cliché Red Sea Riviera |
Entre les localités de Marsa Alam et Bérénice, en bordure de la mer Rouge dans le sud du désert oriental égyptien, le "Wadi al-gamal" (la "Vallée des chameaux") couvre un territoire de 7.000 km².
Cette réserve naturelle, classée parc national depuis 2003 sur une initiative de Mohamed Gad, est en grande partie désertique, avec ses sols rocailleux, ses zones montagneuses, dont le Gebel Hamata (1.977 m) et le "mont des Émeraudes", ses dunes qui ondulent, ses grandes périodes de sécheresse auxquelles s’adaptent pourtant les acacias. Elle est complétée par une zone lagunaire et marine, avec cinq îles, dont celles de Wadi al-Gamal et Qul’an, des récifs coralliens, des mangroves, des marais... Le contraste entre l’aridité du désert et le chatoiement des couleurs marines est l’une des caractéristiques du parc et de ses attraits touristiques.
Au coeur de ces paysages contrastés, où la présence humaine est très éparse, la vie est néanmoins présente sous de multiples formes, végétales ou animales. On peut y rencontrer des chats sauvages, des ibex nubiens, des gazelles dorcas, des ânes sauvages d'Afrique. Quant aux faucons concolores, aigles, vautours, éperviers, hérons striés, balbuzards pêcheurs, sternes caspiennes, aigrettes des récifs et à quelque 430 autres espèces d’oiseaux, le ciel leur appartient et les migrateurs peuvent trouver dans les marais le calme nécessaire à leur période de nidification.
cliché Claudio Mortini (vidéo) |
Les espèces marines ne sont pas en reste au chapitre de la biodiversité. 1.200 espèces de poissons, dont les dauphins et les requins, y sont représentées, ainsi que 450 espèces de coraux. Le concombre de mer - qui, contrairement aux apparences linguistiques, n’est pas un légume - y a aussi sa place. De même ces deux espèces menacées de disparition que sont les tortues vertes et les dugongs.
Le "Wadi al-gamal" est par ailleurs réputé pour ses plantes médicinales. 70 espèces de plantes ont été répertoriées comme pouvant être utilisées à des fins thérapeutiques, même si les nomades locaux se limitent à 32 espèces pour le traitement de diverses maladies liées au fonctionnement du tube digestif, du système nerveux, de la respiration...
Avant, bien avant que les 4x4 des aventuriers modernes n’y laissent leurs traces, cette contrée désertique, située entre la mer Rouge et le Nil, fut le lieu de transit des soieries indiennes achetées par les Romains. Elle fut aussi la destination d’expéditions commandées par les pharaons et leurs successeurs à la recherche d’or ou d’émeraudes.
cliché Panoramio |
Le parc national du "Wadi al-gamal" est supervisé par une Agence gouvernementale chargée de la protection de l’environnement. Outre ses fonctions liées à la gestion des espaces protégés, elle est particulièrement attentive à la sauvegarde des traditions et de la culture de la population nomade autochtone : la tribu des Ababdas, dont les origines se perdent dans la nuit des temps, sans être identifiées avec certitude. Elle regroupe actuellement 7.000 personnes.
Faisant suite à un programme culturel élaboré en 1996-1998 par l’ambassade royale des Pays-Bas au Caire, un projet de musée ethnographique, consacré à la culture traditionnelle locale et au mode de vie nomade, a été élaboré en 2005 par une délégation des Ababdas, l’architecte Gabriel Mikhail, des représentants du Projet de Conservation des Antiquités orientales, des responsables de l’écotourisme, l’Agence gouvernementale chargée de la protection de l’environnement et l'Agence des États-Unis pour le développement international.
Une telle initiative est apparue d’autant plus urgente que la vie des nomades Ababdas est sous la pression de l’urbanisation moderne et du développement du tourisme dans leur région, sur les rives de la mer Rouge. D’ailleurs, ils délaissent de plus en plus leur vie traditionnelle pour chercher du travail sur les chantiers de construction, notamment à Assouan, ou dans les hôtels des stations touristiques de la mer Rouge.
dans la tribu des Ababdas- cliché Claudio Mortini (vidéo) |
"Très peu d’Ababdas profitent des nouveaux développements de leur pays, note toutefois Jolanda E.M.F. Bos-Seldenthuis dans une étude de 2007, alors que dans le même temps, très peu de touristes découvrent la vraie valeur de la culture des nomades, car à première vue, la contrée qu'ils visitent leur semble vide. Les Ababdas ont eu peu ou pas d'impact physique sur leur environnement, et si la société Ababda est malgré tout remarquée par les touristes, la culture matérielle de cette tribu apparaît comme primitive et pauvre. Ainsi, l'écart entre les visiteurs de la région et les populations autochtones ne pouvait pas être plus grand !" ("Life and Tradition of the Ababda Nomads in the Egyptian Desert, the Junction between Intangible and Tangible Heritage Management")
le centre d'accueil du Parc national |
En lieu et place d’un musée, un Centre d’accueil du visiteur a été construit en 2009 à l’entrée du parc. Ce bâtiment a deux fonctions principales : orienter les visiteurs et leur proposer des informations essentielles sur la nature et les habitants du parc ainsi que sur les ressources naturelles, environnementales et culturelles distinctives de la région ; mettre à leur disposition un lieu de détente, de restauration et d’achat d’objets d’artisanat local.
cliché Abu Ghusun |
Bel accueil assurément pour le visiteur ou le touriste. La porte lui est ainsi ouverte pour des activités de découverte, telles que la randonnée, la plongée, l’observation ornithologique…
Il est à souligner toutefois qu’en ce lieu comme sur certains autres sites du territoire égyptien, l’improvisation est à exclure. Il est indispensable de ne pas s’aventurer seul, sans être accompagné par des guides patentés. Même si l’Égypte a plus que jamais besoin des touristes, elle tient à les accueillir dans les meilleures conditions, outre le fait qu’un parc naturel est un espace à la fois protégé et fragile. Toutes précautions étant prises, ces grands espaces, loin des richesses archéologiques qui constituent la valeur d’un patrimoine culturel universellement apprécié, représentent une autre facette d’une Égypte qui n’en finit pas de nous surprendre. De nous émerveiller.
sources :
“Marcher dans la Vallée des chameaux”, par Vanessa Jansen
“Balade au coeur de la nature” ("Al-Ahram Hebdo")
“Wadi El Gemal”
“Traditional knowledge and use of medicinal plants in the Eastern Desert of Egypt : a case study from Wadi El-Gemal National Park”
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