Le palais de Aïcha Fahmy, sur l’île de Gezira au Caire, a rouvert récemment ses portes aux visiteurs, après douze années de fermeture due à des travaux de restauration et réhabilitation. Il accueille aujourd’hui des expositions de peintures et sculptures, conformément à la vocation de "Centre des arts" ("Mogammaa al-Founoun") qu’on lui avait déjà attribuée en 1978.
Cet élégant édifice est construit en 1907 par l'architecte italien Antonio Lasciac, tout juste nommé au poste d'architecte en chef des palais khédiviaux, sur commande de Ali Pasha Fahmy, qui sera chef de l'armée égyptienne sous le règne de Fouad Ier. Le palais est destiné à l’une des filles de Ali Pasha Fahmy, la princesse Aïcha.
À la mort de son père, en 1924, la princesse rachète à ses soeurs leurs parts de l’héritage afin d’en devenir, pour un montant de 72.000 livres, l’unique propriétaire. Avec l'artiste Youssef Wehbi qu’elle vient d’épouser, elle y résidera de nombreuses années.
Courtesy of "El-Beit Magazine", via "Cairo Scene" |
Le palais est un "mélange de styles" - baroque, rococo, Art nouveau - , selon les goûts de l’époque, avec un désir d’ouverture sur l’Europe. Il occupe un espace total de plus de 2.700 mètres carrés, comportant 30 chambres, deux grandes salles et un sous-sol richement ornés. Aujourd’hui encore, suite aux travaux de restauration : "chaque pièce du palais a son style particulier, remarque Soheir Fahmi, dans un article d’ "Al-Ahram Hebdo" du 31/05/2017. Les tentures de couleurs différentes tapissent les pièces, quelquefois abîmées à cause des marques du temps ; elles ont été restaurées en gardant leur texture originale.
Cliché Hossam Manadily |
Dans les deux étages du palais, à part la mezzanine, les vitraux demeurent des oeuvres d’art de toute beauté. Chaque pièce a un style différent qui a été respecté. Même les salles de bains immenses ont gardé toute leur splendeur, avec notamment la pièce qui leur est annexée, offerte à Aïcha Fahmy par les Japonais. Le mobilier n’y est plus, mais les cheminées sont présentes ; elles nous rappellent la chaleur d’un lieu où il faisait bon vivre."
En 1958, en vertu d’un décret présidentiel, le palais est exproprié, et devient propriété de la République. Il passera dès lors sous la tutelle successive de diverses administrations : ministère de la Culture (Tharwat Okasha, premier ministre de la Culture égyptien, y installera son bureau), ministère de l'Information, département des arts visuels du ministère de la Culture… Après de longues procédures juridiques visant à finaliser l’expropriation et les dédommagements dus (une décision de justice rendue lors d'une audience le 25 septembre 2007 en détermine le montant à 71.381.250 LE), la destination définitive du palais se précise. Sous la direction de l’artiste Ahmad Fouad Sélim, il sert de cadre à d’importantes expositions d’oeuvres d’artistes égyptiens ou étrangers, dont Picasso et Dali. Puis il est prévu de le transformer en musée des bijoux de la famille de Muhammad Ali, mais cette décision n’est finalement pas mise en oeuvre, et la précieuse collection prendra le chemin d’Alexandrie en 1986.
Courtesy of "El-Beit Magazine", via "Cairo Scene" |
Ce nouveau "complexe artistique" voit toutefois son état se dégrader : la façade a besoin d’un bon ravalement ; les espaces intérieurs subissent les effets de l’humidité, de la rouille, de la poussière, en plus de la présence d’hôtes indésirables (insectes, mites…) qui y ont élu domicile. Ses portes sont fermées en 2005.
Pour cause de volume et de complexité des travaux de réparation à effectuer sur les fondations, les tentures, les plafonds et les murs très endommagés, ainsi que d’événements (la Révolution du 25 Janvier 2011) ralentissant l’activité économique du pays, le processus de rénovation se déroulera sur une douzaine d’années. Le défi était à la fois technique et esthétique, comme le souligne l’artiste Ihab Al-Labbane, directeur actuel du centre : il fallait à la fois rendre ce lieu fonctionnel, compte tenu des contraintes des manifestations artistiques, tout en respectant sa beauté originelle, son âme en quelque sorte… "Nous avons finalement opté pour des cloisons légères en bois, placées dans des endroits spécifiques qui permettent d’admirer les peintures exposées, sans affecter la splendeur des lieux." (cité par Soheir Fahmi)
Le palais transformé en Centre des arts |
Empreint d’une nouvelle jeunesse, sans avoir perdu le charme de ses origines, le palais de la princesse Aïcha Fahmy est désormais ouvert aux artistes, jeunes ou plus chevronnés, ainsi qu’à des rencontres musicales. La rénovation a coûté plus de 30 millions de LE, mais c’est : "un choix réussi, conclut Soheir Fahmi, qui permet de faire une visite exceptionnelle dans le monde de l’art et dans l’histoire d’un lieu à la saveur d’antan. Une évasion qui ne peut être que bénéfique pour les citadins du Caire." Et, qu’on nous permette d’ajouter : pour les nombreux visiteurs et touristes étrangers…
Marc Chartier
sources :
“King Farouk Inspired Palace in Egypt Opens After 15 Years of Renovation” (Al-Bawaba)
“Restored Aisha Fahmy Palace ready to host exhibitions” (Al-Ahram)
“Le palais de Aïcha Fahmi retrouve sa splendeur” (Al Ahram Hebdo - Soheir Fahmi - 31-05-2017)
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