lundi 5 octobre 2020

Un bracelet d'or, d'électrum et de turquoise de Toutankhamon

Bracelet (l'un des treize retrouvés sur la momie de Toutankhamon) - or, électrum et turquoise
 provenant de sa tombe (KV 62) découverte en novembre 1922 par Lord Carnarvon et Howard Carter
Carter 256ww - Musée Égyptien du Caire - JE 62366 - GEM 3317 - photo du musée

Ce magnifique bracelet rigide, en or, électrum et turquoise, est l'un des treize retrouvés par Howard Carter sur les avant-bras de la momie de Toutankhamon. 

Il est composé de deux parties réunies par des charnières dont l'une peut être ouverte en retirant une goupille.

La plaque frontale, rectangulaire et légèrement bombée, est somptueuse. Le "cabochon" qu'Howard Carter, lors de la découverte analysa comme étant une "pierre dure vert pâle de (?) quartz", est en fait une turquoise très claire. Elle est taillée en "forme de tonneau" et insuffle toute sa force à cette parure.
Bracelet (l'un des treize retrouvés sur la momie de Toutankhamon) - or, électrum et turquoise
 provenant de sa tombe (KV 62) découverte en novembre 1922 par Lord Carnarvon et Howard Carter
Carter 256ww - Musée Égyptien du Caire - JE 62366 - GEM 3317 

Dans "L'or des pharaons", Christiane Ziegler nous apporte des précisions sur cette pierre semi-précieuse : "La turquoise 'méfékat' était extraite du Sinaï où les pharaons lançaient des expéditions minières. Sa couleur lumineuse, évoquant la croissance des jeunes pousses au printemps, était synonyme de vitalité et de joie. Sa présence dans l'équipement funéraire conférait sans doute au mort la joie de la renaissance".

Maintenue à droite et à gauche par deux épaisses bandes d'or, elle est sublimée par une monture richement ouvragée qui nous permet d'apprécier la maîtrise des orfèvres du Nouvel Empire. Ils ont ici, avec bonheur et esthétique, conjugué deux techniques "empruntées" au Moyen-Orient : le filigrane et la granulation.
Bracelet (l'un des treize retrouvés sur la momie de Toutankhamon) - or, électrum et turquoise 
provenant de sa tombe (KV 62) découverte en novembre 1922 par Lord Carnarvon et Howard Carter
Carter 256ww - Musée Égyptien du Caire - JE 62366 - GEM 3317 - photo du musée

Emile Vernier, dans son savant ouvrage sur "La bijouterie et la joaillerie égyptiennes" nous donne les précisions suivantes : "Le travail qui est ordinairement connu sous ce nom de filigrane, se compose de fils tords et de petites grenailles qui sont disposés sur une forme dont les fonds sont découpés après coup, ou même ils sont construits par petites fractions assemblées ensuite. Ce travail donne une impression de légèreté et de finesse délicieuse".

Christiane Ziegler nous apporte son éclairage sur ce procédé : "Les joailliers employaient de l'or ou de l'argent presque pur dont la faible température de fusion et la malléabilité permettent d'obtenir des fils très fins".

Ainsi, le cadre le plus proche de la turquoise est orné de grenailles semi-sphériques, alignées et légèrement espacées. Le cadre supérieur, lui, est occupé par des compositions géométriques triangulaires formées de grains très fins : elles sont, alternativement, pointées vers le haut puis vers le bas. 
Bracelet (l'un des treize retrouvés sur la momie de Toutankhamon) - or, électrum et turquoise
 provenant de sa tombe (KV 62) découverte en novembre 1922 par Lord Carnarvon et Howard Carter
Carter 256ww - Musée Égyptien du Caire - JE 62366 - GEM 3317 - photo du musée

Enfin, de chaque côté de cette plaque centrale se trouve une barrette d'or délicatement travaillée : entre deux fines tresses s'épanouissent des "vagues rondes" qui se présentent sous la forme de "spirales en S". Elles sont ornées, elles aussi, de grenailles en leur centre, et dans les interstices … 

La partie arrière du bracelet est faite de : "cinq tubes, trois en or et deux en électrum, attachés ensemble par des fils. Ils se terminent aux extrémités par des fleurs de papyrus" précise Zahi Hawass dans le catalogue de l'exposition "Toutankhamon, trésors du pharaon d'or". 

Howard Carter, quant à lui,  voyait : "un appareil à quatre fleurs de papyrus et cinq bourgeons de papyrus, avec des tiges liées à trois endroits" alors que, pour I.E.S. Edwards ("Tutankhamun : His Tomb and its Treasures"), il s'agit de "tiges de papyrus et des fleurs de lys à la charnière et au fermoir".
Howard Carter face à Toutankhamon
Tutankhamun : Anatomy of an Excavation - Griffith Institute, Oxford © Copyright Griffith Institute, 2000
 

La tombe de Toutankhamon a été découverte en novembre 1922. Ce n'est que trois ans plus tard, en octobre 1925, qu'après avoir enfin ouvert les cercueils de bois doré et d'or, qu'Howard Carter se retrouve enfin face au jeune roi : "Sous nos yeux, une impressionnante momie, nette et soignée, occupait tout l'espace du cercueil… le masque d'or poli, à l'effigie du roi, lui recouvrait la tête et les épaules…" rapporte-t-il.

Le démaillotage, qu'il réalisera avec Alfred Lucas et les Docteurs Douglas Derry et Saleh Bey Hamdi, nécessitera quatre jours d'un travail "pénible et énervant en raison de la fragilité et la friabilité du lin".
Howard Carter's drawings made during the examination of Tutankhamun's mummy, November 11-19, 1925
Tutankhamun : Anatomy of an Excavation - Griffith Institute, Oxford © Copyright Griffith Institute, 2000

Entre les bandelettes, les embaumeurs avaient glissé cent cinquante bijoux, amulettes ou autres objets. Carter dessinera l'emplacement exact de chaque ornement et les référencera individuellement dans le "groupe d'objets 256".

Le jeune pharaon portait notamment sept bracelets à gauche, et six à droite. 
Les treize bracelets trouvés respectivement sur le bras droit et le bras gauche de la momie de Toutankhamon
Le bracelet en or, électrum et turquoise - Carter 256ww - JE 62366 - est le 2e en partant du bas à droite
juste en face, se trouve le Carter 256rr
Tutankhamun : Anatomy of an Excavation - Griffith Institute, Oxford © Copyright Griffith Institute, 2000

Celui-ci - référencé Carter 256ww - était accroché sur le bras gauche, près du coude. Il avait son pendant, sur l'autre bras (Carter 256rr). D'une facture très proche, il diffère cependant par la pierre qui est de couleur sombre. Elle est présentée par le découvreur comme étant "une substance cornée en forme de tonneau".

Jean Yoyotte évoquera, à propos du trésor de Tanis, l'importance symbolique, dans le contexte funéraire, de la présence de ces bracelets : "De tous les talismans placés sur la momie, les bracelets qu'ils soient destinés aux poignets ou aux chevilles, jouent un rôle primordial… ils sont garants de l'immortalité des défunts…"
Le bracelet en or, électrum et turquoise - Carter 256ww - JE 62366 - est en bas à droite
alors que le Carter 256rr est juste en face
Tutankhamun : Anatomy of an Excavation - Griffith Institute, Oxford © Copyright Griffith Institute, 2000
 

Si ces bracelets Carter 256rr et 256ww ne sont pas ornés - comme la majeure partie des autres de symboles de protection  (scarabée ou oudjat, notamment), ils sont réalisés en or, métal imputrescible, assimilé à la chair des dieux. De plus, il nous faut rappeler que les anciens égyptiens prêtaient, à la  nature même des pierres et à leur couleur, des pouvoirs protecteurs… Le défunt devait bénéficier de toutes les protections pour pouvoir renaître…

Ce bracelet a été enregistré au Journal des Entrées du Musée du Caire sous la référence JE 62366. Son nouveau référencement au Grand Egyptian Museum est : GEM 3317.

marie grillot

sources :
Excavation journals and diaries made by Howard Carter and Arthur Mace
Howard Carter's excavation diaries (transcripts and scans)
4th Season, September 28th 1925 to May 21st 1926
http://www.griffith.ox.ac.uk/discoveringTut/journals-and-diaries/season-4/journal.html
The Griffith Institute - Tutankhamun : Anatomy of an Excavation - The Howard Carter Archives - Photographs by Harry Burton
http://www.griffith.ox.ac.uk/gri/carter/256ww.html
Emile Vernier, La bijouterie et la joaillerie égyptienne, MIFAO, Le Caire, 1907
https://archive.org/details/MIFAO2/mode/2up
Christiane Desroches Noblecourt, Vie et mort d'un pharaon, Hachette, 1963
Iorwerth Eiddon Stephen Edwards, Tutankhamun : his tomb and its treasures, The Metropolitan Museum of Art, 1977
Thomas Garnet Henry James, Howard Carter, The path to Tutankhamun, TPP, 1992
https://archive.org/stream/HowardCarterThePathToTutankhamunBySam/Howard+Carter+The+Path+to+Tutankhamun+By+Sam_djvu.txt
Jean Yoyotte, Tanis l'or des pharaons, catalogue de l'exposition Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 26 mars - 20 juillet 1987, Association Française d'Action Artistique, 1987
Nicholas Reeves, Toutankhamon, vie, mort et découverte d'un pharaon, Editions Errance, 2003
Howard Carter, The Tomb of Tutankhamun, volume 2 : The Burial Chamber, Bloomsbury Academic, 2014
Zahi Hawass, Découvrir Toutankhamon, Editions du Rocher, 2015
Zahi Hawass, Catalogue de l'exposition Toutankhamon, trésors du pharaon d'or,  IMG Melcher Media, 2018
Christiane Ziegler, L'or des pharaons - 2500 ans d'orfèvrerie dans l'Egypte ancienne, Catalogue de l'exposition de l'été 2018 au Grimaldi Forum de Monaco, Hazan, 2018

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