mercredi 21 mars 2018

La mère et l'enfant...

Vase égyptien représentant une femme tenant un enfant sur ses genoux
probablement de la seconde partie de la XVIII° dynastie
Musée du Louvre - AF 1660 (provenance inconnue ancien N 968)

Toute la tendresse d'une mère à l'enfant… L'amour, l'affection, la douceur, la protection, la bienveillance, tout est là : la "maturité" protégeant "l'innocence"…

La mère est agenouillée, elle est représentée non pas d'une façon que l'on peut qualifier de "grossière" mais plutôt de "stylisée". Son visage est rond, les yeux, travaillés en creux, sont étirés, le nez est épaté et les lèvres charnues. Sa coiffure est très curieuse : l'épaisse masse de cheveux, séparée par une raie centrale, part en un imposant volume vers l'arrière du crâne, alors que deux lourdes et longues mèches tombent, des oreilles jusqu'au coude. 

Sa poitrine est marquée et bien ronde : on peut l'imaginer gorgée de lait. 
Vase égyptien représentant une femme tenant un enfant sur ses genoux
probablement de la seconde partie de la XVIII° dynastie
Musée du Louvre - AF 1660 (provenance inconnue ancien N 968)

Ses longs bras tiennent le nouveau-né. La main gauche, aux doigts curieusement longs, est posée à plat sur le ventre de l'enfant alors que l'autre main repose sur sa petit jambe. 

Quant au bas du corps, il n'y a pas de meilleure analyse que celle de Jean Sainte Fare Garnot décrivant un autre artefact quasi-identique : "Il a été modelé dans le même esprit de synthèse : l'artiste n'a essayé, ni de respecter la justesse des proportions (celles des jambes repliées sous le corps paraissent nettement exagérées), ni d’être fidèle à la vérité anatomique (le mouvement des jambes pliées semble, tel qu'il est figuré ici, difficilement réalisable). La manière dont il a sacrifié les détails peu visibles (les pieds, par exemple) montre qu'il s'est appliqué à créer une impression." 
Vase égyptien représentant une femme tenant un enfant sur ses genoux
probablement de la seconde partie de la XVIII° dynastie
Musée du Louvre - AF 1660 (provenance inconnue ancien N 968)

L'enfant est assis sur le ventre maternel. Son torse semble dressé vers l'avenir, ses mains prennent appui sur les bras qui le tiennent. Sa tête est bien calée entre les seins de sa mère. Son visage, très rond et presque sans cou, est empreint de douceur. Ses yeux, son nez, sa bouche ne sont que délicatement esquissés pour, sans aucun doute, exprimer son si jeune âge. 

Nous ne sommes pas en face d'une "statue", mais d'un "vase anthropomorphe" qui était destiné à contenir - dans un but médicinal - du lait maternel. 

L'étude de Jean Sainte Fare Garnot mentionnée plus haut et consacrée à "Deux vases égyptiens représentant une femme tenant un enfant sur ses genoux" (objets se trouvant dans d'autres collections), amènera Christiane Desroches Noblecourt à se pencher sur celui-ci, exposé à Paris, au musée du Louvre, sous la référence AF 1660 (provenance inconnue ancien N 968).
Vase égyptien représentant une femme tenant un enfant sur ses genoux
probablement de la seconde partie de la XVIII° dynastie
Musée du Louvre - AF 1660 (provenance inconnue ancien N 968)

C'est ainsi qu'elle nous apporte les précisions suivantes sur l'aspect de l'objet : "Il s'agit d'un vase en terre cuite rose, dégradée, laquelle primitivement présentait une surface luisante, couleur corail. Le col du vase et son anse ont disparu en laissant cependant des traces visibles. Le corps de la femme est brisé en deux et a été recollé."

Et, de son analyse fort intéressante, documentée et détaillée sur le "rôle" de ce type de pot, nous retenons les éléments suivants : "Les pots à l'image d'une femme tenant un petit garçon pouvaient, évidemment, par leur aspect plastique même, indiquer un contenu en accord avec l'idée qu'ils traduisaient : le lait d'une femme venant de mettre un enfant mâle au monde."

En effet, "l'allaitement naturel constituait certainement aussi le meilleur garant contre la maladie et l'on sait qu'un enfant 'au sein' est bien moins fragile qu'un enfant sevré. Le lait de sa mère, - ou de la nourrice, - 'mou bezaou', l'eau de protection des textes égyptiens, porte en lui l'antidote de bien des affections et immunise quasiment le nouveau-né, pendant toute la période de l'allaitement."

Ainsi, "il faut rappeler que le lait de femme a joué pendant très longtemps un grand rôle dans les traitements médicaux. Hippocrate et Pline, parmi tant d'autres, nous en ont laissé des témoignages écrits".

La mère protectrice n'est donc pas - mais nous n'en doutions pas ! - "qu'une simple image”…
Exemples de pots anthropomorphes dans d'autres musées :
Figure vase in the form of a woman and child New Kingdom, mid-Dynasty 18 Museum of Fine Arts Boston n° 1985.336
Bottle in the Form of a Mother and Child Brooklyn museum n° 61.9

Ces pots, dont il existe plusieurs "séries" disséminées dans de nombreux musées, dateraient du Nouvel Empire, probablement de la seconde partie de la XVIII° dynastie "au moment où l'influence amarnienne, émancipatrice et révolutionnaire, était encore sensible"…

marie grillot

sources :
Pots anthropomorphes et recettes magico-médicales dans l'Égypte ancienne, Christiane Desroches Noblecourt, Revue d'égyptologie 9, 1952
Deux vases égyptiens représentant une femme tenant un enfant sur ses genoux, Mélanges d'archéologie et d'histoire offerts à Charles Picard à l'occasion de son 65e anniversaire, Jean Sainte Fare Garnot
Revue archéologique, Paris, 1949

Maternité et petite enfance en Égypte ancienne, Amandine Marshall, éditions du Rocher, décembre 2015

Bottle in the Form of a Mother and Child (Brooklyn Museum
Mother and child sculptures
Figure vase in the form of a woman and child (Museum of Fine Arts - Boston)

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