samedi 17 juin 2017

La patère aux nageuses, une marque de reconnaissance de Psousennès Ier au Général Oundebaounded



Patère aux nageuses du Général Oundebaounded - or et argent - XXIe dynastie
découverte dans son tombeau (NRT III) à Tanis en 1946 par Pierre Montet et son équipe
exposée au Musée Egyptien du Caire - JE 87742

Cette patère, d'un diamètre d'à peine plus de 18 centimètres, est dotée d'un fond plat et d'un bord droit de deux centimètres et demi. Elle est en argent, mais l'orfèvre a eu la sublime idée de recouvrir le disque central d'une feuille d'or. La couleur chaude de l'or, sa lumière, côtoient ainsi très avantageusement l'aspect mat de l'argent qui, avec le temps, a pris une douce patine gris-vert. Son décor se décline en trois parties.
Patère aux nageuses du Général Oundebaounded - or et argent - XXIe dynastie 
découverte dans son tombeau (NRT III) à Tanis en 1946 par Pierre Montet et son équipe
exposée au Musée Egyptien du Caire - JE 87742 - Dessin publié par Pierre Montet dans "Vases sacrés et profanes du tombeau de Psousennès"

En son centre, s'épanouit une belle rosace dont le pistil est symbolisé par un clou en or. Douze pétales cloisonnés d'or la composent : quelques alvéoles sont désormais vides, la cornaline, la turquoise et le lapis-lazuli qui les remplissaient ont quasiment disparu.

La rosace, qui apparaît comme "enchâssée", est magnifiée par trois cercles concentriques rapprochés. Celui du centre est fait de petites granulations ou perles, très serrées, travaillées au repoussé.

Sur la surface du disque d'or central est sculptée une magnifique scène qui a donné son nom à cet artefact ... Quatre nageuses, sveltes et féminines, jouent dans une pièce d'eau. Entre les nénuphars et les poissons, elles essaient d'attraper des canards. La scène est pleine de vie : il ne manque que leurs rires, le clapotis de l'eau, le chant des oiseaux et le souffle léger du vent… 
Patère aux nageuses du Général Oundebaounded - or et argent - XXIe dynastie 
découverte dans son tombeau (NRT III) à Tanis en 1946 par Pierre Montet et son équipe
exposée au Musée Egyptien du Caire - JE 87742

Pierre Montet, qui est à l'origine de la découverte, explique ainsi la scène, comme s'il avait eu le plaisir d'y assister : "Le disque d'or a été décoré au repoussé de quatre nageuses affrontées deux par deux qui évoluent parmi les poissons, les oiseaux, les nénuphars. Les nageuses se rassemblent le plus naturellement du monde en poursuivant les oiseaux d'eau. Sur une scène la nageuse la plus agile saisit sa proie avec les deux mains, par le cou et par les pattes. Sa compagne arrivée trop tard tend vainement les mains sans rien attraper. Du côté opposé, la nageuse de droite ayant saisi l'oiseau par le cou avec une seule main écarte de l'autre sa rivale. Les quatre nageuses sont vêtues d'un collier à plusieurs rangs, de bracelets, d'une mince ceinture placée juste au-dessus du pubis et de deux chaînes de grosses perles qui se croisent sous les seins. Une des nageuses a confectionné avec ses cheveux un casque rond. Les trois autres ont les cheveux coupés assez court, de façon à ne pas toucher les épaules. Ils sont retenus par un peigne."

Quant aux poissons, ils sont au nombre de cinq. Les trois plus gros sont des chromis. Dans son Dictionnaire de mythologie égyptienne, Isabelle Franco, nous apporte des précisions sur la symbolique associée à ce poisson : "Le soleil lui-même pouvait prendre l'aspect d'un poisson, la tilapia nilotica (le boulti du Nil ou chromis). De couleur rouge-orangée, venant chasser à la surface, le chromis évoquait l'astre sur le point de surgir des eaux primordiales. Dans l'au-delà, le défunt se devait de capturer ces avatars divins afin de s'assimiler aux entités solaires." Les deux autres poissons, plus petits, plus allongés, "pourraient être des mulets". 
Patère aux nageuses du Général Oundebaounded - or et argent - XXIe dynastie 
découverte dans son tombeau (NRT III) à Tanis en 1946 par Pierre Montet et son équipe
exposée au Musée Egyptien du Caire - JE 87742

Les canards sont très bien travaillés et les éléments floraux occupent de façon fort agréable l'espace… Le choix de ce thème aquatique se retrouve assez souvent dans l'art égyptien du Nouvel Empire.

Quant au dernier cercle de la patère, le plus large, il porte en son centre quatre rivets auxquels est fixée une anse qui permettait de la suspendre. Sur les trois quarts de sa surface court une belle inscription hiéroglyphique qui est ainsi traduite : "Le Roi de Haute- et de Basse- Égypte Aakheperra, choisi par Amon, le Fils de Rê, Psousennès Ier offert par le roi au majordome de Khonsou à Thèbes, Néferhotep, le prophète de Khonsou, le général des armées, commandant des archers du pharaon, le chef des prophètes de tous les dieux, le prophète Oundjebaounded justifié, de la maison d'Osiris, seigneur de Mendès.”
Emplacement de la tombe du Général Oundebaounded (NRT III)
découverte en 1946 à Tanis par l'équipe de Pierre Montet


Cette patère a été découverte à Tanis, en 1946 par l'équipe de Pierre Montet, dans le tombeau du Général Oundebaounded. C'est plus précisément Pierre Lézine, un architecte tout nouvellement arrivé au sein de la mission qui remarqua, dans le tombeau de Psousennès Ier - découvert six ans plus tôt par l'équipe -, un endroit particulier où l'épaisseur d'un mur s'avérait anormale… Sous l'œil - tout d'abord sceptique - de ses collègues, il entreprit des sondages complémentaires qui confirmèrent ses intuitions. Les travaux de dégagement débutèrent alors avec précaution. 


Dans "La découverte des trésors de Tanis", Georges Goyon se souvient de ce moment si particulier : "C'est alors qu'apparut une toute petite chambre, sans issue, contenant, intact, comme enchâssé dans son alvéole, un beau sarcophage de granit rose. Les parois de calcaire étaient couvertes de peintures aux couleurs vives figurant des scènes et des inscriptions rituelles". Ce sarcophage se révélera être un "réemploi" : ayant initialement été dédié à un prêtre d'Amon de Thèbes, il avait été modifié par - pour - son nouvel "occupant" : le Général Oundebaounded.

Chambre funéraire d'Oundebaounded découverte en 1946 à Tanis (tombeau n° III)
par l'équipe de Pierre Montet - Archives Montet

Le nom de cette personnalité, de ce proche du pouvoir, n'était pas inconnu des membres de la mission, car plusieurs de ses statuettes funéraires, en bronze et en faïence, avaient été trouvées, dès 1939, près du sarcophage du pharaon Shéshonq. D'autre part, un glaive portant son nom avait également été déposé près de Psousennès.

Georges Goyon nous en dit plus sur le Général : "Ce n'était pas un personnage de sang royal, mais un grand prêtre de Khonsou et Chef des Archers de pharaon. Il était en outre investi du titre important de Supérieur des Prophètes-de-tous-les-dieux, qui nous parut correspondre à celui de ministre des cultes. C'était le roi Psousennès Ier qui l'avait élevé à ces hautes fonctions… Un des ses titres le plus curieux était celui de "Unique-préposé-à-la-louange-des-grands" dont la charge consistait à présenter les titulaires au roi pendant les cérémonies de récompenses."
Masque du Général Oundebaounded - or - XXIe dynastie 
découvert dans son tombeau (n° III) à Tanis en 1946 par Pierre Montet et son équipe
exposé au Musée Egyptien du Caire - JE 87753

Sur son visage se trouvait un magnifique masque réalisé dans une épaisse feuille d'or, ornée d'incrustations en pâte de verre (Musée du Caire - JE 87753).

La momie du Général était entourée de bijoux en or, d'amulettes, de statuettes et de vaisselles précieuses, parmi lesquelles une coupe florale en or (JE 87740) et trois patères. 
Sur le sarcophage du Général Oundebaounded se trouvaient une coupe florale en or (JE 87740)
et ces trois "patères" : une en argent (JE 87743), celle "aux nageuses" en argent et or (JE 87742)
et une en or à rosette centrale de fleurs (JE 87741) - exposées au Musée égyptien du Caire

Celle-ci  la plus "connue" (n° 775 - JE 87742) ; la seconde est en or avec une rosette centrale de fleurs en incrustations de pâtes colorées (n° 774 - JE 87741) ; et enfin une en argent (n° 773 - JE 87743).

A la fin de la mission précise Georges Goyon : "Tous les nouveaux trésors de Tanis furent réunis avant notre départ et transportés au Musée du Caire sous la garde d'une bonne escorte armée".

marie grillot

sources :
Pierre Montet, Vases sacrés et profanes du tombeau de Psousennès, Monuments 
et mémoires de la Fondation Eugène Piot, 1949, Volume 43 
http://www.persee.fr/doc/piot_1148-6023_1949_num_43_1_1982
Pierre Montet, 1 Les constructions et le tombeau de Psousennes à Tanis, CNRS, Commission des fouilles auprès de la Direction générale des Affaires culturelles, 1951
https://archive.org/stream/Montet1951/Montet%2C%20Pierre%20-%201%20Les%20constructions%20et%20le%20tombeau%20de%20Psousennes%20à%20Tanis%20%281951%29%20LR_djvu.txt
Pierre Montet, Les énigmes de Tanis, Syria, Tome 29 fascicule 3-4, 1952, pp. 361-362
https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1952_num_29_3_4794_t1_0361_0000_2
Georges Goyon, La découverte des trésors de Tanis, Pygmalion, 1987
Jean Yoyotte, Tanis l'or des pharaons, catalogue de l'exposition Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 26 mars - 20 juillet 1987, Association Française d'Action Artistique, 1987
Henri Stierlin, Christiane Ziegler, Tanis Trésors des pharaons, Seuil, 1987
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Guide National Geographic, Les Trésors de l'Egypte ancienne au musée égyptien du Caire, 2004
Pharaons, catalogue de l'exposition présentée à l'Institut du monde arabe à Paris, du 15 octobre 2004 au 10 avril 2005, IMA, Flammarion, 2005
Philippe Guizard, Les trésors oubliés de Tanis, Académie des Sciences et Lettres de Montpellier 49, Séance du 9 février 2015
https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/GUIZARD-2015.pdf?fbclid=IwAR3eeAB--_oY1k6EHens1t-0S6r5oJsR6JNjyKJb2PmO27z8uyblFO1qqHI


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