dimanche 14 mai 2017

Le Onze des Pharaons, d'hier à aujourd'hui : "Tahya Misr !"

L’équipe nationale égyptienne de football en 1920 et aujourd’hui

Le football est aujourd’hui devenu comme une seconde nature pour de très nombreux Égyptiens. À l’échelon local, comme sur tous les terrains fréquentés par les supporters du ballon rond, ils défendent les couleurs de "leur" équipe : al-Ahly, Zamalek ou autres clubs de la vallée du Nil… au risque d’enfreindre parfois les limites du ‘fair play’ ou du 'fighting spirit'. Comment ne pas souvenir de l’émeute du stade de Port-Saïd, le 1er février 2012 (premier anniversaire de la ‘bataille du chameau’), qui a coûté la vie à 72 personnes et est considérée comme la plus grande catastrophe dans l’histoire du sport égyptien ?

Mais l’union sacrée est de mise lorsque le Onze des 'Pharaon' se trouve engagé dans un match international. Les Salah, Trezeguet et, a fortiori, le vétéran Al-Hadary, gardien emblématique de l’équipe, deviennent alors de véritables héros nationaux, surtout lorsque tremblent les filets de l’équipe adverse et que la victoire est au rendez-vous.

Étant donné qu’il est pour le moins peu probable que le "kourat al-qadam", dans la forme que nous lui connaissons actuellement, ait été inventé par l’Ancien ou le Moyen Empire, quand a-t-il fait son apparition en Égypte ?

On s’accorde à admettre que le football égyptien s’est implanté en Égypte dès le début de l’occupation britannique, dans les années 1880. Le spectacle de soldats anglais pratiquant ce sport, pour eux très populaire, mais inconnu de la population locale, sur une place qui deviendra plus tard le stade d’Alexandrie, attire l’attention des jeunes Égyptiens. Rapidement, ils se mettent à imiter ce qu’ils ont découvert, en pratiquant le jeu dans les rues du Caire, d’Alexandrie et les villes du canal de Suez, lieux de concentration des forces de l’occupation.
Mohamed Zaki Pacha

En 1882, Mohamed Zaki Pacha, ministre de l'Éducation, décide d’introduire les sports, dont le football, dans les programmes scolaires du pays. Le ballon rond ayant dès lors la préférence des élèves et étudiants, la décision ministérielle contribuera fortement à la propagation du football sur le territoire égyptien, avec la création d’équipes scolaires conformes aux règles du jeu. Après avoir été une distraction populaire improvisée dans les rues, loin du regard des parents, le football acquiert un statut plus officiel et devient un facteur de cohésion sociale dans la mesure où il est pratiqué par les jeunes non seulement des familles pauvres, mais aussi de la classe moyenne et des familles aisées.

Cette activité sportive reste toutefois limitée aux quartiers et aux équipes scolaires. La création de clubs en sera la véritable rampe de lancement et contribuera à sa propagation à l’échelon national. Le top départ aura lieu en 1895 : un premier 'team misrî' a été constitué et lance une invitation - un défi ! - à une équipe britannique basée à Al-Abbassiya. La rencontre a lieu et le match se termine par une victoire de l’équipe égyptienne. Il est considéré comme un “moment décisif et exceptionnel dans l'histoire du football égyptien”. Les journaux publient la nouvelle, en lui donnant une portée symbolique, non seulement comme le : "premier match national dans l'histoire du football égyptien", mais comme... une victoire sur l’occupant, préfigurant implicitement la dynamique indépendantiste qui donnera le jour à l‘Égypte moderne.
La sélection nationale égyptienne de football
en 1920 (en bas à g.), 1934 (en haut à dr.), 1936 (en bas à dr.)

Les clubs se succèdent les uns aux autres : Club de Port-Saïd (1902), Club des Chemins de fer (1903), Club olympique d’Alexandrie (1905), Al-Ahly Sporting Club (1907), Club Kasr El-Nil (fondé en 1911 par des expatriés britanniques, il deviendra le Zamalek Sporting Club en 1952), etc. Le 5 mai 1916, les meilleurs joueurs des clubs sont rassemblés pour former une équipe “nationale” qui rencontre une équipe de troupes britanniques : l’équipe égyptienne gagne le match sur un score de 4-2. L’élève n’aura pas tardé à dépasser le maître !

La révolution de 1919, menée par Saad Zaghloul contre le colonialisme britannique, aura une incidence directe sur l’organisation de la pratique du football en terre égyptienne : les adeptes de ce sport entendent, y compris en leur domaine de prédilection, "se débarrasser de l’influence étrangère". Une Fédération égyptienne de football verra ainsi le jour en 1921, puis elle rejoindra la Fédération internationale de football (FIFA) en 1923, l'Égypte devenant le premier pays arabe et africain à y adhérer. En 1957, l'Égypte sera également l'un des pays fondateurs de la Confédération africaine de football.
Le match Égypte-Portugal en 1928 (J.O. d'Amsterdam)

Les pages de l’album de la Fédération égyptienne de football sont illustrées de matches mémorables, qu’il s’agisse de défaites (par exemple un score de 11 buts encaissés, pour 2 marqués, contre la 'squadra azzurra' le 11 juin 1928), mais surtout de parcours glorieux, dans le cadre de la Coupe du Monde, de la Coupe africaine des nations (CAN) ou des Jeux Olympiques. Concernant cette dernière compétition internationale, l’Égypte était le seul pays africain à y participer en 1924 et 1928. Elle y enregistrera des victoires particulièrement remarquables contre la Hongrie et la France en 1924, ou encore le Portugal et la Turquie en 1928. Elle a même atteint les demi-finales en 1928, terminant finalement à la troisième place du tournoi.

L’Égypte détient le record du nombre de victoires en Coupe d'Afrique des Nations : 7 ‘CAN’ remportées (en 1957, 1959, 1986, 1998, 2006, 2008 et 2010) pour 21 participations sur les 27 éditions. En 2017, elle perd en finale contre le Cameroun.

Au chapitre de la Coupe du Monde, le palmarès de l’Égypte est pour l’instant le suivant : première participation en 1934 en Italie (en huitièmes de finale, la Hongrie barre la route aux Pharaons sur le score de 4 buts à 2) ; deuxième participation en 1990, de nouveau en Italie (l'Égypte tient en échec les Pays-Bas et l'Eire, mais se fait éliminer lors de son match face à l'Angleterre : 1-0). Pour l’édition 2018 qui se déroulera en Russie, l’équipe des Pharaons a gagné ses deux premiers matches des phases éliminatoires, contre le Congo et le Ghana. Il lui reste quatre matches à jouer : deux contre l’Ouganda, et les matches retour contre le Congo et le Ghana. Qu’il nous soit permis de changer la formule rituelle “Que le meilleur gagne !” en souhaits que le Onze égyptien aille jusqu’au bout de la qualification pour représenter son pays face aux meilleures équipes mondiales !

Marc Chartier

sources :
Historical Dictionary of Soccer, by Tom Dunmore, Scarecrow Press, 2011 
History of the Egyptian football game” (SIS)
Āḥā Gūn! : A Social and Cultural History of Soccer in Egypt, by Shawki Ebeid El-Zatmah, 2011, 456 pages
كرة القدم في مصر (Wikiwand)

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