samedi 28 janvier 2017

Wladimir Golénischeff : l'érudition au service de l'égyptologie

Portrait présumé de Wl. Golenischeff à Hibis, [1898] © Archives, Centre. Wl. Golenischeff, Ephe, Paris

Il est de ces personnages dont la vie se révèle être merveilleuse à découvrir… Wladimir Semionovitch Golénichtchev, Golénischeff est né à Saint-Pétersbourg, en Russie, le 30 janvier 1856 dans une famille aristocratique et extrêmement riche. Philologue, collectionneur, il posera les bases de l'égyptologie russe.
Portrait de Wl. Golenischeff, 1903 (?) © Archives, Centre. Wl. Golenischeff, Ephe, Paris

Il fera de nombreux séjours sur la terre des pharaons. "Parmi ceux-ci, on peut citer un voyage dans l’oasis de Kharga (désert occidental) effectué en 1898, au cours duquel il prend de nombreux clichés du temple d’Hibis, datant de l’époque perse. À l’époque, le voyage se faisait à dromadaire et un portrait présumé de l’égyptologue est conservé, sur lequel il pose, casque colonial sur la tête. Au cours de ses multiples séjours en Égypte, il acquit des antiquités de toutes sortes, constituant ainsi une des plus grandes collections de Russie. Il les expose dans son "musée", à savoir quatre pièces dans un immeuble du centre de Saint-Pétersbourg."

Mais en 1909, iI semble que, suite à la faillite des mines d'or de l'Oural dans lesquelles sa famille avait investi, il subisse un revers de fortune. Aussi, se voit-il dans l'obligation de vendre sa prestigieuse collection. Elle est alors acquise par l'État russe qui la dépose au Musée Pouchkine, à Moscou. "Parmi ces 6000 objets se trouvent des statues, des bas-reliefs, des stèles, des papyrus et des céramiques ou encore de magnifiques portraits du Fayoum."

Le nom de Golénischeff demeure associé à de nombreux papyrus. Parmi eux, comment ne pas citer le "Papyrus Pushkin 120" des "Mésaventures d'Ounamon" qu'il avait acquis au Caire.
Collection de Wl. Golenischeff à St Pétersbourg, avant 1909 © Archives, Centre. Wl. Golenischeff, Ephe, Paris

Lorsque la Révolution de 1917 enflamme la Russie et le contraint à quitter son pays, c'est en France qu'il se réfugie. Il partagera alors sa vie entre Nice et l'Égypte, et ne retournera jamais dans son pays d'origine.

De 1924 à 1929, il enseigne l’épigraphie égyptienne à la nouvelle université du Caire, fondée à Gizeh en 1908. Dans la mesure où l’Égypte n’a pas encore son propre vivier de professeurs, il est en effet fait appel à des professeurs de nationalité étrangère. 

"À l'époque où j'eus l'honneur de lui être présenté (1935), Wladimir Golénischeff était l'une des personnalités les plus connues et les plus respectées de la société cairote… Le Professeur et Mme Cécile Golénischeff passaient une grande partie de l'année en Égypte où ils arrivaient en novembre pour ne repartir qu'au printemps. Dans la capitale égyptienne, leur résidence habituelle était la pension Cecil House, bien connue des égyptologues… On les rencontrait fréquemment au Musée du Caire, mais leur point d'attache demeurait la maison Groppi, du Midan Soliman. C'est là que, tous les soirs ou presque, à cinq heures, on les voyait, très entourés car ils aimaient à recevoir, et il n'était personne, dans les milieux cultivés, qui ne souhaitât les connaître", se souvient Jean Sainte Fare Garnot dans l'hommage rendu au professeur russe dans le BIFAO 58.

Le couple avait également ses habitudes à Louqsor, où il arrivait dès janvier, prenant ses quartiers au "Louxor Hotel", tout à la joie de retrouver d'autres égyptologues. 

Dans tous ses voyages, un bagage accompagnait le professeur : "Cette malle dont Wladimir Golénischeff ne se séparait jamais, et que j'ai retrouvée à Vichy, en période de cure, après l'avoir vue tant de fois au Caire ou à Louxor, contenait d'innombrables fiches et, classés dans des serviettes de moleskine, les manuscrits du Maître."
Le buste de Golénischeff disposé autour du monument de Mariette, encadré par Rosellini et Deveria - photo Laurent Coulon

À son aisance aristocratique, il associait une intelligence hors du commun ; il parlait - selon certaines sources - treize langues, et sa culture était immense.

Il meurt à Nice le 5 août 1947 où il est enterré dans le cimetière russe orthodoxe. 

L'Égypte à laquelle il a tant donné et apporté ne l'oubliera pas et saura lui rendre l'hommage qui lui était dû. Ainsi, en 2006, son buste en bronze sera déposé dans l'exèdre de marbre blanc qui entoure le sarcophage d'Auguste Mariette dans la cour du Musée égyptien de la Place Tahrir au Caire, le plaçant ainsi aux côtés de ses illustres confrères… Par ailleurs, la carrière de ce savant continue de faire l’objet de recherches de la part des chercheurs russes et français, comme l’atteste un colloque organisé à Moscou début 2016.
Présentation d'une conférence donnée le 29 janvier 2016 par Viktor Solkin
à l'occasion du 160e anniversaire de la naissance de Golénischeff

Wladimir Golénischeff laisse non seulement un important travail égyptologique qui fait référence, mais une collection très importante d'ouvrages. Ce sont plus de 2000 volumes qu'il léguera à Jean Sainte Fare Garnot. "La veuve de ce dernier donnera les archives de son mari à l'Ephe, archives qui contenaient celles de Golénischeff ainsi que sa bibliothèque" précise Hélène Virenque égyptologue.

L'ensemble sera déposé dans un centre d'études qui deviendra, tout naturellement, le "Centre Wladimir Golénischeff" ; attaché à l'École Pratique des Hautes Études, il ne cessera ensuite de recueillir les archives de grands égyptologues, comme Pierre Lacau, Pierre Montet et, plus récemment, Jean Yoyotte. 

Une prochaine interview nous permettra de mieux connaître ce centre - actuellement dirigé par l'égyptologue Laurent Coulon - ainsi que les manuscrits, documents, notes et photos qu'il recèle.

marie grillot
avec l'aimable et attentive relecture d'Hélène Virenque, égyptologue
Le buste de Golénischeff disposé autour du monument de Mariette,
encadré par Rosellini et Deveria - photo Laurent Coulon

sources :
Who Was Who in Egyptology, Bierbier M.L., London, Egypt Exploration Society
BIFAO 58 (1958), P. 159-163, Sainte Fare Garnot (Jean)
Centre Wladimir Golenischeff
Sur les traces de l’égyptologue Wladimir Golenischeff
The Journal of Egyptian Archaeology”, volume 33, décembre 1947
Nécrologie de M. Jean Yoyotte (1927-2009)”, Christiane Zivie-Coche

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