jeudi 30 mars 2017

La 'Montagne Noire'... sur les traces du Capitaine Williams


Après le blanc, le noir ! Non loin au nord du très touristique Désert Blanc, aux fascinantes et lumineuses sculptures naturelles, un autre désert… "À 20 km au sud de Bawati, indique le Guide Michelin, le désert se couvre de masses coniques sombres, anciennes collines volcaniques, jadis immergées et depuis érodées par le temps. Ces monts solitaires semblent percer l'étendue de sable. L'érosion a déposé sur le sol des éclats de basalte et de pyrite de fer dont les teintes ont donné son nom à ce désert."

Au nord de ce vaste espace désolé, d’où toute vie semble absente, un massif attire l’attention : la ‘Montagne Noire’, entre les localités de Madisha et de Bawiti, à 30 minutes environ par la route au sud de Bahariya.
photo Yasser El-Rasoul (panoramio)

Un puits, daté de l’époque romaine, donne au lieu une touche de civilisation, de même que les ruines d’une ancienne habitation qui comportait, nous précise-t-on, trois pièces et une salle de bains. Ce promontoire était en effet occupé comme poste de guet, durant la Première Guerre mondiale, par un détachement de l’armée anglaise chargé de surveiller les mouvements des troupes islamiques libyennes Senoussi qui, courtisées par l’Empire Ottoman et le Reich allemand, représentaient une menace non seulement pour l’occupant britannique, mais pour l’ensemble de la Vallée du Nil. D’où l’appellation donnée à ce site : ‘Jebel el-Inglîz’, le ‘Mont des Anglais’.
Le capitaine Williams

Un nom émerge de cette page d’histoire, illustrant le lieu : le capitaine Claud Herbert Williams (1876-1970). Considéré comme trop âgé (38 ans) pour intégrer les rangs de l’armée britannique, il décide néanmoins de se porter volontaire en 1916, pour : "faire partie de l’effort international". Il abandonne sa bergerie de Gisborne, en Nouvelle-Zélande, se rend par bateau à San Francisco, puis rejoint Norfolk en Grande-Bretagne où il signe son engagement dans le régiment local. C’est de là qu’il est envoyé en Égypte, dans la ‘Montagne Noire’, pour observer les tentatives de pénétration à l’intérieur du territoire égyptien par les troupes Senoussi. À la tête d’un petit détachement dont on lui a confié le commandement, il effectue des patrouilles, au rythme de 48 heures d’exercice pour 48 heures de repos, à l’aide de véhicules Ford Modèle T, dépouillés de nombreux équipements de confort pour être rendus plus légers sur les terrains sablonneux
Le capitaine Williams au volant de sa Ford Modèle T

La guerre terminée, le capitaine Williams reste sur place, avec ses véhicules légers. Il se voit confier une autre mission : cartographier le désert occidental égyptien. Il dresse ainsi une série de cartes, avec mention des sentiers de chameaux, des puits, des collines, des dunes de sable, des plateaux rocheux, etc. L'armée britannique lui a demandé de consigner toutes ces informations dans un livre - le "Report on the Military Geography of the North-Western Desert of Egypt" ("Rapport sur la géographie militaire du désert Nord-Ouest de l'Égypte") - qui fut alors considéré comme hautement confidentiel.

Un détail technique : les indications des boussoles étant faussées par le métal des voitures, et las de devoir s’arrêter et de se placer à dix pas des véhicules à chaque fois qu’il fallait faire le point pour s’orienter, l’ingénieux ‘Captain’, aidé du géographe John Ball, imagine un cadran solaire fixé sur l’automobile pour aider à l’orientation et rendre ainsi les itinéraires plus faciles. 

Dans l'entre-deux-guerres, ce procédé, permettant de mieux se déplacer en zone désertique, sera perfectionné par le major Ralph Alger Bagnold, un explorateur britannique qui reliera le Caire au nord du Tchad, via la Libye et le Soudan.

En 1920, le capitaine Williams retourne à sa bergerie, épouse Dorothy Lesley Egerton, milite activement pour le développement de l'agriculture locale et dans des organisations civiques. Il meurt le 5 août 1970, à l'âge de 94 ans, sans être jamais retourné en Égypte. 

Mais ce pays l’aura marqué profondément. Il savait l’importance du travail qu’il y avait accompli. Soucieux de mémoriser ses connaissances acquises, il rédigea un rapport sur les ”patrouilles de voitures légères dans le désert libyen” et tenta de le publier en Nouvelle-Zélande. Mais en vain ! Aucune maison d'édition ne voulut prendre le risque, car “le public en avait assez d’entendre parler de guerre” !
photo nomo/michael hoefner

Un lieu, plus ou moins à l‘écart des grands axes touristiques, garde cependant le souvenir de son histoire : la 'Montagne Noire', ce 'Jebel el-Inglîz' qui offre au visiteur une "fantastique" vue panoramique sur le désert environnant, en particulier au moment du coucher du soleil. "Un chemin de terre serpente jusqu'à un plateau près du sommet, d'où un sentier mène à travers la crête jusqu'au sommet : environ cinq minutes à pied." Suivez ce sentier ! Peut-être y retrouverez-vous les traces d’un certain… 'Captain' Williams.

Marc Chartier

source :
Gisborne man remembered for his role in WWI
 

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