jeudi 30 mars 2017

Une journée en Égypte avec... Mika Toimi Waltari, Jean-Jacques Ampère, Ibn Battûta


Une journée en Égypte avec… Mika Toimi Waltari, écrivain finlandais (1908-1979) (*)
illustration extraite de Norman de Garis Davies, “La tombe de Nakht à Thèbes”, New York, 1917

"Quiconque a bu une fois l’eau du Nil aspire à revoir le Nil. Aucune autre eau ne peut étancher sa soif.
Quiconque est né à Thèbes aspire à revoir Thèbes, car il n’existe pas au monde une seule ville pareille à Thèbes. Quiconque est né dans une ruelle thébaine aspire à revoir cette ruelle ; dans un palais de cèdre, il regrette la cabane d’argile ; dans le parfum de la myrrhe et des bons onguents, il aspire à l’odeur du feu de bouse sèche et à celle des poissons frits.
J’échangerais ma coupe en or pour le pot d’argile du pauvre, si seulement je pouvais de nouveau fouler la tendre glèbe du pays de Kemi. J’échangerais mes habits de lin pour la peau durcie de l’esclave, si seulement je pouvais entendre encore murmurer les roseaux du fleuve dans la brise du printemps.
Le Nil déborde, tels des joyaux les villes émergent de l’eau verte, les hirondelles reviennent, les grues pataugent dans le limon, mais moi je suis absent. Que ne suis-je une hirondelle, que ne suis-je une grue aux ailes puissantes pour voler à la barbe des gardiens vers le pays de Kemi ?
Je construirais mon nid sur les colonnes bigarrées du temple d’Amon, dans l’éclat fulgurant et doré des obélisques, dans le parfum de l’encens et des grasses victimes des sacrifices. Je bâtirais mon nid sur le toit d'une pauvre cabane de pisé. Les boeufs tirent les chariots, les artisans collent le papier de roseau, les marchands crient leurs denrées, le scarabée roule sa boule de fumier sur la route pavée."

(extrait de Sinouhé l’Égyptien, traduit du finnois par Jean-Louis Perret, 1993)

(*) sur cet auteur : "Mika Waltari : le talent d'un Finlandais au service de l'Égypte antique"
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Une journée en Égypte avec… Jean-Jacques Ampère (12 août 1800 - 27 mars 1864), historien, écrivain et voyageur 
Marché aux chameaux à Bedrechen - photochrome

"L'aspect des bords du Nil est peu varié. Cependant le regard rêveur trouve toujours quelque objet qui l’arrête : c'est une file de chameaux qui se dessinent sur le ciel et nous donnent le plaisir de penser qu'ils avancent encore plus lentement que nous ; c'est un petit village qui se montre au détour du fleuve ; c'est un couvent copte dans la solitude ; ce sont quelques barques qui descendent ou traversent le Nil ; c'est un oiseau qui perche sur notre mât ou sautille sur le rivage, nous offrant parfois un hiéroglyphe vivant. Tous les bruits naturels plaisent dans le silence. L'aboiement lointain des chiens, le cri du coq, mêlent les souvenirs de la vie rustique à l'impression d'un calme en pleine mer ; les chants, tantôt languissants, tantôt précipités, des matelots bercent la rêverie ou la réveillent agréablement. On arrive ainsi sans ennui du lever au coucher du soleil, ces deux fêtes splendides que nous 
donne chaque jour la nature. Les barques, séparées par l'inégalité de leur marche, se rejoignent d'ordinaire avant la nuit. On est heureux de se retrouver, on dîne gaiement, on cause le soir comme à Paris. 
Après s'être dit adieu jusqu'au lendemain, on regarde un moment les constellations radieuses, dont la place a déjà changé sensiblement depuis notre départ de France. L'étoile polaire s'est abaissée ; le ciel a, comme la terre, un aspect étranger. Rien ne saurait donner une idée de l'éclat des étoiles qui sont sur nos têtes ; on dirait des gouttes d'argent fondu ruisselant dans l'ombre. Les astres ne sont pas collés au firmament, mais semblent suspendus dans l'éther nocturne. Je craignais la longueur de ces journées du Nil ; je sens maintenant qu'il faudra que l’habitude m'ait blasé un peu sur leur charme pour pouvoir consacrer au travail leurs heures rapides. 
J'aime le Nil, je m'attache à ce fleuve qui me porte et que j'habite comme on s'attache à son cheval et à sa maison. Tout ce qui concerne la nature, l’histoire, les débordements réguliers, la source inconnue du Nil, m'intéresse vivement."

(extrait de Voyage en Égypte et en Nubie, 1868) 

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Une journée en Égypte avec… Ibn Battûta, un explorateur qui voulut être “le plus grand voyageur de l’Islam” (1304-1368)

"J’arrivai enfin au Caire, capitale du pays où résidait jadis Pharaon aux épieux ; cette ville a pour apanage de vastes provinces et de riches contrées ; elle est très peuplée ; elle tire orgueil de son charme et de son éclat. C’est le point de rencontre des voyageurs et la halte des faibles et des puissants. Au Caire, on rencontre tous ceux qu’on désire rencontrer : savants et ignorants, hommes sérieux et badins, charitables et impudents, humbles et bien nés, nobles et hommes du peuple inconnus et célèbres. La foule grouillante des Cairotes ressemble aux flots tumultueux de la mer et la ville est presque trop exiguë pour la contenir bien qu’elle soit très étendue et qu’elle ait de vastes possibilités. 
Le Caire paraît être une ville récente bien que très ancienne et elle est toujours sous une bonne étoile. Elle a vaincu les nations, ses princes ont soumis des chefs arabes et autres. Elle a pour particularité de se trouver sur le Nil dont l’importance est grande, ce qui lui permet de se passer d’eau de pluie. Sa province qui s’étend sur une distance d’un mois de marche pour un voyageur qui fait diligence est généreuse et accueillante à ceux qui sont loin de leur patrie. 
Ibn Juzayy cite ces vers d’un poète : “Par ta vie ! Je le jure ! Le Caire n’est pas une ville ordinaire, mais le paradis ici-bas, pour qui est clairvoyant. Ses jeunes gens sont les échansons du paradis, ses jeunes filles aux yeux noirs, les houris, l’île de Rodah est le jardin terrestre, le Nil le Kawthar [fleuve du paradis]."

(extrait de Voyages et périples, traduit de l’arabe par Paule Charles-Dominique)

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