Ces thèmes ont été déclinés et abondamment illustrés, le dimanche 19 mars 2017 lors d'une conférence proposée par le Conseil des Echansons de France, en collaboration avec le Musée du Vin et l'Association pour la Sauvegarde du Ramesseum. Les trois intervenants étaient : M. Christian Leblanc, directeur de recherche émérite au CNRS, directeur de la MAFTO et président fondateur de l'ASR ; M. Marc Durand, historien de la photographie et descendant des Frères Lumière, documentaliste aux Archives Nationales, et Mme Sylvie Aubenas, Conservateur Général du Patrimoine, Directrice du Département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque Nationale de France.
Christian Leblanc (photo Marie Grillot) |
Au cours de son intervention d'ouverture, Christian Leblanc a présenté, de façon très claire et documentée, le passage - important et déterminant - du dessin et de la peinture à la photographie. De ce temps où la chambre noire n'existait pas encore, nous ne disposons comme témoignages de l'état des sites que ce qui nous a été laissé par les explorateurs, dessinateurs, aquarellistes, peintres, ou encore savants de l'expédition d'Égypte puis de la mission franco-toscane de Champollion et Rosellini…
Christian Leblanc a souligné combien, si certains de ces témoignages sont précieux et riches, d'autres laissent parfois une place trop importante à l'imagination de l'artiste.
Le Ramesseum, peint par David Roberts en 1838 |
Ainsi, des défauts flagrants de perspectives aux arrangements "artistiques", il y a lieu de se montrer extrêmement prudent sur ces témoignages du passé… Il a illustré ses propos par une riche documentation iconographique et à l'appui d'exemples concrets, notamment sur un site qu'il connaît particulièrement bien, le temple des millions d'années de Ramsès II à Thèbes. Loin du dessin de Frédéric Norden ou des aquarelles de David Roberts, l'arrivée de la photographie a laissé place à la réalité, à la vérité du terrain, à l'exactitude des perspectives. Elle a, dès lors, pris une place concrète et de confiance dans les documents de travail étudiés et utilisés par les chercheurs…
M. Marc Durand a retracé brièvement l'histoire de la photographie dont le véritable début est couramment daté de 1839. Il a rappelé les rivalités qui régnaient alors, en ce premier quart du XIXe, pour s'attribuer la paternité de l'invention… Elles concernaient principalement les techniques de Nicéphore Niépce et Louis Daguerre pour le daguerréotype et de William Henry Fox Talbot pour le calotype.
Nicéphore Niépce et Louis Daguerre |
Dans l'un et l'autre cas, prendre des photos nécessitait un matériel imposant, fragile et lourd, l'apprentissage d'une technique à apprivoiser, nouvelle et compliquée, qui demandait une connaissance des produits chimiques, des temps d'exposition, etc. Et tout cela devenait particulièrement difficile à gérer sous les chaudes latitudes. Le voyage en Orient était alors très en vogue. Les photos étaient réservées à un domaine privé, ou bien encore à des albums publiés pour de savants amateurs. En Égypte se sont succédé de grands pionniers, véritables photo-reporters, comme Edouard de Campigneulles, Ernest Béniqué, Joseph Girault de Prangey, Félix Ténard, Pascal Sébah, Gustave Le Gray, Maxime du Camp…
Karnak - salle hypostyle ; Gustave Le Gray - autoportrait |
Comment ne pas citer aussi Aymard de Banville qui arrive en Égypte en 1863, avec la "mission de reconnaissance" d'Emmanuel de Rougé ...
Aymard de Banville ; Tête monumentale de Ramsès II - Paris, Bibliothèque nationale de France |
John Beasley Greene, un jeune homme extrêmement doué, qui mourut à 24 ans, laissant de très beaux clichés, et ayant quand même eu le temps d'enseigner sa technique à Théodule Devéria et de créer la société française de photographie ; et évidemment Auguste Mariette…
Dahshour, par Francis Frith (1860) |
Avec Francis Frith, Émile Béchard, Bonfils (Père et Fils), Gabriel Lékegian et Antonio Beato, et avec l'arrivée des touristes en Égypte, la photographie se "démocratisera" et les clichés seront alors reproduits et vendus en grand nombre.
Mme Sylvie Aubenas a évoqué la vie et les archives de Frédéric Goupil-Fesquet que la Bibliothèque Nationale a pu racheter.
Frédéric Goupil-Fesquet (1817-1878), peintre-aquarelliste-graveur, était le neveu du peintre Horace Vernet. Il a appris la technique du daguerréotype auprès de son professeur, Eugène Hubert. En 1839, il accompagnera son oncle en Égypte pour un bref séjour à Alexandrie et au Caire. Avec son encombrant appareil, préparé par l'opticien Lerebours, il prendra la première photographie faite en Orient. Il photographiera le harem de Mohammed Ali… "En réalité, pour nous en tenir au document actuellement à notre disposition, le ‘harem de Mohammed Ali à Alexandrie’ se limite à n’être que la représentation d’une porte ouverte et de deux gardes, sans le moindre aperçu des silhouettes affriolantes des almées évoluant à la cour du vice-roi !"
photo du harem de Mohammed Ali, par Goupil-Fesquet |
Lors de ce voyage, Goupil-Fesquet semble avoir été surpris - et contrarié - de constater qu'il avait un "rival" déjà à pied d’œuvre : un voyageur canadien d'origine suisse, Gaspard-Pierre Gustave Joly de Lotbinière (1798-1865), réputé pour être le premier à avoir photographié les pyramides du plateau de Guizeh.
Il est à regretter que les premières images, dans leur version originale, de Goupil-Fesquet soient perdues ; on ne les connaîtra que sous forme de lithographies dans l’ouvrage "Les Excursions daguerriennes" publiées par Lerebours en 1841 et 1842.
Si l'assistance a été conquise et passionnée par la richesse des interventions et la valeur des documents projetés, sa reconnaissance à l'égard de ceux qui ont dévoilé, par leurs photographies "primitives", une Égypte encore endormie sous les sables s'en est également trouvée infiniment grandie…
marie grillot
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