mardi 2 janvier 2018

Le magnifique portrait d'une dame du Fayoum

Portrait d'une dame du Fayoum (IIème siècle)
découvert par William Matthew Flinders Petrie en 1888 à Hawara
 British Museum - EA74706

Ce portrait du Fayoum est un véritable tableau ! La pose est étudiée, le regard est expressif et attentif, le soin apporté au rendu du vêtement, la précision avec laquelle sont reproduits les bijoux, et le fond gris sur lequel le tout est peint, révèlent un grand art. 

Peint sur une fine (0,15 cm) planchette de bois de tilleul, d'une hauteur de 38,2 cm et d'une largeur de 20,5 cm, il représente une dame qui a vécu dans le Fayoum au tout début de notre ère, plus précisément au 2e siècle.

Elle est légèrement de trois quarts. Ses grands yeux en amande, à la pupille sombre, animés par un point de peinture blanche, semblent nous regarder avec intérêt. Les sourcils, démarrent à la naissance du nez : bien dessinés, il sont très arqués. Les cils, souvent très prononcés dans les portraits du Fayoum, semblent là, presque inexistants. Un trait noir souligne la bordure supérieure de l'oeil, alors que la paupière inférieure est bordée de cernes ombrées.
Portrait d'une dame du Fayoum (IIème siècle)
découvert par William Matthew Flinders Petrie en 1888 à Hawara
British Museum - EA74706

Le nez est droit, plutôt long, les narines discrètes, l'une cependant semblant légèrement plus renflée que l'autre. Les lèvres, teintées délicatement de rose, sont ourlées en leur milieu et fines aux commissures ; elles sont closes et aucun sourire n'est esquissé. Le menton est très marqué, curieusement alourdi par un rond de teinte plus claire.

La forme générale du visage est plutôt allongée ; la carnation est douce et claire : "D'aspect raffiné, la chair ivoire de la femme est légèrement teintée sur les joues, avec des reflets crème sur le nez."

La partie supérieure du front est recouverte d'une multitude de petites boucles. "Les cheveux sont frisés et coupés assez près de la tête, avec des mèches tombant devant les oreilles." 

Les oreilles, bien dessinées, sont ornées de magnifiques boucles qui devaient être très à la mode à cette époque-là, car on les retrouve sur plusieurs autres portraits.
Planche représentant des bijoux retrouvés à Hawara :
certains sont semblables à ceux du portrait
extrait de "Hawara, Biahmu, and Arsinoe" de W.M. Flinders Petrie, 1889

Elles sont en or et serties de trois émeraudes rondes dont l'éclat et la lumière sont rendus par des taches de peinture blanche.

Son cou est joliment orné de deux colliers ras de cou. Le premier : "est serti de longues émeraudes entrecoupées de deux éléments dorés". Quant au second, il est en or, avec de petites améthystes rondes et une grande émeraude centrale, sertie d'or, comme un cabochon. De cette belle émeraude ovale pendent, attachées à une fine chaîne d'or, deux perles brillantes.
Portrait d'une dame du Fayoum (IIème siècle)
découvert par William Matthew Flinders Petrie en 1888 à Hawara
British Museum - EA74706

Notre dame du Fayoum est vêtue d'une tunique aux couleurs somptueuses. Les tons de violet, de parme, de prune, de lilas se mêlent dans un chaud camaïeu, rehaussé par des plis matérialisés par de jolies touches plus claires de rose fané. Le vêtement est : "apparemment drapé pour tomber de l'épaule gauche ; la ligne de la draperie est visible sous un manteau de teinte légèrement plus sombre. Les deux vêtements sont confectionnés dans une fine étoffe."

Ces portraits n'étant jamais signés, les artistes demeurent anonymes et l'on sait, par des sources littéraires : "que beaucoup de peintres étaient itinérants". On ne doute pas que celui qui a réalisé celui-ci avait un énorme talent et maîtrisait parfaitement : "l'utilisation très sophistiquée de la couleur sur un fond gris".

Il faut rappeler qu'à cette époque, après avoir été grecque, l'Égypte est devenue romaine… et cosmopolite : Égyptiens, Grecs et Romains se mêlent. Les nouveaux "maîtres du pays" ont adopté les coutumes funéraires de l'Égypte pharaonique et les Romains ont introduit l'art du portrait.
Portrait d'une dame du Fayoum (IIème siècle)
découvert par William Matthew Flinders Petrie en 1888 à Hawara
British Museum - EA74706

Peint du vivant du modèle, il était, lors de la momification, placé sur le visage du défunt (ou parfois déposé tout à côté). Le support est, le plus souvent, une planche de bois (tilleul, figuier, cèdre ou sycomore) qui a été préalablement lissée et enduite. 

L'esquisse est ensuite exécutée en rouge ou en noir. "Puis le portrait était réalisé au moyen de pigments minéraux et végétaux liés avec de la cire chauffée (encaustique), ce qui permet un travail lent et minutieux se traduisant par de petites touches rapprochées pour le visage, le cou et la coiffure, le vêtement étant en revanche traité à larges coups de brosse." 

Cette dame, nous n'avons aucun doute sur cela, appartenait à une classe aisée car seuls les plus fortunés pouvaient s'offrir des rituels funéraires de qualité.

Ce portrait a été découvert par William Matthew Flinders Petrie, lors de fouilles menées, dès 1888, à Hawara. Ce sont alors plus de 1000 portraits qu'il mettra au jour dans cette immense nécropole de l'élite d'Arsinoé.

Auparavant à la National Gallery, il est exposé, depuis 1994, au British Museum sous le numéro d'inventaire EA74706

marie grillot

sources :
Ancient Faces, Mummy Portraits from Roman Egypt, Susan Walker & Morris Bierbrier, British Museum Press, 1997
Portraits de l'Égypte romaine, RMN, 1998
L'apostrophe muette - Essai sur les portraits du Fayoum, Jean-Christophe Bailly, Hazan, Paris, 1997

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