission 1921-1922 
du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Herbert Eustis Winlock 
exposée au Metropolitan Museum of Art de New York - numéro d'entrée : 22.3.33 - photo du MET
publiée ici par Winlock in MMA Bull. Pt. ii, December 1922

Cette stèle est l'une des quatre découvertes par la mission 1921-1922 du Metropolitan Museum of Art de New York dirigée par Herbert Eustis Winlock dans le secteur de Deir el-Bahari. Dans la tombe qui sera référencée MMA 801 : "Quatre stèles en bois peint d'une famille de prêtres et prêtresses d'Amon, qui étaient aussi des fonctionnaires de la Vice-reine de Thèbes, gisaient près de la porte de la chapelle" précise le découvreur… 

Lors du partage des fouilles par le Gouvernement Égyptien, elle a été attribuée au MET, où elle a été enregistrée sous le numéro d'entrée : 22.3.33.

marie grillot

sources :
Stela of Tatiaset
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/550807?searchField=All&sortBy=Relevance&ft=statue+THEBES&offset=100&rpp=20&pos=108
Herbert Eustis Winlock, "The Egyptian Expedition 1921–1922 : Excavations at Thebes", The Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 17, no. 12, part 2, December 1922, p. 37, fig. 28.
Herbert Eustis Winlock, Excavations at Deir El Bahari 1911-1931, Macmillan, 1942
https://archive.org/details/Winlock_Deir_El_Bahari_1911-1931
Winlock in MMA Bull. Pt. ii, December 1922, 37 fig. 28, cf. 32
Porter & Moss, Topographical Bibliography of Ancient Egyptian Hieroglyphic Texts, Reliefs, and Paintings - The Theban Necropolis,  part 2. - Royal tombs and smaller cemeteries by the late Bertha Porter and Rosalind L. B. Moss, Hon. D.Litt. (Oxon.), F.S.A., Assisted by Ethel W. Burney - Second edition revised and augmented - Griffith Institute Ashmolean Museum Oxford, 1964,  p. 654
http://www.griffith.ox.ac.uk/topbib/pdf/pm1-2.pdf



Tous mes remerciements à Marie-Astrid Calmettes, Institut d'égyptologie Khéops, Paris, Université Libre de Bruxelles (CIERL), pour les précieuses informations qu'elle a bien voulu me fournir et à Christian Leblanc pour les traductions hiéroglyphiques 

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