Cet homme, qui était encore jeune, s'est éteint au milieu du deuxième siècle de notre ère… Mais son regard continue à nous captiver, à nous fasciner par delà les années. Animé par des yeux en amande, où la pupille très sombre contraste avec l'iris incroyablement limpide, il exprime une certaine tristesse, voire la fatalité face à un destin inéluctable…
Le contour de l'oeil est affirmé par un trait de peinture légèrement plus claire ; les cils peu fournis, sont peints individuellement. A la paupière fine répondent de légers cernes, soulignés, eux, par un ton plus soutenu. Les sourcils, noirs et épais, en "accent circonflexe", sont rendus par des traits légèrement inclinés et tombants.
Le nez est fin et droit. La bouche aux lèvres épaisses et charnues est close. Elle est surmontée d'une moustache qui va rejoindre une barbe "à favoris", brune et frisottée, agrémentée d'une petite "mouche" sous la lèvre inférieure. Les cheveux noirs et frisés, sont courts et laissent la majeure partie du front ainsi que le oreilles dégagées.
Ainsi, cette "toison" et cette barbe sombres encadrent, par un beau contraste, ce visage fin et allongé, à la carnation plutôt claire.
L'homme est vêtu d'une tunique pâle dont le drapé est joliment suggéré par des touches vives de tons différents.
Le site du musée où est exposé ce portrait décrit ainsi sa tenue : "Il est vêtu d'une tunique funéraire traditionnelle blanche avec des clavi rouges (rayures tissées). L’un s’étend verticalement depuis l’épaule droite de l’homme. Un manteau (pallium) est drapé sur son épaule gauche".
Même si l'on note quelques fissures verticales, ce portrait est en très bon état de conservation. D'une hauteur de 37 cm et d'une largeur de 21 cm, il est peint à l'encaustique sur un panneau de bois dont l'essence pourrait être du tilleul. Les artistes qui réalisaient ces portraits étaient "itinérants" et ne les signaient jamais ; ainsi sont-ils restés anonymes… mais nul doute que celui qui a réalisé celui-ci était un excellent portraitiste !
Lors de la momification, il a été placé sur le visage du défunt puis enroulé par des bandelettes pour le maintenir. On remarque que les coins supérieurs sont coupés, d'une façon grossière tendant vers la diagonale. Ce détail est d'importance : en effet, tout comme le type de bijoux, le genre de vêtement, ou encore la coiffure, cette découpe permet de rattacher ses portraits généralement dits "du Fayoum" à une période donnée et à un lieu précis.
En effet, ils ont plusieurs provenances : Hawara est certainement la plus connue et la plus "répandue" mais ils ont également été découverts à Antinoopolis ou bien encore Er-Rubayat comme celui-ci.
Er-Rubayat se trouve au nord d'Hawara. Dans "Ancient Faces : Mummy Portraits from Roman Egypt", Susan Walker et Morris Bierbrier précisent que : "Les portraits associés au cimetière d'Er-Rubayat ont été principalement acquis dans les années 1880 par le marchand viennois Theodor Graf, qui les a exposés dans plusieurs lieux en Europe et en Amérique, acclamés par le public, en les vendant à diverses institutions et collectionneurs privés… On a longtemps pensé que le cimetière était le lieu de sépulture des habitants de Philadelphie, une grande communauté du nord-est du Fayoum à environ 12 km d'Er-Rubayat, mais les photographies aériennes de Philadelphie indiquent clairement que d'autres cimetières existent bien plus proches de la colonie, et des rapports récents indiquent la présence d'une autre colonie à Mansura, beaucoup plus proche d'Er-Rubayat".
Ce portrait est passé entre les mains de Robin Symes, un marchand d'antiquités britannique qui connut la disgrâce suite à la révélation de son appartenance "à un réseau criminel international qui faisait du commerce de trésors archéologiques pillés".
Il a été acquis, en 1974, par le J. Paul Getty Museum de Malibu où il est exposé sous la référence : 74.AP.11.
marie grillot
sources :
Mummy Portrait of a Bearded Man
http://www.getty.edu/art/collection/objects/7140/unknown-maker-mummy-portrait-of-a-bearded-man-romano-egyptian-about-ad-150-170/
David L. Thompson, "Four 'Fayum' Portraits in the Getty Museum" The J. Paul Getty Museum Journal 2, 1975, pp. 85-92, p. 89, no. 4; fig. 5
Jean-Christophe Bailly, L'apostrophe muette - Essai sur les portraits du Fayoum, Hazan, Paris, 1997
Portraits de l'Égypte romaine, Paris, Réunion des musées nationaux, 1998
Susan Walker, M.L. Bierbrier, Ancient Faces : Mummy Portraits from Roman Egypt, British Museum Press, 1997, Metropolitan Museum of Art, 2000
https://books.google.fr/books?id=t9RM6G-nHOoC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
Céline Trouchaud, Les portraits funéraires du Fayoum, entre tradition égyptienne et apports grecs et romains, Université Toulouse II
https://blogs.univ-tlse2.fr/tempushistoriae/files/2016/02/Les-portraits-funéraires-du-Fayoum_mod.pdf
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