samedi 15 juillet 2017

Une nageuse + un canard = une ravissante cuiller à fard !

Cuiller en forme de nageuse tenant un canard  - bois et ivoire - XVIIIe dynastie
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - N 1725 b - E 218
par acquisition, en 1852, d'une partie de la Collection Antoine Barthélémy Clot Clot Bey)

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Poncet 

La nageuse, au corps juvénile aux formes parfaites, est entièrement nue. Ses jambes sont étirées dans l'effort qu'elle fait pour fendre l'onde. Sa tête, rapportée sur le corps, est très droite afin de se tenir hors de l'eau. Le visage est beau, le contour des yeux et les sourcils devaient être peints en noir, la bouche est charnue. Elle porte une perruque coiffée en carré court qui était elle aussi, peinte en noir.
Cuiller en forme de nageuse tenant un canard  - bois et ivoire - XVIIIe dynastie
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - N 1725 b - E 218
par acquisition, en 1852, d'une partie de la Collection Antoine Barthélémy Clot (Clot Bey)
Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Poncet 

Ses bras, tendus devant elle, portent un canard, fait dans le même bois, mais dont la tête est en ivoire. Il a le bec allongé, les yeux peu marqués et son cou porte quatre cercles d'ébène qui sont vraisemblablement le signe distinctif d'une certaine espèce. "Le corps de l'animal a été évidé pour y recevoir le fard qui lui était destiné, tandis que ses ailes sont montées sur pivot pour former un couvercle en deux parties que l'on ouvrait en se servant d'un petit bouton situé à l'extrémité de chaque aile" précise Guillemette Andreux dans L'Égypte ancienne au Louvre.
Cuiller en forme de nageuse tenant un canard - bois et ivoire - XVIIIe dynastie
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - N 1725 b - E 218  
par acquisition, en 1852, d'une partie de la Collection Antoine Barthélémy Clot (Clot Bey) 
Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Decamps

Ce qui est appelé le cuilleron contenait et préservait le précieux maquillage. "L'apparence était un élément essentiel en Égypte ancienne et la couleur avait un rôle particulièrement important car elle était considérée comme un être vivant : le terme "youn" signifiait à la fois "couleur" et "caractère d'un être humain". Ainsi, le rouge et l'ocre sont utilisés pour le visage et les lèvres. Pour les paupières, ce sont principalement de la malachite pour le vert ou bien du lapis-lazuli pour le bleu. Il est important de rapporter que : "les fards égyptiens étaient aussi associés au culte divin : largement présents dans la liste des offrandes funéraires, ils contribuaient aux rites qui avaient pour but de préserver les dieux de la mort et de ressusciter les défunts".

Il est également intéressant de souligner que, dans "Notice descriptive des Monuments égyptiens du Musée Charles X, 1827", Jean-François Champollion présente ce qu'il dénommait alors "cuillères à parfums" ou "cuillères boîtes" dans la catégorie : "Ustensiles et instruments du culte public ou privé". Rosellini estimait également que : "ces cuillers pouvaient servir aux usages sacrés, comme aux usages domestiques".
Cuiller en forme de nageuse tenant un canard - bois et ivoire - XVIIIe dynastie
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - N 1725 b - E 218
par acquisition, en 1852, d'une partie de la Collection Antoine Barthélémy Clot (Clot Bey)
Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Decamps

Là où nous voyons une nageuse, certaines interprétations identifient : "la déesse Nout flottant tranquillement avec un oiseau aquatique". Dans l'ouvrage Aménophis III Le Pharaon Soleil, la description qui est faite de cet objet (n° 75 - p. 304), précise que : "Ici l'association de Nout au canard, le sa en égyptien (ou fils), constitue le rébus décrit ainsi sur une chapelle de Toutankhamon : "Ô, fils de Geb… Nout t'a élevé et tu as vu les dieux."

Cette cuiller à fard, d'une longueur de 29,3 cm, date de la XVIIIe dynastie. Cette période a été particulièrement riche en production d'objets de toilette aussi luxueux qu'originaux révélant : "une ingéniosité mise au service de la coquetterie". 

Ainsi, ces beaux objets, qui étaient utilisés au quotidien, accompagnaient-ils également le défunt pour sa vie dans l'au-delà.

Cette cuiller est exposée au Musée du Louvre sous les références E 218 - N 1725 b. Elle y est arrivée par l'acquisition - entre 1851 et 1853 - d'une partie de la collection Antoine Barthélémy Clot. 

Ce médecin français était arrivé au Caire en 1825, à la demande du Pacha Méhémet Ali. Il participera activement à la modernisation du système médical en Égypte, et, en 1831, en signe de reconnaissance de son dévouement, il sera promu au titre de Bey, distinction qu’il ajoutera dès lors à son nom : Clot Bey.
Portrait du Docteur Clot-Bey par Antoine-Jean-Gros - Musée de Grenoble

Au cours des nombreuses années passées au pays des pharaons, il aura le temps de se constituer une importante collection d’antiquités. Cette pratique, qui était à l’époque autorisée, lui a été facilitée par la place privilégiée qu'il occupait auprès du Pacha. "La position élevée qu'occupait ce personnage lui avait permis de recueillir au passage les objets les plus beaux amenés au jour par les recherches journalières des fellahs." ("L'Artiste : journal de la littérature et des beaux-arts" - Ve série - Tome X). Son "cabinet" d'antiques attirait d'ailleurs, au Caire, la curiosité des voyageurs.

Riche de "2678 numéros" sarcophages de pierre et de bois, momies d'animaux, vases, statues, oushebtis, objets de toilette, bagues, colliers, verres, faïences, hampes d'enseignes, sistres, figurines, scarabées amulettes, tissus, nombreux éléments de mobilier funéraire et d'objets de la vie quotidienne, la "Collection Clot Bey" est venue enrichir le département égyptien que dirigeait, depuis 1849, Emmanuel de Rougé. 

marie grillot


sources : 
Cuiller à fard à la nageuse
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010006164
L'Égypte ancienne au Louvre, Guillemette Andreux, Marie-Hélène Rutschowscaya, Christiane Ziegler, Hachette, 1997
Aménophis III Le Pharaon Soleil, Réunion des musées nationaux, 1993
Les objets de toilette égyptiens au Musée du Louvre, Jeanne Vandier d'Abbadie, éditions des musées nationaux, Paris, 1972
Antoine Barthélémy Clot-Bey - un médecin marseillais fondateur de la médecine occidentale en Égypte”, Henri Ruf
Catalogue de la collection d'antiquités égyptiennes du Dr Clot-Bey, Vial (Marseille), 1861
“L'Artiste: journal de la littérature et des beaux-arts” - Ve série – Tome X
Clot Bey, "French doctor" de Méhémet Ali et "collector of Egyptian antiquities" (égyptophile)
Clot Bey, le "French doctor" de Méhémet Ali” (égyptophile)

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