jeudi 14 janvier 2021

Dans le trésor de Youya et Touya : deux ensembles de vases de calcaire blanc


Ensembles de quatre vases à couvercles de "rosettes"  et de quatre vases à couvercle "animalier" (aquarelle d'Howard Carter)
CG 51103 et CG 51102 - Exposés au Musée Égyptien du Caire
Provenance : Thèbes - Vallée des Rois - KV 46 
Tombe de Youya et Touya découverte en février 1905 par Theodore Monroe Davis pour le compte du service des antiquités

La demeure d'éternité de Youya et Touya a été retrouvée, dans la Vallée des Rois, en février 1905, par James Edward Quibell, lors de fouilles financées par l'américain Theodore Monroe Davis.  Qui étaient-ils pour avoir eu le "privilège" de pouvoir être enterrés dans la Vallée des Rois, nécropole réservée principalement aux souverains ? Pierre Tallet les présente ainsi : "Youya était originaire d'Akhmim en Moyenne-Egypte et portait les titres de 'directeur des écuries royales' et de 'père divin'" ; Touya était 'ornement royal' et 'chanteuse d'Amon'. Il a même été proposé - sans que l'on puisse en apporter la preuve définitive -  que cette famille ait eu des liens de parenté avec Moutemouia la mère du roi".

Ce qui est certain, c'est qu'ils étaient les parents de la grande reine Tiyi, épouse bien aimée du grand Amenhotep III, et par là-même beau-père et belle-mère du grand pharaon qui a régné sur les Deux Terres pendant plus de trente ans. Ils se trouvent ainsi, de fait, être les grands-parents d'Amenhotep IV  - Akhenaton…

James Edward Quibell nous livre ce merveilleux récit de la découverte de la "KV 46", qui avait - soulignons-le - été violée, par trois fois dans l'antiquité : "Imaginez-vous entrer dans une maison qui est demeurée fermée pendant tout l'été, imaginez-vous la pièce étouffante, l'apparence figée et silencieuse des meubles, avec ce sentiment de déranger les occupants fantomatiques des chaises vides, et ce désir d'ouvrir les fenêtres, afin de laisser à nouveau entrer la vie. C'était peut-être cela que nous ressentions le plus fort, alors que nous étions vraiment abasourdis et regardions autour de nous les reliques de la vie d'il y a plus de trois mille ans, presque aussi intactes que lorsqu'elles honoraient le palais du prince Yuaa..." Les momies du couple reposaient à l'intérieur de la tombe, mais avaient été sorties de leurs sarcophages afin d'être plus facilement dépouillées de leurs bijoux. "Les corps étaient si bien conservés qu'ils semblaient simplement endormis et prêts à s'éveiller d'un moment à l'autre. Le vieux couple fixait les visiteurs d'un air paisible…"

La tombe livrera un magnifique mobilier funéraire, des bijoux, des scarabées et des sceaux, de la vaisselle, des instruments de musique, des statues…  Les artefacts seront référencés au Catalogue Général du Musée du Caire sous les numéros allant de 51001 à 51191.

Parmi eux figurent deux séries de quatre vases votifs. De facture très originale, collés sur un support en bois, ils étaient déposés dans l'angle nord-est de la chambre funéraire, là où reposait notamment le grand sarcophage de Youya… Travaillés dans un calcaire blanc, ils forment un ensemble exceptionnel.

- Les quatre vases à couvercle "animalier" au nom de Youya

D'une hauteur de 25 cm, ils constituent, avec leur "morphologie" quasi similaire, un ensemble parfait, tout en harmonie. "Bien que la forme générale des vases soit identique, un pied annelé supportant une panse rebondie surmontée d’un col tronconique, chacun diffère par le décor de son couvercle comme par la disposition et la forme des anses" nous précise Christiane Ziegler.

Effectivement, aucun des vases n'est semblable à un autre : trois sont pourvus d’anses au galbe différent ; la panse de celui qui n'a pas d’anse est ornée d'une tête de bouquetin. Ce type de motif décoratif, qui représente la partie antérieure d'un animal, répond au nom de "protomé" ou de "protome".

Leurs couvercles sont sculptés et chacun prend la forme d'un animal différent. "Le premier en partant de la gauche reproduit une tête de veau tacheté de noir, le deuxième répète la figure du bouquetin qui orne le bec, mais le représente couché, le troisième est décoré d'une grenouille, enfin le quatrième se termine par la tête d'un veau tacheté de rouge."

Pour le vase à bec verseur, l'interprétation de l'animal représenté sur le couvercle diverge, Christiane Ziegler y voit plutôt "un chevreau aux cornes naissantes".  Ainsi conclut-elle " Il semble que toutes ces figures se rattachent au cycle de la survie dans l'au-delà, la grenouille et le chevreau étant des symboles de régénération, les deux veaux des aspects du soleil rajeuni. Cette régénération s'accomplit au bénéfice de Youya dont le nom apparaît dans chaque rectangle jaune d’or peint sur la panse des vases. Il est placé sous la protection du dieu des morts Osiris que mentionne la première colonne de hiéroglyphes : "Osiris, le grand dieu, est satisfait".

Les hiéroglyphes, tracés en noir sur deux colonnes séparées d'un trait rouge, apportent un agréable contraste sur le calcaire blanc.
Ensembles de quatre vases à couvercles de "rosettes" et de quatre vases à couvercle "animalier"
CG 51103 et CG 51102 - Exposés au Musée Égyptien du Caire
Provenance : Thèbes - Vallée des Rois - KV 46
Tombe de Youya et Touya découverte en février 1905 par Theodore Monroe Davis pour le compte du service des antiquités

- Les quatre vases à couvercles de rosettes

La seconde série est composée de deux modèles différents, allant par paire. Deux d'entre eux s'évasent en leur partie supérieure et ont une forme qui s'apparente à un gobelet. Les deux autres, qui se trouvent au centre, sont plutôt arrondis à la base et vont en se resserrant au col. 

Ils sont un peu moins hauts que les précédents, 21 cm : cela s'explique par le fait que les couvercles sont plus plats. 

Ils sont ainsi décrits par James Edward Quibell : "Comme le précédent, il s'agit d'un ensemble de vases factices non utilisés sur un support en bois. Ce dernier est peint en noir avec une bande jaune. Les couvercles sont décorés de rosaces en haut-relief, peintes dans des cercles de jaune, vert, rouge et bleu, avec des lignes jaunes sur fond blanc encerclant le tout. Les inscriptions sont sur fond jaune ; les lignes traçant les colonnes sont rouge".

S'ils ne figurent peut-être pas parmi les objets les plus "précieux" de la tombe, ils ont un charme indéniable et un côté très touchant…

Ils ont été très joliment et artistiquement reproduits par Howard Carter dans une aquarelle qui figure dans l'ouvrage "The tomb of Iouiya and Touiyou : the finding of the tomb". Ils sont exposés au Musée Égyptien du Caire où ils ont été enregistrés au Catalogue Général sous la référence CG 51102 et CG 51103.

marie grillot

sources : 
The tomb of Iouiya and Touiyou : the finding of the tomb, by Davis, Theodore M., d. 1915
Maspero, G. (Gaston), 1846-1916; Newberry, Percy E. (Percy Edward), 1869-1949; Carter, Howard, 1873-1939, published 1907
Catalogue Général des Antiquités Égyptiennes du Musée du Caire - Tomb of Yuaa and Thuiu, Quibell, James Edward, 1867-1935; Egypt. Maslahat al-Athar
L'or des pharaons – 2500 ans d'orfèvrerie dans l'Egypte ancienne, Catalogue de l'exposition de l'été 2018 au Grimaldi Forum de Monaco, Christiane Ziegler
Histoire de la Vallée des Rois, John Romer, Vernal - Philippe Lebaud, 1991
The complete Valley of the kings, Nicholas Reeves, Richard H. Wilkinson, The American University in Cairo Press
12 reines d'Egypte qui ont changé l'histoire, Pierre Tallet
Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Francesco Tiradritti 
Les trésors de l'Égypte ancienne au musée du Caire, National Geographic

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