jeudi 29 avril 2021

La grosse expédition d'Hatshepsout au Pays de Pount


L'expédition au Pays de Pount : bas-relief représentant le couple royal suivi d'un serviteur - calcaire peint
Nouvel Empire, XVIIIe dynastie - Règne d’Hatchepsout, 1490-1470 av. J.-C.
provenant de son temple de Deir el-Bahari (Thèbes ouest) - Musée égyptien du Caire JE 14276


En l'an 9 de son règne, la reine Hatshepsout décide de mener une expédition vers le lointain Pays de Pount. Ce territoire, que Gaston Maspero dénommait "Pouanît", parfois assimilé au "pays des Somalis", est  ainsi "localisé" par le Musée égyptien du Caire : "Ce pays est un endroit situé à proximité de la mer Rouge et du sud de l'Egypte (Sud du Soudan ou Erythrée actuelle)". Quant à Jean-Pierre Corteggiani, il se montre on ne peut plus "consensuel" sur  l'emplacement de cette fameuse contrée : "dont la localisation exacte est encore un problème pour les égyptologues, les uns continuant à la vouloir africaine, les autres la préférant arabique, alors qu'elle est peut-être tout simplement les deux la fois".


L'expédition maritime - composée d'au moins cinq bateaux et chaloupes - est placée sous le haut commandement de Panehsy : elle durera pas moins de trois ans ! Elle peut être qualifiée de "pacifique" et revêt surtout la forme d'un "échange commercial". L'Egypte apporte ses propres "denrées" et objets  "manufacturés" et reçoit, en retour, de l'or, de l'électrum, des peaux de panthère, de l'ébène, de l'ivoire,  des animaux comme singes, girafes, félins, …


A tout cela s'ajoute ce qui est très certainement le plus convoité : le fait de se procurer les fameux arbres à encens, et tout particulièrement le précieux oliban. L"antyou" était utilisé dans les fumigations offertes au dieu Amon-Ré et donc indispensables à la tenue des rituels religieux.

Temple d’Hatshepsout - Djeser Djeserou - Deir el-Bahari - Thèbes ouest


Cette expédition fut sans aucun doute un fait marquant du règne d'Hatshepsout. Ainsi, différents épisodes de ce "périple" furent-ils reproduits sur le portique sud de la seconde terrasse de son temple de Deir el-Bahari, le "Djeser Djeserou".


S'il nous est permis d'admirer aujourd'hui, "in situ" cette "bande dessinée de pierre" composée en majorité de scènes "originales", il convient de rappeler que certains bas-reliefs furent "découpés" et volés à la fin du XIXe siècle. Retrouvés par la suite, ils prirent le chemin du Musée du Caire et furent remplacés "sur place" par des copies.

Scènes de l'expédition au Pays de Pount - Temple de Deir el-Bahari (Thèbes ouest)
Nouvel Empire - XVIIIe dynastie - règne d’Hatshepsout, 1490-1470 av. J.-C.


Il en est ainsi de cette fameuse "scène" qui nous permet de "connaître" les souverains de ce pays de Pount… Ainsi, précise Rosanna Pirelli ("Les merveilles du musée égyptien du Caire") : "Le prince porte des cheveux courts, une longue barbe et un collier à trois pendentifs ; un poignard est glissé sous la ceinture de son pagne; il tient un bâton dans la main gauche". Mais il faut bien avouer que la représentation disons "particulière" de la reine Aty éclipse celle de son époux Parehou, et celle du serviteur qui les suit…


Dans le "Guide du Musée du Caire", Gaston Maspero la décrivait ainsi, sans ambages : "La femme du Prince de Pouanît est représentée comme un amas de chairs monstrueux. On a supposé pendant longtemps qu'il y avait là un cas de stéatopygie, du genre de celui qui fit la réputation de la Vénus Hottentote, puis quand cette hypothèse eut été écartée, on a cru reconnaître dans la reine de Pouanît une variété de naine achondroplasique. Il est admis aujourd'hui qu'elle était atteinte d'une sorte de lordose, dont le type particulier n'a pas actuellement de représentant en pathologie".


L'expédition au Pays de Pount : bas-relief représentant le couple royal suivi d'un serviteur - calcaire peint
Nouvel Empire, XVIIIe dynastie - règne d’Hatshepsout, 1490-1470 av. J.-C.
provenant de son temple de Deir el-Bahari (Thèbes ouest) - Musée égyptien du Caire JE 14276 (photo du musée)


Pour le Musée du Caire : "Aty est représentée avec un corps obèse et difforme. Il est possible que l'artiste égyptien ait décidé de nous la présenter de la sorte car elle souffrait d'éléphantiasis, maladie caractérisée par l'hypertrophie d'une partie du corps. Il se peut également que l'artiste ait quelque peu exagéré afin de réaliser une sorte de caricature, ou imitation comique".


Pour Rosanna Pirelli : "La figure de la reine constitue un cas tout a fait particulier dans l'iconographie égyptienne. Le torse, fortement cambré vers l'avant s'appuie sur des jambes courtes et enflées ; le reste du corps est couvert de bourrelets. La reine, dont la longue chevelure, maintenue sur le front par un bandeau, se termine par une queue de cheval, est vêtue d‘une tunique dont la ceinture est portée très bas sur les hanches ; elle porte des bracelets aux poignets et, autour du  cou, un collier".

Bas-relief de l'expédition au Pays de Pount : représentation de la reine de Pount - calcaire peint
Nouvel Empire, XVIIIe dynastie - règne d’Hatshepsout, 1490-1470 av. J.-C.
provenant de son temple de Deir el-Bahari (Thèbes ouest) - Musée égyptien du Caire JE 14276


Dans leur "Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire", Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian sont très nuancés : "C’est avec réalisme et humour qu’on a traité son épouse au corps difforme. Elle souffrait visiblement d’obésité (on lui reconnaît la maladie de Decrum qui se manifeste par la stéatopygie, l’incurvation excessive de la colonne vertébrale, et les chairs qui débordent sur des poignets et des chevilles restées relativement minces").


Le couple royal fera honneur aux envoyés d'Hatshepsout. Ainsi précise Abeer El-Shahawy ("The Egyptian Museum in Cairo") : "Quand ils ont vu la statue d’Hatshepsout, ils lui ont rendu le plus grand hommage, l’appelant 'le grand roi d’Egypte, la femme au soleil brillant'. Une pile de cadeaux a été déposée devant le chef de Pount pour les Egyptiens"…

Pays de Pount : Arbres au bord d'une rivière représentés sur les murs du temple d'Hatshepsout
Djeser - Djeserou à Deir el-Bahari (Thèbes ouest) 


Sur les navires chargés de l'ensemble des présents, les arbres à encens feront voile vers Thèbes…


Les murs du temple relatent le retour de l'expédition et notamment, comme l'explique, Marcelle Baud : "La procession triomphale du retour au temple d’Amon qui occupe une partie du registre supérieur. Là, les produits sont enregistrés par le dieu Thot lui-même et l’encens mesuré par Hatchepsout en personne".


Ce bas-relief de calcaire peint représentant le couple royal de Pount, suivi de l'un de leurs serviteurs, d'une hauteur de 49,3 cm et d'une largeur de 45 cm, a été enregistré au Journal des Entrées du Musée de Tahrir : JE 14276.


marie grillot

 

sources : 

Relief reine du Pount JE 14276

http://www.globalegyptianmuseum.org/record.aspx?id=15297

Guide du visiteur au Musée du Caire, Gaston Maspero, 1902 , Institut français (Le Caire) 

https://archive.org/details/guidemuseecaire00masp/page/n6/mode/2up (n° 236)

Gaston Maspero, Guide du visiteur au Musée du Caire, 1915 (n°452)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572454w/f29.item.r=bracelet.texteImage#

Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire

Abeer El-Shahawy, The Egyptian Museum in Cairo, Matḥaf al-Miṣrī

Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997

Trading Scenes of Punt

https://old.egypt-museum.com/post/187381087776/trading-scenes-of-punt?fbclid=IwAR2RYiW9dAhKzk9nxLZnaQntRzP6bD5UW74Rla1LT6cwPY-pk-AajDvpwCA

Camillo Di Cicco, Queen of Punt Syndrome, July 18th 2008

https://www.science20.com/scientist/queen_punt_syndrome?fbclid=IwAR0RPlCx5jgzYMg5KNoSrLw3ysfgE61PowfGICILxFRhOCLJnvvS4JasWgk

Jean-Pierre Martin, "La reine de Pount souffrait-elle de Cutis Laxa ?", dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 7 juillet 2014.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire