La Vallée des Reines ("Ta set Neferou") - qui s'étend en léger contrebas de la grotte sacrée d'Hathor - est la nécropole des princes, princesses et reines des XVIIIe, XIXe et XXe dynasties. Des 98 sépultures dénombrées aujourd'hui, la plus belle d'entre elles, la plus renommée, la plus célèbre est, sans doute aucun, celle de Nefertari.
Grande épouse royale de Ramsès II, d'une beauté éclatante, elle était parée de titres éloquents. "À la cour d'Égypte, on l'appelait 'Mout la Belle' ou encore 'Mout la Divine', mais son véritable nom était Nefertari. On le traduisit par "Celle qui appartient à la Beauté", "Sa belle", "La plus belle de toutes", "La plus belle d'entre elles" ou tout simplement "La plus belle" rappelle Christian Leblanc dans l'introduction à son ouvrage "Nefertari, l'aimée-de-Mout".
Les circonstances de sa disparition ne sont, à ce jour, pas élucidées : "Nous ne savons bien sûr rien des causes du décès de la reine, pas même l'âge auquel elle est morte puisque sa momie n'a jamais été intégralement retrouvée" reconnaît l'égyptologue. "Ce que nous pouvons dire, c'est qu'elle quitta le monde des vivants entre l'an 24 et l'an 26 du règne de Ramsès II".
Son royal époux avait ordonné le creusement de sa demeure d'éternité du côté droit du ouadi principal de la nécropole, près de celle de sa mère, la reine Touy (QV 80). Elle est, en tous points, à la hauteur des superlatifs attribués à la reine, si belle et si sublime, qu'elle constitue le joyau de Ta Set Neferou…
Une volée de dix-huit marches nous mène à l'antichambre pourvue de banquettes destinées à recevoir les offrandes… Toutes les scènes de cette pièce sont des illustrations du Livre des Morts : emplies de symbolique, elles ne cessent de nous interpeller…
L'un des tableaux les plus célèbres est celui représentant la reine, assise sur un magnifique siège, un sceptre à la main : concentrée, elle joue seule au senet dont le plateau est placé sur une table devant elle. Lors de sa visite de l'hypogée, André Malraux avait questionné Christiane Desroches Noblecourt sur le sens de cette "partie" solitaire… ; elle lui en avait donné l'explication suivante : "La reine est seule, elle joue contre un adversaire invisible son destin, son passage et doit gagner contre tous ceux qui pourraient s'opposer à son cheminement"…
La pièce se prolonge vers la droite par un vestibule et une petite chambre latérale dont les murs sont recouverts de riches scènes colorées…
"Divinités et génies sont, avec Nefertari, les acteurs privilégiés des compositions murales de la sépulture. Comme dans les temples, leur itinéraire s'organise en fonction de deux axes : l'un royal… l'autre divin… Nous assistons d'abord à son accueil dans l'Autre-Monde, puis à sa progression dans les régions inférieures où elle va devoir affronter nombre d'obstacles, subir maintes transformations, avant de pouvoir accéder, enfin au royaume des élus d'Osiris, prélude à sa transfiguration"... (Christian Leblanc).
Le programme iconographique, d'une richesse et d'une qualité sans égale, vibre de couleurs chatoyantes. On ne peut douter que ce sont les artisans - artistes, les plus doués, les plus compétents de Set Maât, qui ont été choisis pour accomplir de telles merveilles, avec la consigne évidente de faire perdurer pour l'éternité, sa majestueuse image. Sur plus de 500 m², la noblesse est là, la féminité affleure, la beauté rayonne, exprimée, sublimée, dans des scènes peintes dans le goût le plus exquis… "Des figures aux couleurs vives, des hiéroglyphes raffinés, semblent jaillir du fond blanc immaculé" s'émerveille Kent Weeks !
En se dirigeant cette fois-ci "vers le sud, un second escalier mène à la chambre funéraire, plus vaste, dotée de quatre piliers. Le plafond est décoré d'étoiles et les murs reproduisent les chapitres 144 et 146 du Livre des morts. La paroi la plus au nord montre Nefertari face à Osiris, Hathor et Anubis, les dieux protecteurs de l'au-delà" (Pierre Tallet, "12 reines d'Egypte").
Dans cette chambre sépulcrale - au centre de laquelle se trouvait le sarcophage malheureusement en partie disparu aujourd'hui -, la reine est représentée sur six côtés des piliers en présence de divinités protectrices. Les autres faces sont ornées de piliers-djed aux couleurs vives qui sont une pure splendeur, ou encore de divinités vêtues avec une élégance qui s'observe jusque dans les moindres détails.
Chaque représentation de la reine enchante par sa grâce et sa distinction. Magnifiquement maquillée, ses grands yeux cernés de kohol, c'est un hymne à la beauté - et peut-être à l'amour ? - qui se décline dans chaque tableau…
Ses tenues raffinées, au fin lin blanc plissé parfaitement rendu, sont agrémentées de ceintures dans les tons ocre-rouille, dont les délicats pans gaufrés ajoutent une note supplémentaire de charme …
Elle est toujours "divinement" coiffée, le plus souvent de la perruque tripartite surmontée de la dépouille de vautour, elle-même surmontée d'un mortier sur lequel reposent deux hautes plumes de couleur or à la base desquelles se trouve le disque solaire.
Ses bijoux sont d'une féminité absolue : colliers à plusieurs rangs, bracelets, boucles d'oreille en forme de serpent ou d'ombelle, etc … Une émotion toute particulière nous étreint à la vue du signe "shen" - qui symbolise l'éternité - accroché à la dépouille de vautour, ou encore à celle de ce charmant œil-oudjat délicatement tatoué sur son avant-bras…
La grande épouse royale traverse vaillamment, avec autant d'élégance que de sérénité, les multiples épreuves qui doivent lui permettre d'accéder à l'Autre Monde… "Synthèse de l'ensemble du programme décoratif de la tombe QV 66, le soffite de la porte d'entrée montre le disque solaire qui émerge de l'horizon oriental, symbolisant la solarisation de la reine et la finalité du parcours, qui n'est autre qu'un nouveau départ, l'accès à une vie 'augmentée'" (Florence Quentin, "Les grandes souveraines d'Egypte").
C'est à la Mission archéologique du musée de Turin, dirigée par Ernesto Schiaparelli et Francesco Ballerini, que l'on doit, le 10 février 1904, la découverte de cette tombe. Mais, signe d'un pillage, la porte qui devait protéger la sépulture avait été ouverte dès l'antiquité… "Des déblais avaient glissé, pénétré dans la première salle et ce remplissage atteignait presque le plafond" rapporte Ernesto Schiaparelli. Le sol de la tombe est entièrement recouvert de boue solidifiée…
Du fabuleux et royal trésor qu'elle avait dû abriter, il ne restait que "de rares objets, au milieu de linceuls déchirés, tout montrait à quel point le viol et le saccage avaient été systématiques". Les pilleurs n'ont laissé que "des scarabées, des fragments du couvercle du sarcophage en granit, et des fragments d'un couvercle de cercueil en bois doré. Une trentaine de "chaouabtis", de nombreux tessons de poterie… Une des niches ménagées pour les briques magiques dans la chambre funéraire contenait le pilier-djed en bois cloisonné avec incrustation de pâte de verre qui avait, un jour, décoré la brique. Il est inscrit au nom de la reine Nefertari… Enfin pour finir, humble mais émouvant objet délaissé par les pillards, une paire de sandales en corde…"
La tombe de Nefertari lors de sa découverte par Ernesto Schiaparelli et Francesco Ballerini (Mission archéologique du musée de Turin) en 1904 - photo d'archive |
Quant à la momie de la reine, il est navrant de relater que seuls les deux genoux ont été retrouvés. A-t-elle, dans des temps troublés, été mise à l'abri dans une cachette royale, l'équivalent de la DB 320 pour les reines de la Set Neferou, ce qui nous laisserait l'espoir de revoir un jour la belle souveraine ?
Dès 1950, des mesures ont été prises pour sauvegarder, consolider et restaurer cette tombe référencée QV (Queens Valley) - VdR (Vallée des Reines) 66. La mission la plus importante a été menée par le Getty Conservation Institute de Los Angeles, de 1987 à 1992. Elle est actuellement ouverte au public MAIS avec un ticket d'entrée spécial et une durée de visite limitée à 10 mn. Il est à noter que, dans les années 2010, le Conseil suprême des Antiquités avait émis l'idée d'en construire une réplique, exacte et grandeur nature, qui serait installée à proximité de la Maison de Carter (près de celle de Toutankhamon, déjà existante, et celles, en projet, de Séthy Ier et Thoutmosis III)…
marie grillot
Ernesto Schiaparelli, Esplorazione della "Valle delle Regine" nella necropoli di Tebe (Relazione sui lavori della missione archeologica italiana in Egitto (anni 1903 -1920) 1), Torino 1923
Edouard Naville, Les fouilles italiennes en Égypte, Journal des savants, avril 1926, pp. 157-167
https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1926_num_4_1_5659
Christiane Desroches Noblecourt, La grande nubiade ou le parcours d'une égyptologue, Stock, 1992
John K. McDonald, The tomb of Nefertari, house of eternity, The American University in Cairo Press, 1996
http://www.getty.edu/conservation/publications_resources/pdf_publications/house_eternity.html#download
Christian Leblanc, Nefertari, 'l'aimée-de-Mout', Editions du Rocher 1999
Kent Weeks, La Vallée des Rois, Les tombes et les temples funéraires de Thèbes-Ouest, Gründ, Paris, 2001
Kent Weeks, Guide illustré de Louxor, tombes, temples et musées, White Star Publishers 2005
Christiane Desroches Noblecourt, Le secret des découvertes, Editions Télémaque, 2006
Christian Leblanc, Les reines du Nil, Bibliothèque des Introuvables, Paris, 2009
Pierre Tallet, 12 reines d'Egypte qui ont changé l'histoire, Pygmalion, 2013
Florence Quentin, Les grandes souveraines d'Egypte, Perrin, 2021
La tombe de Nefertari Merytmout - osirisnet
https://www.osirisnet.net/tombes/pharaons/nefertari/nefertari_01.htm
Coperchio del sarcofago della regina Nefertari
https://collezioni.museoegizio.it/it-IT/material/S_5153/?description=NEFERTARI&inventoryNumber=&title=&cgt=&yearFrom=&yearTo=&materials=&provenance=&acquisition=&epoch=&dynasty=&pharaoh=
Sandalo
https://collezioni.museoegizio.it/it-IT/material/S_5160_02/?description=&inventoryNumber=&title=&cgt=&yearFrom=&yearTo=&materials=&provenance=tomba+di+Nefertari+(QV+66)&acquisition=&epoch=&dynasty=&pharaoh=
Amuleto raffigurante il pilastro djed
https://collezioni.museoegizio.it/it-IT/material/S_5163/?description=&inventoryNumber=&title=&cgt=&yearFrom=&yearTo=&materials=&provenance=tomba+di+Nefertari+(QV+66)&acquisition=&epoch=&dynasty=&pharaoh=
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