Une journée en Égypte avec… Alan Henderson Gardiner (29 mars 1879 - 19 décembre 1963)
"Que l'Égypte soit un don du Nil selon la manière éloquente dont s'exprime Hérodote, est une vérité évidente pour ceux qui connaissent le pays, mais exige cependant quelques précisions pour ceux qui ne le connaissent pas. (...) L'Égypte ressemble à une plante de lotus dont la Vallée du Nil serait la tige, le Delta la fleur, et la dépression du Fayyûm un bourgeon. Si notre carte était convenablement colorée, les champs seraient montrés d'un vert brillant, tandis que le désert qui les borde serait teinté d'un brun doré. Les anciens Égyptiens eux-mêmes pensaient en termes corroborant le dicton d'Hérodote, puisqu'ils appelaient l'Égypte Kème "la Terre Noire" en référence aux riches limons que d'innombrables crues ont répandus sur le pays et auxquels il devait son inégalée fertilité ; quant au désert, ils l'ont parfois décrit comme Dashre "la Terre rouge".
Le contraste est en effet frappant : vous pouvez vous tenir debout avec un pied sur le sable étincelant, et l'autre sur une terre cultivée. Au milieu, reflétant le bleu lumineux du ciel, coule le large fleuve, souvent ponctué de voiles blanches. De part et d'autre, le désert s'élève rapidement, s'élançant souvent, surtout à l'est, en de hautes falaises qui se dressent au-dessus du fleuve, ne laissant plus aucune place à la bande fertile. Là où les montagnes s'éloignent, elles étincellent de teintes roses ou opalescentes au petit matin. C'est une terre de soleil presque perpétuel, avec seulement de faibles précipitations, même près de la Méditerranée : pas plus d'un pouce et demi au Caire chaque année et pratiquement nulle au loin Aswân. Ainsi, pour ses cultures, l'Égypte dépend entièrement des crues du Nil.
Les fortes pluies des régions tropicales situées au sud coulent des hauts plateaux d'Abyssinie de juin à septembre, provoquant la montée rapide du Nil Bleu et de l'Atbara. Aswãn, à l'extrémité nord de la première cataracte, remarque les premières traces de l'élévation de la quatrième semaine de juin alors que la hauteur totale est atteinte au Caire vers la fin de septembre. Quinze jours plus tard, l'inondation commence à s'apaiser, mais ce n'est qu'en avril que le fleuve tombe à son niveau le plus bas. Il y a une variation considérable à la fois des dates et de l'importance des crues ; ainsi, dans l'antiquité, un Nil bas pouvait engendrer la famine pour la population. Une telle catastrophe est maintenant rendue impossible par l'existence des grands barrages érigés par les ingénieurs européens à Aswân, Esna, Asyût, au Caire et ailleurs, la plupart du temps dans les soixante dernières années. Grâce à ces barrages, l'irrigation pérenne a été réalisée, l'eau étant retenue et distribuée dans les canaux à volonté…”
(extrait de "Egypt of the Pharaohs : An Introduction, Clarendon Press", 1961 - traduit de l’anglais par Marie Grillot)
Sur cet auteur : http://egyptophile.blogspot.fr/2015/12/sir-alan-gardiner-il-avait-des-amis.html
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Une journée en Égypte avec Hoda Sharawi (*), l'une des pionnières du mouvement féministe égyptien et arabe (23 juin 1879 - 12 décembre 1947)
Extraits d’un discours prononcé par Mme Hoda Sharawi, à l’ouverture du Xe Congrès de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes (30 mai 1926, à la Sorbonne - Paris)
"Nous sommes très heureuses de pouvoir, nous, femmes d'Égypte, prendre part à la plus noble et la plus imposante des manifestations féminines pour l'égalité des droits, dans ce beau pays de lumière, berceau de toutes les libertés. (...)
Messieurs, Mesdames, si le temps qui m'est accordé n'était pas si limité, c'eût été pour moi un véritable plaisir de vous entretenir longuement des origines du mouvement féministe en Égypte et de la part qu'ont prise les femmes ces dernières années à tous les mouvements : intellectuel, social et politique, mouvements qui ont eu leur répercussion dans tous les pays d'Orient et nous ont valu la sympathie du monde entier. C'est qu'en effet à cause de son grand passé, de sa position géographique spéciale, l'Égypte est considérée par les pays avoisinants comme le trait d'union naturel entre les deux continents orientaux, et la nation qui éveille le plus leur intérêt et suscite leur enthousiasme. Voilà pourquoi, en dépit des usages encore rigoureux dans certains de ces pays, nous avons vu nos soeurs d'Algérie, de Tunisie, de Syrie, voire même des Indes se solidariser maintes fois avec nous en applaudissant à chacune de nos manifestations. Au risque de désillusionner ceux d'entre vous, Messieurs et Mesdames, qui désirent voir la femme orientale garder son charme mystérieux d'autrefois, je dois vous dire que l'évolution féminine qui semblait suivre en Orient son cours normal va prendre un plus grand essor à la suite de la brusque révolution qui s'est faite en Turquie, aussi bien dans les lois que dans les moeurs. Déjà en Égypte et ailleurs, de nombreuses écoles secondaires et supérieures de filles préparent la femme orientale à jouer un rôle actif dans la vie publique de son pays. Une véritable floraison d'activités féminines se fait remarquer dans tous les milieux. Celles-ci se manifestent par la fondation de nouvelles revues, de clubs, d'associations féminines. La plus importante d'entre elles par son vaste programme et les services qu'elle a rendus jusqu'ici est l'Union Féministe Égyptienne que j'ai l'honneur de représenter ce soir dans cette honorable Assemblée. Demain la secrétaire zélée de cette association vous fera un résumé détaillé de l'oeuvre accomplie par l'Union depuis sa fondation, qui date seulement de 1923. En terminant, nous adressons un hommage ému et reconnaissant à Mrs Chapman Cott, la fondatrice de cette organisation admirable, qui a permis à des femmes de croyance et de races si diverses de se sentir unies dans un même sentiment de solidarité fraternelle. Nous adressons également l'expression de notre grande admiration à Mrs Corbett Ashby, la présidente actuelle de l'Alliance qui, secondée des membres du bureau, a, durant trois ans, fait preuve d'un dévouement et d'une capacité au dessus de tout éloge. C'est une grande joie pour nous dans notre tâche si complexe d'être aidées et soutenues, en votre personne, Mesdames, par tout ce que le monde entier compte de plus expérimenté, de plus libéral et de plus généreux. Nous vous remercions de la place que vous nous avez faite auprès de vous, dès la première heure. Nous remercions en particulier le Comité français de son chaleureux accueil et nous vous remercions aussi à l'avance de l'appui que vous ne manquerez pas de donner à nos revendications dans l'avenir.”
source : Cealex
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Une journée en Égypte avec… Alexandre Dumas (24 juillet 1802 - 5 décembre 1870) et Adrien Dauzats (1804-1868)
“La citadelle domine tout le Caire. En tournant la face à l'orient et le dos au fleuve, on a à sa droite le midi, à sa gauche le nord, et l'on embrasse un demi-cercle immense ; sur les ailes, à nos pieds, s'élevaient les tombeaux des califes, ville morte, silencieuse et inhabitée, mais debout comme une ville vivante : c'est la Nécropolis des géants. Chaque sépulcre est grand comme une mosquée, et chaque monument a son gardien, muet comme le sépulcre. Nous irons la visiter plus tard avec des flambeaux, évoquer ses spectres et effrayer ses oiseaux de proie, qui, tout le jour, se tiennent sur les flèches qui la surmontent, et la nuit rentrent dans les tombeaux, comme pour dire aux âmes des califes que c'est à leur tour de sortir. Derrière cette ville monumentale et mortuaire passe la chaîne du Mocattan, rocher à pic et aride, qui renvoie jusqu'au Caire les rayons ardents du soleil. En faisant volte-face, on a sous ses pieds la ville vivante au lieu de la ville morte ; en plongeant dans les rues emmêlées et tortueuses, au fond desquelles on voit circuler lentement et gravement quelques Arabes à pied, vêtus de leur magnifique ‘msallah’, ou quelques Turcs à âne ; puis des encombrements d'où partent des cris de chameaux et de marchands, et qui sont des bazars ; un toit de coupoles qui semblent des boucliers de géants, une forêt de ‘madenehs’ pareils à des mâts ou à des palmiers, à gauche, le Vieux-Caire ou la tente de Tayloun ; à droite Boulacq, le désert, Héliopolis ; en face, au delà de la ville, le Nil avec son île de Roudah, et sur son autre rive le champ de bataille d'Embabeh ; au delà, le désert ; au sud ouest, Gyzeh, le sphinx, les pyramides, une forêt de palmiers immenses, où dort le colosse et où fut Memphis ; au-dessus de leurs cimes, des pyramides encore ; puis le désert, le désert à tous ses horizons : un océan de sable, immense comme l'Océan véritable, avec son flux et son reflux ; ses caravanes qui le fendent comme des flottes ; ses dromadaires qui le sillonnent comme des barques ; son simoun qui l'agite comme un ouragan.”
(extrait de "Quinze jours au Sinaï", Alexandre Dumas (père), Calmann-Lévy, 1861)
"Ce récit de voyage, genre que Dumas a souvent pratiqué, fait pourtant exception : le narrateur n'y est pas l'auteur, mais Adrien Dauzats (1804-1868), ami fidèle de Dumas, peintre et grand voyageur de son temps. Dumas n'est pas allé en Égypte, mais a rédigé d'après les notes de voyage de Dauzats, avec qui il signe le texte." (http://www.dumaspere.com/)
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