vendredi 23 avril 2021

Une plaque ajourée représentant le dieu Hâpy

Plaque ajourée représentant le dieu Hâpy - bronze - XXVe - XXVIe dynastie
provenance "antique" probable : Memphis (Mit Rahineh)
exposée au Walters Art Museum de Baltimore (Maryland) - n° d'entrée 54.2135 - photo du musée Creative Commons License


Cette plaque ajourée, en bronze, est haute de 18 cm, large de 10,2 cm et a une épaisseur de 0,7 cm. Elle représente Hâpy, le dieu de la crue du Nil. 


Il est debout dans l'attitude conventionnelle de la marche, jambe gauche légèrement avancée, pieds nus reposant sur une natte de joncs tressés.


Il est coiffé d'une perruque tripartite laissant l'oreille apparente et  surmontée d'une touffe de plantes aquatiques.


Ses yeux sont étirés. Il porte une barbe postiche recourbée, un collier large de type ousekh et des bracelets d'humérus et de poignet. Il est nu, à l'exception de la bande d’étoffe qu'il porte toujours à la taille. Elle ceint ses reins, puis, nouée sous son ventre lourd, retombe sur le devant en plusieurs pans…


De son bras droit, il soutient un plateau de joncs tressés sur lequel sont dressées deux hautes et élégantes aiguières à bouchon conique, alors que, de  son avant-bras, pendent des offrandes végétales, trois tiges de lotus ouvertes et deux en bouton. 


Elles arrivent à hauteur des plumes et du disque solaire qui surmontent un cartouche qui ne peut "parler" puisque les noms en ont été effacés.


Représentation "habituelle" du dieu  Hâpy

Les grands traits de cette représentation sont caractéristiques de l'iconographie propre au dieu Hâpy. Comme le précise Isabelle Franco dans son "Dictionnaire de mythologie égyptienne" : "Personnifiant l’inondation et les bienfaits qu’elle apporte, Hâpy est représenté comme un homme aux formes androgynes, seulement vêtu de la ceinture des bateliers. Sa poitrine féminine est le signe de la fécondité qu’il apporte et ses chairs de couleur bleue expriment ses liens avec le milieu aquatique… Portant une table d’offrande chargée de nourritures variées, il exprime la fertilité qu’il procure aux hommes et aux dieux".


La crue du Nil, dont dépendait la richesse des terres du pays et par-delà la survie des habitants, était scrutée avec une attention mêlée de peur et d'espoir. Ainsi, pendant Akhet, la saison de l'inondation (de mi-juillet à mi-novembre), les eaux devaient atteindre la hauteur "idéale", généralement fixée à sept coudées. 


Comme l'explique si bien Jean-Pierre Corteggiani : "Le souci de savoir chaque année si la 'venue de Hâpy' serait favorable explique que l’on ait, dès la Ière dynastie, mesuré et enregistré la hauteur de chaque inondation… Pour que ce soit le cas, on ne manquait pas de faire les offrandes et les sacrifices nécessaires, de réciter les prières appropriées, ou de jeter dans le Nil des statuettes féminines destinées à susciter le rut de Hâpy… Hâpy est à la fois la personnification du phénomène de la crue, l’eau elle-même, et le dieu qui contrôle le flot".

Plaque ajourée représentant le dieu Hâpy - bronze - XXVe - XXVIe dynastie
provenance "antique" probable : Memphis (Mit Rahineh)
exposée au Walters Art Museum de Baltimore (Maryland) - n° d'entrée 54.2135 
 - photo du musée Creative Commons License


Cette plaque, datée de la XXVe ou XXVIe dynastie, se trouve aujourd'hui dans le Maryland, au "Walters art museum" de Baltimore (n° d'inventaire 54.2135). La notice du musée précise qu'elle constitue : "un élément décoratif qui aurait pu recouvrir la porte ou la partie inférieure d'un sanctuaire en bois".


Quant à sa provenance, il est indiqué qu'elle a été acquise par Henry Walters, avant 1931, auprès de Joseph Brummer, un vendeur d'art américain d'origine hongroise. Son origine "antique", elle, n'est pas renseignée.


Lorsqu'elle a été prêtée au Musée Jacquemart-André de Paris, dans le cadre de l'exposition de 2012 "Le crépuscule des pharaons", Laurent Coulon en a rédigé la notice de présentation… Elle est riche en informations …

Autres exemples de plaques ajourées publiées dans
"Quelques vestiges de mobilier cultuel attribuable aux édifices osiriens des divines adoratrices thébaines
Les plaques de bronze trouvées à Memphis par Daninos" - Laurent Coulon, Égypte. Afrique & Orient 56, 2009


"Comme un grand nombre de plaques ajourées de ce type conservées à travers les musées du monde entier, celle-ci est de toute évidence issue d’une trouvaille réalisée par Albert Daninos, en 1900-1901, à l’est du palais d’Apries de Mit Rahineh (Memphis). Le fouilleur raconte que 'tous les bronzes étaient pêle-mêle, dans un petit espace, au milieu d’une construction en briques crues sans intérêt, à deux mètres de profondeur'. Le lot comprenait, outre des plaques ajourées, des miroirs, des égides et contrepoids de menat et des hiéroglyphes en bronze. Georges Daressy, qui en a publié la partie qui a été transférée au Musée égyptien du Caire, a fait le constat que les représentations et inscriptions étaient en rapport avec le culte thébain et que le cartouche le plus récent était celui d'Amasis, qui a régné à la fin de la XXVIe dynastie. Il supposait dès lors que l’ensemble constituait une part du butin des soldats perses ayant mis à sac et pillé Thèbes sous le règne de Cambyse, au début de la domination perse, ce lot ayant été ensuite cédé à un artisan bronzier de Memphis. Ce scénario est plausible mais invérifiable. A tout le moins l’origine thébaine du mobilier ne fait-elle aucun doute"…


Et il ajoute : "Sur ces objets, les cartouches portant des noms royaux ont été soigneusement arasés, ce qui, pour les XXVe et XXVIe dynasties, laisse ouvert un large éventail de possibilités quant à l’identité du pharaon victime d’une telle damnatio memoriae". 


marie grillot

 

sources :

The Nile God Hapy

https://art.thewalters.org/detail/26826/the-nile-god-hapy/

Isabelle Franco, Dictionnaire de mythologie égyptienne, Pygmalion, 1999

Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte ancienne et ses dieux, Fayard, 2007

Laurent Coulon, Quelques vestiges de mobilier cultuel attribuable aux édifices osiriens des divines adoratrices thébaines : les plaques de bronze trouvées à Memphis par Daninos, Égypte. Afrique & Orient 56, 2009, p. 53-64.

https://www.academia.edu/20270544/_Quelques_vestiges_de_mobilier_cultuel_attribuable_aux_édifices_osiriens_des_divines_adoratrices_thébaines_les_plaques_de_bronze_trouvées_à_Memphis_par_Daninos_Égypte_Afrique_and_Orient_56_2009_p_53_64

Le crépuscule des pharaons - chefs-d'oeuvre des dernières dynasties égyptiennes, catalogue de l'exposition au Musée Jacquemart-André-Paris, du 23 mars au 23 juillet 2012, Fonds Mercator, 2012


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