mardi 6 décembre 2016

Rosette - la "Perle du Nord" - et son musée


Célèbre par la "pierre", découverte en 1799 par le lieutenant de l’armée française Pierre François-Xavier Bouchard, qui sera déchiffrée par Champollion, la ville de Rosette ("Rachid" en arabe) doit également sa notoriété à un patrimoine architectural qu’elle a hérité de la période ottomane de son histoire (XVIe - XIXe s.). Elle est alors le port principal du pays, avant qu’Alexandrie ne reprenne le flambeau au XIXe s., autant pour la navigation fluviale (en direction du Caire) que maritime (liaisons avec la Turquie et les États qui dépendent alors d’Istanbul). Cette prospérité s’est traduite par la construction des célèbres maisons ottomanes à deux ou trois étages, à ossature bois, avec leur imposante porte d’entrée, permettant à un dromadaire de passer avec son chargement, et leurs façades en briques roses et noires, rythmées par des encorbellements et des fenêtres à moucharabiehs.
Le musée de Rosette

De toutes ces imposantes demeures dont a pu s’honorer la "Perle du Nord", il n’en reste aujourd’hui qu’une vingtaine, dont huit, selon certains guides touristiques, peuvent être visitées. 

Notre choix se portera sur la plus grande : la "manzil" qui porte toujours le nom de son constructeur, ‘Arab Killi. Cette maison, transformée en musée national, a été bâtie au XVIIIe siècle. Elle appartenait au gouverneur Ali bey Al-Salanakly, l’un des héros de la ville, qui s’est illustré lors de la bataille de 1807, contre l’armée britannique dirigée par le général Alexander Mackenzie Fraser.

Le bâtiment comprend trois niveaux. Le rez- de-chaussée, avec sa voûte gothique, était autrefois destiné au commerce et aux entrepôts. Le premier étage était réservé aux hommes, avec une salle de réception. Le second étage enfin, le "haramlek", était l’espace des femmes. Il comportait une salle dite "al-aghânî" (les "chants"), qui permettait aux femmes d’entendre et regarder les divertissements de l’étage inférieur, sans être vues par les hommes.

Sur chacune des quatre faces de la maison, une porte, ayant une fonction spécifique. "La première, précise Doaa Elhami dans "Al-Ahram Hebdo" (article archivé), était la porte du comptoir qui permettait l’entrée des chevaux, des ânes et des dromadaires qui portaient les marchandises. La deuxième menait à l’escalier du harem et la troisième au siège des hommes. Quant à la quatrième, elle conduisait aux dépôts du comptoir."

Inauguré le 30 juillet 2009, le musée national de Rachid a été dessiné par Hussein El-Shabouri. Il abrite 600 artefacts des arts islamique et copte ou provenant du musée Gayer-Anderson (le Caire), ainsi que 200 autres objets découverts sur des sites archéologiques dans les environs de Rosette. On y trouve ainsi de la vaisselle, des bustes, des monnaies, des armes, des uniformes militaires, des photos, etc. L’accent a été mis sur une présentation de la vie quotidienne locale et les souvenirs historiques liés à l'expédition de Bonaparte et à la lutte contre l’occupation anglaise. Au nombre de ces souvenirs, un document rappelle la convention réglant le départ des Anglais du territoire égyptien.

Une copie de la célèbre "pierre de Rosette" (l'originale, est-il besoin de le rappeler, se trouve au British Museum depuis l'an 1802) figure en bonne place, au rez-de-chaussée. Elle a, ironie du sort, été offerte par le musée londonien. 
 Jacques-François de Menou

Le musée s’honore par ailleurs de détenir un précieux document : le contrat de mariage de Jacques-François de Menou, baron de Boussay, général en chef de l’armée d’Orient, avec Zobeida, une jeune Égyptienne, fille du grand marchand Mohamad Al-Bawab.
Il s’agit du premier mariage franco-égyptien documenté. Le général français s’était par ailleurs converti à l’Islam et portait ainsi le nom de ‘Abdallah Menou.
 Environs de Rosette - vue de l'embouchure du Nil.
Auteur : Charles-Louis Balzac (1752-1820)

"Rosette est un lieu charmant, écrit en 1821 Édouard de Montulé, tant par sa situation que par sa construction ; ses rues sont larges et bien aérées, ses maisons bien bâties en briques mêlées de grosses pièces de bois : lorsqu'on a vu toute l'Égypte, Rosette est une belle ville. Ses environs, quoique sablonneux, fournissent les plus belles dattes après celles d'Assouan ; les oranges, les citrons, les bananes et les grenades y mûrissent dans ses jardins, dans ses bosquets enchantés."

À ces diverses raisons d’apprécier les charmes et attraits touristiques de Rosette, il y a donc lieu d’ajouter le patrimoine culturel d’un musée qui garde vivante la mémoire d’une ville et aussi, à sa manière, de quelques épisodes décisifs de l’histoire égyptienne.

Marc Chartier

sources : 
"Architecture traditionnelle méditerranéenne" (Euromed Heritage)
Amira Samir : "Quand la géographie rejoint l'histoire" ("Al-Ahram Hebdo")
"Zobeida, épouse du Général Menou" (Amis et passionnés du Père-Lachaise) 
Doaa Elhami, "Le souvenir d'un temps héroïque" ("Al-Ahram Hebdo")
Nevine El-Aref, "
The rose of the Nile" ("Al-Ahram Weekly")

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