Frank Dillon - “A view of Luxor on the Nile" |
Si, notamment dès la traduction du récit "Les Mille et Une nuits" par le Français Antoine Galland en 1704, l'Orient fait rêver, c'est la Campagne d'Égypte menée dès 1798 par Bonaparte qui ouvrira la voie vers l'éclosion du mouvement orientaliste. Le baron Dominique Vivant Denon, qui était le savant le plus âgé de l'expédition et qui en était certainement l'un des peintres les plus talentueux, est en effet considéré comme le précurseur de ce mouvement.
Denon croquant les ruines de Hieraconpolis, extrait de Vivant Denon "Voyage dans la Basse et la Haute Égypte" (Paris 1802) |
De ce séjour en Égypte, il rapportera un nombre important de croquis et dessins des sites archéologiques. En 1802, il publiera, son "Voyage dans la Basse et la Haute Égypte". Puis, à partir de 1809, paraîtront les merveilleux et riches volumes de la "Description de l'Égypte". L'égyptomanie est là…
Parallèlement, les moyens de transport, comme le train, mais surtout les bateaux à vapeur, facilitent les voyages, l'Orient et le Moyen-Orient attirent. "Au siècle de Louis XIV, on était helléniste, maintenant, on est orientaliste" constate Victor Hugo, dans "Les Orientales".
Ainsi, progressivement, le "voyage en Orient" devient-il une étape importante, voire même un rite initiatique pour les différents artistes en quête de savoir et de découverte d'horizons nouveaux.
Peintres, écrivains, sculpteurs… de nationalité britannique, autrichienne, allemande, italienne, française et même américaine, débarquent au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Terre Sainte, en Syrie, au Liban, en Turquie et bien sûr en Égypte.
Ce sont à ces derniers que nous nous attacherons… et ce sont leurs tableaux que nous accrocherons, chaque jour, à notre galerie d'été.
Qu'ils n'aient fait qu'y passer, qu'ils aient remonté le Nil, ou qu'ils y aient élu domicile, ils ont été séduits par l'Égypte. Ils ont cherché à la comprendre, ils l'ont regardée, aimée. Ils ont su, avec persévérance, avec sensibilité, avec art, avec leurs pinceaux et leurs pigments, en restaurer tout le charme et les couleurs.
Egypt 1910 - "A Cairo street scene Canvas Art" - Augustus Osborne Lamplough |
Des déserts aux sables chauds aux ruelles ombragées de tentures des souks du Caire, des temples encore sous les sables aux brumes du Nil, des voiles des felouques aux paysages grandioses, de la grâce des femmes fellahs puisant l'eau du Nil à l'allure nonchalante des chameaux, des musiciens nubiens aux statues colossales, de la chatoyance des tissus des scènes intimistes au vert des palmiers… l'Orient dont ils avaient rêvé devient, sous leurs pinceaux, une réalité.
Selon leur personnalité, leurs œuvres racontent leur vision de l'Orient. Alors que certains retracent avec fidélité les scènes, d'autres ajoutent une touche de romantisme ou quelques-uns de leurs fantasmes… "L'orientalisme oscille entre l'émotion picturale romantique et la concision du reportage."
Frank Dillon - "The Island of Philae on the Nile" |
Les nombreux croquis et carnets de voyages qu'ils rapportent leur serviront pour restituer ensuite, dans l'intimité de leur atelier, parfois bien des années plus tard des scènes, qu'ils n'avaient eu que le temps d'esquisser.
Beaucoup ressentiront alors le besoin de revenir pour retrouver cette atmosphère, cette ambiance et ces sensations si particulières.
Eugène Fromentin succombera à : "La vallée du Nil, en automne, avec ses grandes lignes étirées, son paysage élargi par la crue, sa tendre lumière et son humide douceur."
Léon Belly s'attachera : "à rendre l'élégance des femmes fellahs qui ont une grâce native, une noblesse de geste, un équilibre parfait".
Robert Talbot Kelly louera un studio au Caire, apprendra l'arabe, puis s'installera avec les Bédouins.
Carl Haag ramènera tant d'objets de son séjour qu'il meublera tout un étage de sa demeure londonienne à la : "mode égyptienne".
Quant à Narcisse Berchère, il a inlassablement : "chanté avec sa palette et son pinceau" ses incomparables monuments, ses monstres énigmatiques, ses hypogées…
Conscient de la grandeur mais aussi de la fragilité des monuments, Frank Dillon rencontrera, en 1888, à Londres, William Flinders Petrie et Wallis Budge afin de les alerter sur l'état de détérioration des temples et des tombes, avec pour témoignage ses propres toiles.
En comment ne pas citer Jean-Léon Gérôme, ce "raconteur en peinture", ou le très renommé David Roberts qui reviendra d'Égypte avec 272 croquis et trois cahiers remplis d'esquisses, ou encore Théodore Frère - Frère Bey - et l’Égypte, devenue sa terre d’adoption "qu’il peindra inlassablement jusqu’à la fin de sa vie"...
C'est avec eux, "les orientalistes", que nous vous invitons à passer cet été en Égypte…
marie grillot
sources :
Les orientalistes peintres et voyageurs, Lynne Thornton, ACR Edition, 1993
Comprendre et reconnaître les mouvements dans la peinture, Patricia Fride R. Carrassat, Isabelle Marcadé, Bordas, 1993
Les peintres orientalistes, Michèle Verrier, Flammarion, 1979
Voyage en Égypte, David Roberts
“L’Orient, géographie imaginaire : les écrivains français et les villes de désir”, par Martine Geronimi
orientaliste.free.fr/biographies/artistes
“La double vue. Sur le voyage en Égypte (1869) de Théophile Gautier” par Sarga Moussa
egypte.f1adc.com
“Les peintres orientalistes français, 4e exposition... [du 16 février au 13 mars 1897, Paris, Galerie Durand-Ruel] : Exposition rétrospective”, par Chassériau (Thédore) 1819-1856
“Le premier congrès international des orientalistes : une création scientifique française”, par Julien Duchâteau
“L’Orient : un rêve occidental” (classes.bnf)
Note : Les tableaux de la galerie de nos "unes" d'été sont spécialement "ré-encadrés" par ÉA
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