mercredi 17 mai 2017

La stèle de Ramsès II représenté comme un enfant

Ramsès II représenté comme un enfant - calcaire  - Nouvel Empire 

Département des antiquités égyptiennes du Louvre - N 522

par acquisition de la Collection Salt en 1826


Cette stèle en calcaire, haute de 18 cm, large de 13 cm, représente un jeune garçon, de profil, assis sur un confortable coussin. Son attitude est noble, étudiée, esthétique :  il s'agit du pharaon Ramsès II, représenté comme un "enfant".

Son crâne est rasé : seule subsiste, large et magnifiquement travaillée, la tresse latérale. Elle se termine par une boucle généreuse qui vient se lover dans le creux du cou. C'est bien là, typiquement, la coiffure de l'enfance dans l'Egypte ancienne.

Ramsès II représenté comme un enfant - calcaire  - Nouvel Empire 

Département des antiquités égyptiennes du Louvre - N 522

par acquisition de la Collection Salt en 1826


"Un cobra divin (‘uraeus’) orne le front de l'enfant et enroule son corps autour du diadème pour prolonger sa puissance magique tout autour de la tête royale." Ce bandeau est noué a à l'arrière du crâne et retombe élégamment en deux longs pans. 

Le visage est fin, l'oeil est très étiré, les sourcils et la ligne de fard sont bien marqués. Le nez est parfaitement proportionné, les lèvres sont minces. 

De l'oreille, que l'on ne voit pas, pend une magnifique boucle d'oreille, composée d'un anneau et de plusieurs longues rangées de perles. 

Ramsès II représenté comme un enfant - calcaire  - Nouvel Empire 

Département des antiquités égyptiennes du Louvre - N 522

par acquisition de la Collection Salt en 1826


Le corps n'est vêtu que d'un pagne. D'une confection très recherchée, il est délicatement plissé. Il remonte jusqu'au milieu du dos, retombe vers le nombril qu'il laisse dégagé puis descend jusqu'aux chevilles. Les plis rendent de façon très réaliste la fluidité du lin. 

Le bras droit est replié alors que la main aux doigts très longs se trouve au niveau de la partie inférieure du visage. L'index est porté à la bouche : un geste significatif attaché à l'image de l'enfance.

Ramsès II représenté comme un enfant - calcaire  - Nouvel Empire 

Département des antiquités égyptiennes du Louvre - N 522

par acquisition de la Collection Salt en 1826


L'avant-bras gauche est posé sur les genoux d'où la main retombe, doigts tendus. Les poignets sont ornés de bracelets.

Des hiéroglyphes sont finement reproduits, une courte bande verticale en haut à gauche et une plus longue en haut à droite comportant le cartouche de Ramsès II. 

Le tout est : "traité en relief levé, l'ensemble est modelé tout en nuances comme pour exprimer la grâce de l'enfance".
Colosses à l'image de Ramsès II en façade de son temple d'Abou Simbel
Aquarelle de David Roberts

On ne peut être que surpris, étonné, de voir le grand Ramsès II, le pharaon de Qadesh, le grand bâtisseur, qui a régné sur l'Égypte pendant soixante-six années ainsi représenté comme un enfant, alors que nous avons des représentations monumentales du souverain plein les yeux… 

Mais, comme très souvent dans l'art égyptien, il y a une seconde "lecture". Dans "Pharaon", le catalogue de l'exposition présentée à l'Institut du Monde Arabe à Paris en 2004-2005, Isabelle Franco nous donne cette intéressante analyse : "Il faut chercher parmi les images divines le modèle de cette représentation pour en trouver la clef. L'enfance d'Horus est un élément essentiel des mythes fondateurs égyptiens. La jeunesse du dieu est synonyme d'immaturité et d'incapacité à agir. Le dieu juvénile et inexpérimenté incarne toutefois une phase capitale de la création, celle du rajeunissement perpétuel."
Dos de la stèle de Ramsès II représenté comme un enfant - calcaire - Nouvel Empire Département des antiquités égyptiennes du Louvre - N 522
par acquisition de la Collection Salt en 1826 du Louvre - photo G. Poncet

Le dos de la stèle est également sculpté. La scène représente le dieu Ptah au corps gainé, tenant un sceptre "ouas" orné des signes "ankh" et "djed", face à un personnage debout en adoration. Il s'agit d'un vizir (Paser ?) vêtu d'un long vêtement, mais dont le visage a disparu.

"Le rapport entre les deux faces n'est pas facile à établir, car on a perdu aujourd'hui toute trace du contexte cultuel qui accueillait ce petit monument. Le vizir voulait-il d'une part rendre hommage à Ptah, patron des arts et régent des jubilés royaux, et d'autre part se placer sous la protection de Ramsès enfant ?" (Guillemette Andreu - L'Égypte ancienne au Louvre).
               Henry Salt               Jean-François Champollion

Cette stèle est arrivée au musée du Louvre grâce à l'insistance de Jean-François Champollion qui souhaitait que la France puisse acquérir l'exceptionnelle collection d'antiquités rassemblée par le consul britannique en Égypte, Henry Salt.

Après de longues hésitations : "Charles X ratifia l'achat de la collection en février 1826 au prix demandé de 250.000 francs". 
Champollion est alors mandaté pour se rendre à Livourne, où il arrive le 15 mars, afin de dresser un inventaire descriptif des 4014 objets, puis d'en organiser le transport vers Paris. 

Le 15 mai, il y apprend qu'une ordonnance de Charles X a créé la division des antiquités égyptiennes du musée Charles X et qu'il en est nommé premier conservateur.

C'est entre fin novembre et fin décembre 1826 que Champollion réceptionne à Paris la collection Salt. Quant au département égyptien du Louvre, il est inauguré le 15 décembre 1827.

Référencée N522, cette stèle est exposée au premier étage de l'aile Sully, dans la salle 27 consacrée au Nouvel Empire.

marie grillot

sources :
Ramsès II représenté comme un enfant 
http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=17643&langue=fr
L'Égypte ancienne au Louvre, Guillemette Andreux, Marie-Hélène Rutschowscaya, Christiane Ziegler, Hachette, 1997
Plaque votive de Ramsès II enfant” (musée du Louvre)
Pharaons” - Catalogue de l'exposition présentée à l'Institut du monde arabe à Paris, du 15 octobre 2004 au 10 avril 2005 
La moisson des Dieux, Jean-Jacques Fiechter, Julliard, 1994
Henry Salt, consul et collectionneur” (égyptophile)
Un musée d'antiquités égyptiennes à Paris” (égyptophile)
Champollion Jean-François (1790-1832) - L'Égypte au musée du Louvre” (Universalis.fr)

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