Photos Marie Grillot |
Un élément de meuble en bois de tamaris, en forme de tête de lion, d'un travail exquis, qui devait orner les accoudoirs du fauteuil d'un important personnage de la Basse-Époque.
Sa beauté et l'intensité de son regard l'ont d'ailleurs amené à faire, récemment, la couverture du catalogue de la magnifique exposition au Louvre Lens sur les animaux de pharaon…
Aquarelle statuette de
chatte de la Collection Clot-Bey
Photo Musée
du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Decamps
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Une statuette de chat, en bronze, un chef d'œuvre d'exécution ! Datée de la XXVIe dynastie, elle fut offerte à un certain Mersopdou afin qu'il puisse bénéficier de la protection de la déesse Bastet. Son élégance, sa délicatesse et l'éclat doré de ses yeux charme les amoureux des chats… et bien au-delà…
Une cuillère à fard, représentant une nageuse entièrement nue qui tient devant elle un canard dont les ailes ferment le petit réceptacle destiné à recevoir le précieux maquillage. Une œuvre d'art pour nous, un objet du quotidien - qui devait être très prisé - de cette belle dame de la XVIIIe à laquelle il appartenait…
Quel est cet inventaire à la Prévert ? Quel est le lien entre ces trois œuvres ?
Elles sont au Louvre, certes… Et elles y sont arrivées en même temps, au milieu du XIXe siècle, par la collection Clot Bey.
Après une enfance passée à Grenoble, Antoine Barthélémy Clot fait ses études de médecine à Marseille, puis à Montpellier. En 1825, il souscrit à l'appel du pacha Méhémet Ali qui souhaite entreprendre la modernisation du système médical en Égypte. Arrivé au Caire le 11 février, le docteur Clot commence par soigner Méhémet Ali et le guérir d’une gastro-entérite ; il deviendra son médecin attitré et son ami. Il se consacre alors à la tâche première de sa présence en Égypte, où l’état sanitaire est “déplorable”. Il crée un Conseil de santé, un service sanitaire militaire, un centre hospitalier, puis un hôpital militaire, et tant d'autres choses…
En 1831, en signe de reconnaissance de son dévouement sans compter, notamment au cours d’une terrible épidémie de choléra qui fait 35.000 morts au Caire, il est promu par Méhémet Ali au titre de Bey, distinction qu’il ajoutera dès lors à son nom.
En 1835, une épidémie de peste se déclare en Égypte. Clot Bey se consacre entièrement à la lutte contre cette maladie. Épuisé par cette tâche, il demande un congé pour rentrer en France. Il retournera par deux fois en Égypte, de 1840 à 1849, puis de 1854 à 1858, pour s’occuper à nouveau de santé publique.
Au cours des nombreuses années passées au pays des pharaons, il aura également le temps d'écrire un ouvrage de référence : "Aperçu général sur l'Égypte", publié en 1840, et de se constituer une importante collection d’antiquités.
Cette pratique, qui était à l’époque autorisée, lui a été facilitée par la place privilégiée qu'il occupait auprès du Pacha. "La position élevée qu'occupait ce personnage lui avait permis de recueillir au passage les objets les plus beaux amenés au jour par les recherches journalières des fellahs." (“L'Artiste : journal de la littérature et des beaux-arts” - Ve série - Tome X). Il est précisé également que son "cabinet" d'antiques attirait alors, au Caire, la curiosité des voyageurs.
Statuette de la déesse Bastet, Statue de prêtre, Gourde portant un vœu de bonne année au nom du roi Amasis, provenant de la collection Clot bey - musée du Louvre |
C'est après son second séjour en Égypte que le Musée du Louvre achète une partie de sa collection. Riche de "2678 numéros', l'acquisition est datée "entre 1851 et 1853".
Sarcophages de pierre et de bois, momies d'animaux, vases, statues, oushebtis, objets de toilette, bagues, colliers, verres, faïences, hampes d'enseigne, sistres, figurines, scarabées amulettes, tissus, nombreux éléments de mobilier funéraire et d'objets de la vie quotidienne viennent alors enrichir le département égyptien que dirige, depuis 1849, Emmanuel de Rougé. Clot Bey vendra également des papyrus au British Museum.
En 1860, il se retire dans le sud de la France, à Marseille, ville à laquelle il cédera, pour le prix dérisoire de 50.000 F, le reste de sa collection. Il avait fait à cette époque une donation déguisée au Musée du Parc Borély de la belle collection d’antiquités égyptiennes qu’il avait rapportée. Il n’avait demandé que le coût de son transport d’Égypte en Europe. Il en avait rédigé, lui même, le catalogue. Celui-ci fut révisé par Maspero en 1889.
Clot Bey, docteur et collectionneur, meurt le 20 août 1868, à l’âge de 75 ans. Il est enterré au cimetière Saint-Pierre de Marseille, où sa famille lui a fait construire un tombeau de style oriental portant sa devise "Inter infideles fidelis" ("Fidèle parmi les infidèles").
marie grillot & Marc Chartier
sources :
Clot Bey, le "French doctor" de Méhémet Ali (égyptophile)
L'Égypte ancienne au Louvre, Guillemette Andreux, Marie-Hélène Rutschowscaya, Christiane Ziegler, Hachette, 1997
Catalogue d'exposition “Des Animaux et des Pharaons, Le règne animal dans l'Égypte ancienne”, présentée au musée Louvre-Lens (4 décembre 2014 au 9 mars 2015) - éditions Somogy / Louvre Lens
Les objets de toilette égyptiens au Musée du Louvre, Jeanne Vandier d'Abbadie, éditions des musées nationaux, Paris, 1972
Antoine Barthélémy Clot-Bey Un médecin marseillais fondateur de la médecine occidentale en Égypte, Henri Ruf
Catalogue de la collection d'antiquités égyptiennes du Dr Clot-Bey, Vial (Marseille), 1861
L'Artiste: journal de la littérature et des beaux-arts Ve série – Tome X
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