Ce magnifique "scarabée de cœur d'Hatnefer", d'une longueur de 6,6 cm et d'une largeur de 5,3 cm, est délicatement sculpté dans une pierre verte parfaitement polie. Le corps du coléoptère, bien que relativement stylisé, est réalistement bombé. Il est orné, dans sa moitié inférieure, de deux bandes d'or (l'une quasi horizontale et l'autre verticale), délimitant le corselet et les élytres.
Il est cerclé d'une monture en or, épaisse à la base, et munie, au centre de sa partie supérieure, d'une bélière permettant d'y glisser la chaîne. D'une longueur de 77,5 cm, cette dernière est faite "de fils d'or tressés dans un motif à quatre maillons" précise le Metropolitan Museum of Art où il est exposé.
Le scarabée occupe une place prépondérante dans le rituel funéraire. Dans son "Guide du visiteur du musée de Boulaq, 1883", Gaston Maspero, expliquait ainsi son assimilation à la renaissance : "Le scarabée, pris comme emblème divin, représentait Khopri, le soleil levant, le soleil qui se produit (khoprou) au matin de chaque jour, et qui renaît après être mort le soir du jour précédent".
Cette analyse trouve un enrichissement complémentaire dans la définition d'Isabelle Franco ("Dictionnaire de mythologie égyptienne") : "Le scarabée est porteur d'une énergie renouvelée qui prélude à toute existence, il préside aux transformations qui amènent à toute maturité. Il est l'animal, attribut de Khépri. Le signe du scarabée sert à écrire le mot kheper qui évoque l'idée de naissance mais aussi du revenir."
Pour les anciens Égyptiens, le coeur était le siège de la pensée, de la conscience et de la volonté, ainsi, lors de la momification : "Le cœur était le seul organe qui demeurait dans la momie après l'éviscération, parfois avec les reins. S'il venait à être détruit le mort serait incapable de se présenter devant le tribunal divin. Il existait donc des cœurs de remplacement, des amulettes qui prenaient sa forme ou qui prenaient celle du scarabée… "(Isabelle Franco).
Le "scarabée de coeur" était généralement façonné dans une pierre dure, "idéalement verte ou noire" et inscrit d'une formule magique du Livre des Morts qui enjoignait le cœur à être "juste" lors de la psychostasie. Après avoir été "oint" par deux fois par les embaumeurs, il était déposé sur la poitrine du défunt, ou bien accroché en pendentif sur une chaîne.
Le "scarabée de coeur" était généralement façonné dans une pierre dure, "idéalement verte ou noire" et inscrit d'une formule magique du Livre des Morts qui enjoignait le cœur à être "juste" lors de la psychostasie. Après avoir été "oint" par deux fois par les embaumeurs, il était déposé sur la poitrine du défunt, ou bien accroché en pendentif sur une chaîne.
La couleur verte, en Egypte ancienne, était liée - elle aussi - au concept de renaissance. Ce scarabée d'Hatnefer, n'est pas en jaspe vert comme celui du Général Djéhouty auquel il ressemble fortement, mais en serpentine. "Le nom de serpentine vient de la variété des petites taches que ces pierres présentent lorsqu'elles sont polies, et qui sont assez semblables aux taches de la peau d'un serpent. La plupart de ces pierres sont pleinement opaques ; mais il s'en trouve aussi qui ont naturellement une demi-transparence ou qui la prennent lorsqu'elles sont amincies : ces serpentines demi-transparentes ont plus de dureté que les autres, et ce sont celles qui approchent le plus du jade précise Buffon dans son "Histoire naturelle, générale et particulière".
C'est une pierre que l'on trouve à l'état naturel en Egypte, et plus particulièrement dans le désert oriental. Dans l'ouvrage "Ancient Egyptian Materials and Technology", Paul T. Nicholson, Ian Shaw rappellent que : "Certains des affleurements les plus grands et les plus accessibles se trouvent à Wadi Hammamat et dans les oueds affluents d'Atalla et d'Umm Esh au nord" (Brown et Harrell 1995)… Les auteurs attestent en outre que "A la dix-huitième dynastie, elle était également utilisée pour de petits objets funéraires, comme les scarabées de coeur et les ouchebtis".
L'aplat du scarabée comporte des inscriptions hiéroglyphiques : "La base du scarabée est gravée d'une version du chapitre 30A du Livre des morts, dans laquelle la défunte s'adresse à son propre cœur, l'exhortant à ne pas témoigner contre l'esprit de Hatnefer (ka) lors du jugement final dans l'au-delà. Dans la ligne supérieure, le nom de Hatnefer a été inséré sur un texte effacé, indiquant que le scarabée n'était pas à l'origine fait pour elle" précise le Metropolitan.
Hatnefer, était la mère de Senenmout qui fut l'une des personnalités les plus influentes du règne d'Hatshepsout. Il est notamment connu pour avoir fait élever le magnifique temple funéraire de la reine, le "Djeser Djeserou", à Deir-el-Bahari.
Senenmout, personnalité influente du règne d'Hatshepsout, a été notamment l'architecte de son temple funéraire - le" Djeser Djeserou" - à Deir el-Bahari |
Grâce à ses hautes fonctions il put faire bénéficier ses parents - Hatnefer et Ramose - d'une sépulture dans la Vallée des Nobles et d'un trousseau funéraire conséquent… En effet, comme le précise le Metropolitan : "La tombe avait été préparée pour l'inhumation de la mère de Senenmout, Hatnefer, décédée dans ses 70 ans, au début du règne conjoint d'Hatchepsout et de Thoutmosis III. À ce moment-là, Senenmout était devenu un responsable important et il pouvait offrir à sa mère une sépulture relativement riche, y compris un masque de momie doré, un scarabée de cœur exquis et une boîte à canopes. Elle a également été enterrée avec plusieurs beaux bijoux personnels".
La tombe d'Hatnefer et Ramose se trouve tout en haut de la colline de Sheikh Abd el-Gournah, au-dessous de la TT 71, celle de leur fils Senenmout (en haut droite sur la photo) |
Leur demeure d'éternité a été découverte en janvier 1936, sur le haut de la colline de Gournah - juste en-dessous de celle de leur fils - la TT 71 -, par Ambrose Lansing et William C. Hayes, membres de la mission du Metropolitan Museum of Art de New York.
A la fin de la saison, lors de la division des trouvailles, le musée a notamment pu acquérir plusieurs artefacts provenant de cette tombe. C'est ainsi que le précieux "scarabée de coeur d'Hatnefer" est entré dans ses collections, sous le numéro : 36.3.2.
marie grillot
sources :
Heart Scarab of Hatnefer
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/545146?searchField=All&sortBy=Relevance&ft=hatnefer&offset=0&rpp=20&pos=1
Ambrose Lansing, William C. Hayes, The Museum's Excavations at Thebes, The Metropolitan Museum of Art Bulletin, Vol. 32, No. 1, Part 2: The Egyptian Expedition 1935-1936 (Jan., 1937), pp. 4-39
DOI: 10.2307/3255341 - https://www.jstor.org/stable/3255341
William C. Hayes, Scepter of Egypt II : A Background for the Study of the Egyptian Antiquities in the Metropolitan Museum of Art: The Hyksos Period and the New Kingdom (1675-1080 B.C.). Cambridge, Mass.: The Metropolitan Museum of Art, p. 202, 1959
https://books.google.fr/books?id=2lrrqjkkWWEC&printsec=frontcover&redir_esc=y#v=onepage&q=chair&f=false
Bertha Porter, Rosalind l. B. Moss, Topographical bibliography of ancient egyptian hieroglyphic texts, reliefs, and paintings in the theban necropolis part 1. private tombs, second edition revised and augmented, Griffith Institute Ashmolean Museum Oxford, 1960
http://www.griffith.ox.ac.uk/topbib/pdf/pm1-1.pdf
Isabelle Franco, Dictionnaire de mythologie égyptienne, Pygmalion, 1999
Paul T. Nicholson, Ian Shaw, Ancient Egyptian Materials and Technology, Cambridge University Press, 2000
https://books.google.fr/books?id=Vj7A9jJrZP0C&pg=PA57&lpg=PA57&dq=serpentine+karlshausen&source=bl&ots=zu43rhvGLv&sig=ACfU3U12ojtGokhGEQawyj911OJwTdDDrw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjmv6jqjIHpAhVEqxoKHUieATkQ6AEwAHoECAoQAQ#v=onepage&q=serpentine%20&f=false
Catharine H. Roehrig, The Housemistress in New Kingdom Egypt: Hatnefer, Department of Egyptian Art, The Metropolitan Museum of Art, October 2004
https://www.metmuseum.org/toah/hd/htnf/hd_htnf.htm
Catharine H. Roehrig, Renée Dreyfus, Cathleen A. Keller, Hatshepsut: From Queen to Pharaoh, Metropolitan Museum of Art (New York, N.Y.), 2005
https://books.google.fr/books?id=pvhNq307q9gC&pg=PA95&lpg=PA95&dq=hatnefer%27s%20chair&source=bl&ots=cV0B5g-
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte ancienne et ses dieux - Dictionnaire illustré, Fayard 2007
José M. Galán, Betsy M. Bryan, Peter F. Dorman, Creativity and Innovation in the Reign of Hatshepsut, Papers from the Theban Workshop, 2010
Pierre Tallet, Les 12 reines d'Egypte qui ont changé l'histoire, Pygmalion, 2013
Funerary mask of Hatnefer
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/545147
Hatnefer's Chair
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/543868
Canopic box of Hatnefer
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/548979
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