Satnem et son épouse "dame Ibentina" ont vécu, au Nouvel Empire, dans le village, qui s'appelait alors Set Maât (la "Place de Vérité" - l'actuel Deir el-Medineh). Fondé au début de la XVIIIᵉ dynastie sous le règne de Thoutmosis Iᵉʳ, puis étendu et agrandi plusieurs fois, notamment sous les règnes de Thoutmosis III et des premiers ramessides, il abritait les artisans qui travaillaient au creusement et à la décoration des demeures d'éternité de la Vallée des Rois, de la Vallée des Reines, et même de nécropoles plus lointaines.
Entouré de hautes murailles, il s'étend sur un vallon désertique au pied de la montagne thébaine. On sait qu'il a "abrité entre 40 à 120 foyers" qui demeuraient dans des maisons de pierre couvertes d'un toit en feuilles de palmier.
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"Set Maât her imenty Ouaset" - la "Place de Vérité à l’occident de Thèbes" de l'antiquité est aujourd'hui village de Deir el-Medineh |
La communauté, qui disposait également de lieux de culte ainsi que de sa propre nécropole, occupa le site pendant près de 500 ans.
Le village fut "redécouvert" au XIXe siècle. De nombreux "chercheurs" puis égyptologues s'y sont intéressé : Bernardino Drovetti, Henry Salt, Karl Richard Lepsius, Auguste Mariette, Gaston Maspero… Ernesto Schiaparelli y entreprendra des fouilles en 1905, puis l'allemand Georg Christian Julius Möller. La concession du site sera ensuite définitivement attribuée à l’Ifao en 1917 ; pendant une trentaine d’années, de 1922 à 1951, Bernard Bruyère explorera méthodiquement le site et fera de merveilleuses découvertes.
C'est lors de la mission de fouilles de 1934-1935 qu'il met au jour, dans le cimetière de l’est, la tombe de Satnem et Ibentina. Modeste et d'une architecture simple, elle est composée : "d'un puits carré et d'un petit caveau sommairement aménagé dans le roc". Elle sera référencée sous le n° 1379.
Elle est la seule qui contenait les statuettes des deux défunts précise l'égyptologue qui relate ainsi la découverte : "La statuette d’homme était placée debout sur une des chaises du mobilier et faisait face à l’entrée du caveau. Elle était enveloppée de bandelettes sous lesquelles s’enroulait deux fois autour du cou un collier d’un fil de petites perles rondes bleu pâle et blanches. La statuette de femme, pareillement enveloppée de bandes de lin fin et le col orné d’un collier semblable dont le fil, rompu, avait glissé à ses pieds, était enfermée dans un coffre de bois posé debout sur le sol du caveau à droite de la chaise supportant l’autre statue. Elle regardait aussi vers l’entrée, à travers la fente du couvercle de sa boîte comme à travers la fente d’un serdab de mastaba de l’Ancien Empire.
Haute de 43 cm, la statue de Satnem est sculptée dans un bois de jujubier - ou sycomore selon les sources - et repose sur un socle rectangulaire en acacia. "Elle est entièrement peinte en rouge et les détails sont rehaussés de noir et de blanc."
Satnem est représenté debout "dans l'attitude conventionnelle réservée aux hommes : le pied gauche en avant, les bras le long du corps". Il est simplement vêtu d'un pagne long à devanteau plat, noué sous le nombril.
Mince, fluet, presque longiligne, son aspect juvénile est encore accentué par sa coiffure très particulière : "arrondie et débordante sur les côtés". Il s'agit "d'un carré court", tressé en mèches régulières couvrant une partie du front et laissant le lobe de l'oreille dégagé.
Son visage est très légèrement levé, comme s'il regardait ver le haut... Cette attitude lui confère un air interrogatif, presque curieux, souligné par ses grands yeux peints, expressifs, et cernés par une ligne du fard très noire et très étirée. Son nez et sa bouche sont joliment rendus et son cou est orné d'un ravissant collier de perles de faïence.
Cette statue dégage une réelle présence et distille presque une attente, un espoir…
Quelle était la fonction de Satnem au sein de la communauté? Nous n'en savons rien, malheureusement… "Comme tous les autres défunts du cimetière de l'Est, Satnem ne porte aucun titre qui pourrait nous renseigner sur sa condition sociale, sans doute assez modeste si l'on se rapporte à la facture assez rustique du mobilier de la tombe"…
La statue de dame Ibentina, son épouse, est sculptée dans un bois de sycomore, elle était "autrefois entièrement stuquée et peinte".
Ibentina est représentée debout, vêtue d'une robe près du corps, qui s'arrête à mi-mollet. Elle est mince, menue, charmante, exquise, tout comme son mari. On ne peut s'empêcher de penser que, si les statuettes reflètent leur image "terrestre", ils devaient former un fort joli couple…
Son visage, fin et délicat, est encadré par une "perruque tripartite, formée de tresses maintenues par deux rubans". Ses yeux maquillés, sont grands et étirés, son nez est fin et sa bouche bien dessinée.
Son bras droit est pendant le long du corps alors que le gauche est replié à hauteur de la taille. Le collier de perles qui était accroché à son cou a glissé et est en partie enroulé sur l'avant-bras gauche ; elle porte "au poignet de chaque bras un large bracelet imitant les bracelets d’or et de plaques d’émail".
"La chevelure, les prunelles et le cerne des bracelets sont peints en noir, l’émail des bracelets est rouge, la cornée des yeux est blanche, tout le reste du visage, du corps et de la robe est jaune pâle" précise Bernard Bruyère.
Sur le socle en bois de la statuette est inscrite "une formule d’offrandes à Osiris, seigneur d’Abydos et de Busiris".
Dame Ibentina est comme "abritée" dans "un naos doté d’un couvercle amovible" : "La caisse de sycomore qui renferme la statuette de femme a été spécialement faite à cet usage. Elle est creusée dans un seul bloc".
Lors du partage des fouilles - qui s'est déroulé en 1934 - les époux unis de leur vivant et liés par leurs statuettes pour ce qui devait être leur éternité furent malheureusement séparés…
Dame Ibentina est restée en Égypte : elle a été enregistrée au Journal des Entrées du Musée du Caire sous la référence JE 63646A/B. Quant à Satnem, il est parti vers Paris. C'est donc au Louvre (E 14319) qu'il représente, par sa charmante présence, les artisans de la Place de Vérité.
marie grillot
sources :
Naos avec une statue d'une femme
http://www.globalegyptianmuseum.org/record.aspx?id=15901
Statue - tombe 1379 Satmen
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010005900
Bruyère, Bernard, La Nécropole de l'Est, FIFAO 15, 1937
https://archive.org/details/FIFAO15/page/n65
Les artistes de pharaon, Deir el Medineh et la Vallée des Rois, Louvre, 2002
Un siècle de fouilles françaises en Egypte 1880 1980 - Ecole du Caire (IFAO) - Musée du Louvre, 1981
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Guide National Geographic, Les Trésors de l'Egypte ancienne au musée égyptien du Caire, 2004
Osirisnet, Les tombes de Deir el-Medineh
https://www.osirisnet.net/tombes/artisans/tombes_deir_el_medineh/tombes_deir_el_medineh_01.htm
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