jeudi 15 octobre 2020

Un ravissant œil-oudjat en or

Oeil-oudjat avec granulations et décors en filigrane - or - Époque Ptolémaïque - 332-30 av. J.-C.
provenance "antique" inconnue - auparavant dans la Collection de Theodore Monroe Davis
Metropolitan Museum of Art de New York - n° d'entrée 30.8.377
(par legs de Theodore Monroe Davis à son décès en 1915, enregistré au musée en 1930)
 - photo du musée

Ce pendentif représente un œil-oudjat, une amulette chargée de "protection", très présente dans l'Égypte ancienne.

Il s'agit d'un oeil "humain", surmonté d'un épais sourcil, et pourvu, en sa partie inférieure, d'un larmier de faucon et d'une ligne courbe, fuyante, qui se termine en spirale.

Il est travaillé sur une plaque d'or - métal assimilé à la chair des dieux -, rectangulaire, d'une hauteur de 4.5 cm et d'une largeur de 5.5 cm.

En sa partie supérieure, trois larges bélières, striées, ont été soudées afin de permettre le passage d'une chaîne ou d'un cordon. "La déformation de la boucle de gauche, en particulier, suggère que ce bijou a été très utilisé" précise le Metropolitan Museum of Art de New York où il se trouve. 

Charmant détail, les boucles sont ornées, au centre de leur base, d'une fleur à double corolle de sept pétales finement travaillée, leur pistil étant matérialisé par une perle d'or.

Le haut du "sourcil" est bordé d'une fine tresse en dessous de laquelle court une ligne d'oscillations régulières et rapprochées.

L'œil est en amande, avec en son plein centre, un iris très rond et bombé qui n'est pas sans rappeler l'aspect de l'astre solaire …

Son bord supérieur est souligné par une ligne de fard qui s'étire. L'angle interne a une commissure marquée, légèrement tombante,  alors que l'angle externe est très court.

La surface du larmier est rythmée par six traits verticaux ; avec la ligne courbe qui finit en spirale, ils dessinent le bas de la plaque. 

La partie "spiralée" est striée et son point de terminaison est agrémenté d'une petite perle en or. 

Son concepteur a utilisé l'espace qui la sépare de la ligne de fard pour créer une ornementation de fins motifs, en filigrane et en granulation.

Guirlandes, formes géométriques s'épanouissent de fort jolie manière, le tout étant "dominé" par un ravissant sarment de vigne avec ses feuilles, ses vrilles et même de petites grappes de raisin.
Oeil-oudjat avec granulations et décors en filigrane - or - Époque Ptolémaïque - 332-30 av. J.-C. 
provenance "antique" inconnue - auparavant dans la Collection de Theodore Monroe Davis
 Metropolitan Museum of Art de New York - n° d'entrée 30.8.377
(par legs de Theodore Monroe Davis à son décès en 1915, enregistré au musée en 1930) - photo du musée

L'ensemble, d'un goût exquis, prouve qu'à l'époque ptolémaïque, si les modes avaient évolué, les orfèvres maîtrisaient toujours parfaitement des procédés anciens et complexes. Christiane Ziegler rappelle que : "Les égyptiens utilisèrent des techniques du filigrane et de la granulation pour le décor des bijoux à partir du Moyen Empire. Ces procédés furent sans doute importés du Proche-Orient… Les joailliers employaient de l'or ou de l'argent presque pur dont la faible température de fusion et la malléabilité permettent d'obtenir des fils très fins" 

Dans "Gold jewellery in Ptolemaic, Roman and Byzantine Egypt", Jack M. Ogden précise : "Un filigrane de type hellénistique décore également un udjat en or fin à New York qui présente un travail en filigrane sous la forme d'un rouleau de vigne et de petites rosettes couvrant les jointures entre l'œil et les boucles de suspension".

Dans la légende osirienne, "l'œil d'Horus" symbolise le triomphe du bien sur le mal, la victoire d'Horus, fils d'Osiris et d'Isis, sur son oncle maléfique Seth. Dans la lutte qui les opposa, ce dernier lui avait arraché l'œil gauche puis l'avait découpé en six morceaux. Le dieu Thot se chargea de les retrouver ; il put alors reconstituer l'œil et  ainsi le restituer, dans son intégrité,  à son "propriétaire".

Ainsi cet "œil sain" devint un "œil magique", un symbole de la récupération et de la régénération. 

"Image d'un œil humain agrémenté d'un larmier de faucon, il est le symbole de la plénitude retrouvée, celle de la pleine lune, celle de l'œil d'Horus soigné par Thot, celle de l'Egypte réunifiée, celle d'Osiris revenu à la vie, mais aussi de toute idée de bonne santé et d'accomplissement" analyse Isabelle Franco dans son "Dictionnaire de mythologie égyptienne".

Ce pendentif est entré au Metropolitan Museum of Art de New York en 1930 sous le numéro : 30.8.377.
Theodore Monroe Davis (deuxième en partant de la droite)
(Springfield, New York, 7-5-1838 - Miami, Florida, 23-2-1915)
Homme d'affaires, avocat, collectionneur et bienfaiteur - photographié ici dans la Vallée des Rois dont il détenu la concession de 1902 à 1912

Il provient de la collection de Theodore Monroe Davis, un richissime homme d'affaires et avocat originaire de New York, qui, sur le tard, s'était  consacré à l'égyptologie. Les excellents rapports qu'il entretenait avec Gaston Maspero lui avaient permis d'obtenir, en 1903, la concession de la Vallée des Rois, concession qu'il conserva pendant une dizaine d'années. Au cours de cette période, grâce à ses moyens financiers, à la compétence et au professionnalisme des égyptologues qui travaillèrent à son service, il découvrit de nombreuses tombes générant de belles découvertes. A son décès, en février 1915, la collection égyptologique qu'il s'était constituée a été léguée au  Metropolitan.

marie grillot

sources :
Wedjat eye with granulation and decorative wire ornament
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/551353?&searchField=All&sortBy=Relevance&ft=Wedjat+eye&offset=140&rpp=20&pos=147
Jack M. Ogden, Gold jewellery in Ptolemaic, Roman and Byzantine Egypt, Ph.D. Thesis, volume 1, Universtity of Durham, Department of Oriental Studies © 1990
http://etheses.dur.ac.uk/1457/2/1457_v2.pdf?EThOS%20(BL)
Isabelle Franco, Dictionnaire de mythologie égyptienne, Pygmalion, 1999
Allen, James P. and David T. Mininberg, The Art of Medicine in Ancient Egypt, The Metropolitan Museum of Art New York, no. 16A, 2005, pp. 26-27
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte ancienne et ses dieux - Dictionnaire illustré, Fayard 2007

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