Ces bracelets d'or, de type manchette, d'une hauteur approchant les 6 cm, sont d'une esthétique et d'une élégance qui ne peuvent qu'attirer notre regard et nous séduire.
Rigides, ils sont composés de deux parties articulées qui sont assemblées au moyen d'une tige en or fixée dans une charnière. Le même système est adopté pour ouvrir ou fermer le bijou : il consiste en une tige coulissant dans les fins "tubes en quinconce qui forment la charnière".
Les bracelets sont travaillés selon la technique du cloisonné. Entre les bandes verticales d'or en relief sont intercalées des bandes, légèrement en creux, qui sont incrustées de petites plaques horizontales de pierres de couleurs différentes. "Ces incrustations sont nervurées pour reproduire quinze rangs de perles cylindriques qui prennent place entre des barres d'espacement dorées" analyse Cyril Aldred dans "Jewels of the Pharaohs". Ainsi se succèdent une bande de cornaline, une bande d'or, une bande de turquoise, une bande d'or, une bande de "fritte" bleue, etc… Cette ronde "séquentielle", rythmée et colorée, conjuguant la majesté de l'or et la finesse des pierres, engendre douceur et harmonie.
A l''intérieur se trouvent "des inscriptions hiéroglyphiques magnifiquement gravées et disposées symétriquement de part et d'autre d'une charnière. Elles énoncent la titulature de l'époux des trois reines, le pharaon Thoutmosis III", précise Christiane Ziegler dans "Reines d'Egypte".
Les trois reines dont il est question sont 'généralement' nommées sous le terme générique des "épouses étrangères de Thoutmosis III". Elles se nomment Menhet, Mertet et Menouay, mais leur identité exacte, de même que leur nationalité demeurent encore mystérieuses. Ont-elles été "données", "offertes" à pharaon afin d'asseoir, de pérenniser les relations entre le pays d'où elles venaient et l'Égypte ? Et ce pays d'origine, quel est-il ? Herbert Eustis Winlock avance l'hypothèse qu'elles étaient peut-être des "filles de vassaux syriens".
Elles ont été inhumées, ensemble, dans une sépulture "commune", située sur la rive ouest de Louqsor, au sud de l'actuel monastère copte "Deir el-Mohareb" : la tombe 1 "Wadi Gabbanat el-Qurud, Wadi D". Cet endroit doit son nom au fait que des tombes de singes y ont été découvertes. C'est un lieu grandiose, totalement minéral : "Cette vallée, des plus pittoresques, est bordée de chaque côté par d'énormes falaises creusées dans le calcaire du 'crétacé' qui s'élèvent à des hauteurs vertigineuses" précise Christine Lilyquist dans "The Tomb of Three Foreign Wives of Tuthmosis III".
C'est au cours de l'été 1916 que des habitants de Gournah (le village proche) qui étaient à la recherche d'antiquités, ont découvert la sépulture dans un "canyon" d'un accès très difficile. Cet hypogée inviolé s'avérera receler un véritable trésor. Si les objets en bois n'ont pas supporté les inondations successives, les bijoux, les ceintures, les vases canopes, les sandales, les vases, les miroirs et autres objets de toilette, etc., sont autant de témoignages de la magnificence du trousseau funéraire des épouses.
Les "pilleurs", qui étaient au nombre de 8 ou 9, se partageront le fabuleux butin. Certains iront même jusqu'à "ré-enterrer" quelques pièces trop importantes afin de pouvoir les vendre lorsque les temps se feront plus difficiles…
Cependant, quelques mois plus tard, la majeure partie des artefacts se retrouve en vente chez Mohamed Mohassib, un antiquaire bien connu sur la place de Louqsor.
Howard Carter en est informé et se montre très intéressé. Au cours de l'été 1918, grâce à l'argent avancé par Lord Carnarvon, il engage les tractations pour l'acquisition de ces pièces.
Il apparaîtra ensuite que l'achat était commandité par le Metropolitan Museum of Art de New York qui lui rachètera cette collection pour enrichir son département d'antiquités égyptiennes récemment ouvert.
Le musée veillera ensuite à rassembler les pièces disséminées du trésor des épouses afin de le reconstituer.
Ce sont six bracelets (trois paires) comme ceux-ci, ou légèrement semblables, découverts dans la tombe qui rejoindront le MMA. Ils y sont entrés en 1922, via le Fletcher Fund, et sont référencés de 26.8.125 - 26.0.127 (ceux qui sont présentés) à 26.8.130.
La beauté de ces bijoux, leur magnifique facture, nous prouvent une nouvelle fois, le raffinement mais aussi la maîtrise qu'avaient atteints les orfèvres de la XVIIIe dynastie…
marie grillot
sources :
Hinged Cuff Bracelet
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/548513
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/548514
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/545163
Cyril Aldred Jewels of the Pharaohs ed Thames & Hudson Ltd. Londres, 1978
http://uu.diva-portal.org/smash/get/diva2:232265/FULLTEXT01.pdf
Thomas Garnet Henry James, Howard Carter, The path to Tutankhamun, TPP, 1992
https://archive.org/stream/HowardCarterThePathToTutankhamunBySam/Howard+Carter+The+Path+to+Tutankhamun+By+Sam_djvu.txt
Christine Lilyquist, James E. Hoch, A. J. Peden, The Tomb of Three Foreign Wives of Tuthmosis III, The Metropolitan Museum of Art, New York, 2003
https://books.google.fr/books?id=V1Aj5LRDGdcC&pg=PA186&lpg=PA186&dq=Lila+Acheson+Wallace+Fund+gift+MMA&source=bl&ots=0SIdBmdzGB&sig=24knFvBc9hJcphaPweeFHKiSxpI&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjhnuHav4fNAhVHWhoKHbOeB8UQ6AEIHDAA#v=onepage&q=Lila%20Acheson%20Wallace%20Fund%20gift%20MMA&f=false
https://archive.org/stream/TheTombofThreeForeignWivesofTuthmosisIII/TheTombofThreeForeignWivesofTuthmosisIII_djvu.txt
Christiane Ziegler, Reines d'Egypte, Somogy éditions d'art, Grimaldi Forum, 2008
Christian Leblanc, Reines du Nil, Bibliothèque des introuvables, 2009
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