samedi 28 janvier 2017

L'égyptologue égyptien Gamal Eddin Mokhtar, un "défenseur acharné du patrimoine mondial"


Diplômé en géographie (Université du Caire) et en pédagogie - sa discipline de prédilection - (Université du Caire, Iowa State Teachers College, Educational Guidance à la Faculté d'Enseignement de ‘Aïn-Chams), Gamal Eddin Mokhtar (14 juillet 1918 - 30 janvier 1998) s’adonne également à l’étude de l’Égypte ancienne. Dans cette science, il obtient son diplôme de Master of Arts de l'Université du Caire en 1943, puis, en 1957, un Ph.D. à l'Université de ‘Aïn- Chams. Sa thèse en égyptologie, présentée sous la direction de Hermann Kees et Ahmed Badawi sous le titre Ihnasya el Medina Herakleopolis Magna. Its Importance and its Role in Pharaonic History, sera publiée en 1983 par l’IFAO (le Caire).

En 1957, il est nommé directeur du Centre d'Études et de Documentation sur l'Ancienne Égypte, créé par Moustafa Amer, directeur du Service des Antiquités, et l’écrivain Taha Hussein, avec la collaboration de Christiane Desroches Noblecourt. Les sujets de documentation (et de préoccupation !) ne manquent pas. C’est en effet la période des études et travaux préliminaires à la construction du haut barrage d’Assouan qui, tout en apportant une réponse à un projet de développement économique de l’Égypte de Gamal Abdel Nasser, entraînera des conséquences irrémédiables, sur les plans humain, social et archéologique, pour la Nubie.
Abou Simbel

L’heure n’est plus aux tergiversations, mais à la mobilisation de toutes les énergies, nationales et internationales : "Épaulé par Ahmed Badawi dans la mise sur pied de campagnes documentaires, écrit Paule Posener-Krieger, faisant appel aux savants de toutes nationalités, Gamal Mokhtar, de 1958 à 1967, assuma la direction scientifique du Centre, se dépensant sans compter dans de nombreuses missions sur le terrain, payant de sa personne dans des conditions matérielles souvent difficiles. Dès ce moment, la carrière de Gamal Eddin Mokhtar prit une dimension internationale, non seulement grâce aux contacts personnels qu'il entretenait avec les membres des diverses missions étrangères participant au sauvetage des monuments de la Nubie, mais en qualité de membre de diverses commissions de l'UNESCO au sein desquelles il sut défendre, avec un talent qui emportait l'adhésion, la cause des monuments de la Nubie et y intéresser les plus hautes instances. On ne soulignera jamais assez la part active que prit Gamal Eddin Mokhtar au sauvetage d'Abou-Simbel pour ne citer que la plus spectaculaire des réalisations de l'UNESCO à cette époque, et plus récemment au déplacement de Philae."
Gamal Eddin Mokhtar

Après un courte parenthèse durant laquelle il enseigne l’histoire de l’Égypte ancienne et du Proche-Orient à l'Université du Caire, il se voit confier la responsabilité, comme sous-secrétaire d'État, du département des Antiquités égyptiennes au ministère de la Culture, fonction qu’il exercera jusqu’en 1977. L’organisme porte la dénomination officielle de Service des antiquités de l'Égypte, puis, en 1971, d’Organisation des antiquités égyptiennes.

Au terme de ce mandat ministériel, il quitte l’Égypte pour Riyad où il collaborera, jusqu’en 1982, à la mise en place de l'enseignement de l'archéologie. L’Égypte reste toutefois son pôle d’attraction : "Son besoin d'activité, poursuit Paule Posener-Krieger, le portait à donner des conférences, à voyager pour participer aux réunions internationales défendant partout, de toute son énergie, la cause de l'Égypte ancienne dont la vogue, dans le grand public, doit beaucoup à son action. (...) Président d'honneur du Premier Congrès International d'Égyptologie au Caire en 1976 et du premier Congrès International de Coptologie, inlassable voyageur, participant à toutes les expositions d'art égyptien dans le monde, Gamal Eddin Mokhtar [considérait] comme un de ses premiers devoirs de représenter la culture égyptienne à travers le monde et de promouvoir la recherche archéologique. Il a su ainsi créer autour de lui un vaste réseau d'amitiés fidèles."
Trois ouvrages de Gamal Eddin Mokhtar, publiés par le Centre d'Études et de Documentation sur l'Ancienne Égypte

Membre d’un très grand nombre d’organisations culturelles, scientifiques et égyptologiques nationales et internationales (Conseil national de la Culture, des Arts et de la Littérature et de l'Information, Comité des Récompenses nationales pour les Humanités, Organisation des Antiquités égyptiennes, Institut d'Égypte, Société égyptienne pour les Études historiques, Comité Permanent des Antiquités, Comité National de l'ICOMOS, Bureau de la Société d'Archéologie copte, Comité consultatif pour la sauvegarde de la Nubie, Société française d’égyptologie, Association internationale des égyptologues, etc.), Gamal Eddin Mokhtar considère comme de son devoir d’apporter amicalement son aide et ses conseils aux égyptologues égyptiens ou étrangers. "Je me souvenais, tout ému encore, écrit le Dr. Christian Leblanc en évoquant la disparition du grand égyptologue égyptien, de ses visites hebdomadaires à la maison où, avant son intervention chirurgicale, il prenait plaisir à m'entretenir tous les jeudis soirs de ses multiples travaux, de ses relations de voyage à l'étranger, me sollicitant même parfois pour un avis, voire un conseil, sur des sujets concernant notre discipline égyptologique. Humaniste, fin diplomate et surtout défenseur acharné du patrimoine mondial, Gamal Eddin Moukhtar avait toujours su, avec la bonhomie et la générosité qu'on lui connaissait, mettre ses compétences et son talent au service de grandes causes internationales. Je venais de perdre un vieil ami aux côtés de qui, depuis mon arrivée en Égypte, j'avais cheminé en parfaite symbiose." (La Mémoire de Thèbes, L’Harmattan, 2015)

Un buste en bronze de Gamal Eddin Mokhtar, sculpté par Daniel Esmoingt, a aujourd’hui sa place, au milieu d’autres représentant les plus grands noms de l’égyptologie, autour du tombeau de Mariette dans le jardin du musée du Caire. Un témoignage éloquent, à l’égard de ce "grand homme", de la part d’une "patrie reconnaissante"...

Marc Chartier

sources :
Avant-propos des Mélanges Gamal Eddin Mokhtar, vol.1, IFAO, 1985, par Paule Posener-Kriéger
Dr. Christian Leblanc, "Gamal Mokhtar, l’homme et l’humaniste", Memnonia X, 1999
Dr. Christian Leblanc, "In Memoriam. Gamal Eddine Mokhtar, 1918-1998", Memnonia IX, 1998

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