lundi 5 juin 2017

Ahmed Fakhry, égyptologue égyptien, archéologue de terrain

Plan du Temple de la Vallée de la pyramide de Snéfrou ;
la pyramide Rhomboïdale ; Ahmed Fakhry

Ahmed Fakhry naît le 21 mai 1905 au Fayoum. Dès 1928, il obtient son diplôme d'égyptologie à l'Université du Caire, puis il part en 1929 compléter sa formation en Europe : Berlin (avec l’égyptologue et philologue allemand Kurt Sethe), Bruxelles (avec Jean Capart), Liverpool (avec l’égyptologue britannique Eric Peet).

À son retour en Égypte, en 1932, il est nommé au service des Antiquités, au sein duquel il effectuera la totalité de son parcours professionnel, jusqu’à sa retraite. "D’une curiosité insatiable et d’une étonnante résistance", il sera amené à intervenir, comme inspecteur, sur divers sites : Guizeh, tout d’abord, sous la responsabilité de Selim Hassan qui lui apprend l’archéologie "de terrain" (encouragé par Étienne Drioton, il rédige une monographie sur son travail) ; Louxor, où il écrit un article sur les talatats, à partir des blocs décorés qu’il a trouvés à Karnak ; le désert libyque et ses oasis (Siwa, Bahriya et Kharga), où il explore les routes caravanières ainsi que les anciennes mines et carrières. En 1938, il est nommé inspecteur en chef du Delta.
Oasis de Bahriya

Détail anecdotique, mais sans doute révélateur de la personnalité de l’égyptologue : au cours de l'été 1942, alors qu’il vient de terminer ses fouilles saisonnières dans l’oasis de Bahriya, il décide de rester dix jours supplémentaires sur place : "pour faire une étude sur les habitants". C’est alors qu’en apercevant un troupeau de chameaux, il décide de retourner avec ce "moyen de transport" vers la vallée du Nil. L’aventure est risquée, même pour des Bédouins ! De surcroît, il ne trouve, pour son périple, ni selles de chameau, ni ombrelle. Mais en dépit des mises en garde, avec trois chameaux et deux compagnons de route, dont l’un connaissant bien le chemin, il réalise son défi !
Pyramide Rhomboïdale

Après une courte interruption, en 1947, durant laquelle il se rend au Yémen pour y conduire des fouilles archéologiques, il retrouve son activité au service des Antiquités. De 1950 à 1955, il est directeur des recherches aux Pyramides. Il intervient alors sur le site de Dahshour, où il fouille notamment le temple funéraire (temple bas) de la pyramide rhomboïdale. Il en dresse les plans et reconstitue de nombreux bas-reliefs à partir de 1.400 blocs inscrits, statues et stèles retrouvés sur les lieux.
Isometric reconstruction of entrance corridor, statue-cult temple of Snefru, Dahshur.
Drawing by Dieter Arnold after Fakhry 1961

"En 1951-1952, précise Pierre Tallet dans son étude “Les équipes d’ouvriers royaux en Égypte au Moyen Empire”, lors de l’exploration du temple associé à la Pyramide rhomboïdale de Snéfrou, l’archéologue égyptien Ahmed Fakhry découvrit - outre les vestiges du culte royal remontant à l’Ancien Empire - un abondant matériel du Moyen Empire. Toute une série de statues, de stèles, d’autels et de tables d’offrandes montraient que le culte de ce roi, présenté comme une divinité, avait connu un regain d’intérêt à cette époque. L’ensemble des monuments votifs retrouvés témoigne de la présence sur le site d’une communauté sans doute très largement endogène : les inscriptions, qui mentionnent régulièrement la généalogie des dédicants, font apparaître les relations familiales de plusieurs personnages entre eux." (Les régulations sociales dans l’Antiquité, Presses universitaires de Rennes, 2015)
Pyramide de Djedkarê

Ahmed Fakhry poursuivra également à Saqqarah le dégagement du temple funéraire de Djedkarê-lsesi.

En 1952, il est nommé professeur d'histoire de l’Orient ancien à la Faculté des Arts de l'Université du Caire. Pendant son mandat, il effectue, comme professeur invité, de nombreuses missions à l’étranger.

Ces voyages, il les poursuivra, après sa retraite en 1965. Il se rend ainsi aux USA, en URSS, au Mexique où il manifeste son intérêt pour les pyramides locales, en Chine où il effectue un long séjour qui donnera naissance à un manuel d’égyptologie publié en chinois (le seul qui existe !).
Luis Alvarez, Ahmed Fakhry, Jerry Anderson - Pyramid Project

En 1967-1968, il est associé aux recherches, avec la technique des muons, sur la pyramide de Khéphren, l’objectif de cette mission, pilotée par le prix Nobel de physique Luis Walter Alvarez, étant de détecter d’éventuels espaces jusqu’alors non identifiés au coeur de la structure. Cette mission est baptisée ‘Giza Project 1968’ et ‘Join Pyramid Project’, réunissant des experts américains et égyptiens. Le dispositif de recherches est installé dans la chambre funéraire de la pyramide.
Pyramide de Khéphren

Bilan de l’opération, tel qu’il est mentionné dans le rapport publié par les égyptologues et experts : "On peut dire avec certitude qu'aucune chambre, avec des volumes semblables à ceux des chambres connues dans les pyramides de Khéops et de Snéfrou, n’existe dans la masse de calcaire étudiée par l'absorption des rayons cosmiques."

Dans le prolongement d’un ultime voyage aux États-Unis au printemps 1972, qui : "devait être le couronnement de sa carrière de professeur et de chercheur", il fait un crochet par l’Europe. Un accueil très officiel lui est réservé à Bruxelles. Puis, malgré sa fatigue, il tient à se rendre à Paris. Mais, au terme d'une conférence donnée au Centre de recherches égyptologiques de la Sorbonne, il est terrassé par le mal. Voici comment le Bulletin de la Société française d’égyptologie, n° 68, 4e trimestre 1973, relate ses derniers instants : "Sur son lit d'hôpital, il avait eu la joie de se venir voir apporter la notice 'Bahriya' du nouveau 'Lexikon der Aegyptologie' et le premier volume de la nouvelle série qu'il comptait consacrer aux oasis d'Égypte vol. I, 'Siwa Oasis', une élégante synthèse destinée tant aux érudits qu'à un large public. 'Pendent opera interrupta !' C'est ici-même, au coeur de notre quartier latin, que le destin a frappé notre ami, cet homme des chantiers de fouilles et des vastes randonnées à qui étaient si chers sa belle vallée et ses déserts." 

Ahmed Fakhry s’est éteint le 7 juin 1973, laissant à la postérité le résultat de ses recherches archéologiques, confié au Musée égyptien du Caire et au Musée copte, ainsi que des ouvrages de référence consacrés aux pyramides, aux sites désertiques et aux oasis égyptiens. "Dieu (venait de rappeler à lui) celui qui fut un pieux croyant, un patriote ardent, un savant de classe internationale."

Marc Chartier

sources :
The Giza Archives” - Museum of fine arts, Boston
Excavating the Old Kingdom. The Egyptian Archaeologists” (Almedron.com)
“Bulletin de la Société française d’égyptologie”, n° 68, octobre 1973
Dominique Bénazeth, Gawdat Gabra, “L’héritage d’Ahmed Fakhry au Musée copte du Caire : fouilles dans l’oasis de Baharia”, BIFAO 93 (1993)
Selon Ahmed Fakhry (XXe s.), “de tous les problèmes concernant les pyramides, leur construction est le plus déconcertant” (Pyramidales)
The Pyramids”, by Ahmed Fakhry

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