jeudi 4 mai 2017

Une journée en Égypte avec... Gustave Flaubert, la "Description de l'Égypte", Gaston Maspero

Une journée en Égypte avec… Gustave Flaubert (écrivain français, 12 décembre 1821 - 8 mai 1880)
David Roberts - “The Temple Of Kom Ombo”
Voilà le voyage de Nubie fini. La conclusion de celui d'Égypte approche aussi. (...) Maintenant nous redescendons lentement, à l'aviron, ce grand fleuve que nous avons monté avec nos deux voiles blanches. Nous nous arrêtons devant toutes les ruines. On amarre le bateau, nous descendons à terre. Toujours c'est quelque temple enfoui dans les sables jusqu'aux épaules et qu'on voit en partie, comme un vieux squelette déterré. Des dieux à tête de crocodile et d'ibis sont peints sur la muraille blanchie par les fientes des oiseaux de proie qui nichent entre les intervalles des pierres. Nous nous promenons entre les colonnes. Avec nos bâtons de palmier et nos songeries, nous remuons toute cette poussière. Nous regardons à travers les brèches des temples le ciel qui cassepète de bleu. Le Nil coulant à pleins bords serpente au milieu du désert, ayant une frange de verdure chaque rive. C'est toute l'Égypte.” 

(lettre à sa mère, 22 avril 1850, extrait de Un hiver sur le Nil, d’Anthony Sattin, 2015)
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Une journée en Égypte avec… la “Description de l’Égypte” (1809-1822)
La Thébaïde, riche surtout en monuments et en souvenirs anciens, semble vraiment un pays enchanté : c'est l'impression qu'elle produit jusque sur les esprits les moins cultivés. Vingt cités et beaucoup de lieux inhabités offrent au voyageur toujours surpris ces grands édifices, antiques chefs-d'œuvre de l'architecture, non seulement par leurs masses imposantes, leur caractère grave et religieux, mais par leur belle et simple ordonnance, par l'élégante et sage disposition des sculptures emblématiques qui les décorent, et par la richesse inconcevable de leurs ornements, qui ne sont jamais insignifiants.
Thèbes, bouleversée par tant de révolutions, Thèbes maintenant déserte, remplit encore d'étonnement ceux qui ont vu les antiques merveilles de Rome et d'Athènes. Thèbes, à l'aspect de laquelle nos armées, victorieuses de tant de pays célèbres dans les arts, s'arrêtèrent spontanément, en poussant un cri unanime de surprise et d'admiration, Thèbes, célébrée par Homère, et, de son temps, la première ville du monde, après vingt-quatre siècles de dévastation en est encore la plus étonnante : on se croit dans un songe, quand on contemple l'immensité de ses ruines, la grandeur, la majesté de ses édifices, et les restes innombrables de son antique magnificence, qu'on se lasse à décrire. Tous ces grands travaux des Égyptiens, qu'on rencontre à chaque pas, mettent, pour ainsi dire, le voyageur en communication perpétuelle avec ces antiques générations qui firent tant pour la gloire de leur pays, et qui répandirent les lumières et le bienfait de la civilisation dans le reste du monde.


(Extrait de Description de l'Égypte ou recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Égypte pendant l'expédition de l'armée française, publiée par les ordres de Sa Majesté l'empereur Napoléon le Grand, 1812)
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Une journée en Égypte avec… Gaston Maspero (1846-1916)
photo de Bonfils
Si l'on me demandait quelle est, parmi les villes de l'Égypte moderne, celle qui a conservé le mieux la physionomie et les dispositions intimes d'une cité antique, je répondrais sans hésiter que c'est Edfou. Son temple l'annonce à distance, et le voyageur qui remonte le Nil sur sa dahabieh en aperçoit les deux tours longtemps avant d'aborder, comme jadis le pèlerin qui s'y rendait dévotement afin d'adorer le faucon d'Horus. Une heure après qu'on a quitté El-Kab, elles surgissent à peine visibles au-dessus des arbres, puis elles replongent presque aussitôt dans la verdure pour reparaître un peu plus hautes au bout de quelques minutes, et à chaque tournant qui les démasque elles semblent ramener avec elles, en revenant, un peu du décor qui les entoure, le minaret d'une des mosquées, des pigeonniers carrés, deux ou trois pans de murs blanchis, un pâté irrégulier de maisons jaunes et grises, une berge taillée presque droit dans l'alluvion noire, deux ou trois barques, une sakiéh qui égrène au vent nuit et jour sa cantilène grinçante, une zone de blés verts et de fourrages, un faubourg bruyant sorti de terre depuis vingt ans, un canal, un pont de briques et de bois ; enfin le village proprement dit avec ses huttes basses et ses venelles presque désertes. Des chiens trop paresseux pour aboyer après l'étranger sommeillent languissamment du côté de l'ombre. Deux ou trois femmes nous croisent, informes sous leur voile traînant. Une porte s'ouvre avec fracas derrière nous, et des échos de conversations assourdies chuchotent derrière les murs. Deux tours à droite, un tour à gauche, un kouttab qui bourdonne en pleine activité de lecture, un coude brusque, et devant nous, au-dessus de nous, comme autour de nous, le temple se dresse démesuré.
Il était enterré naguère au fond d'un trou où Mariette, l'ayant déblayé, l'avait abandonné hâtivement. Le Service des Antiquités vient d'employer huit années à le dégager de façon plus complète. (...)
L'impression de force assurée, qui empruntait alors beaucoup de sa vivacité à la violence des tons et à la richesse des ornements, résulte aujourd'hui de la seule immensité des proportions, et peut-être n'est-elle pas moins puissante. Nulle part en Égypte, ni même à Karnak, on ne comprend mieux ce que les Pharaons voulaient dire, lorsqu'ils se vantaient d'avoir fondé des monuments de pierres éternelles en l'honneur des dieux.
” 

(extrait de Ruines et paysages d'Égypte, 1910)

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