Florence Maruéjol est titulaire d'un doctorat en égyptologie obtenu à Paris IV Sorbonne en 1983. Cette égyptologue accomplie pratique, avec excellence, sa discipline dans un large éventail de domaines. Sur le terrain, bien sûr, par des fouilles menées dans la Vallée des Reines et des travaux dans le temple de Karnak. Dans l'enseignement en donnant des cours à l'Institut Khéops. Dans le partage des connaissances en publiant un nombre conséquent d'ouvrages, de tous niveaux : des livres pour enfants ou "grand public" à des parutions très 'pointues' comme son "Thoutmosis III" paru dans la prestigieuse collection "Les grands pharaons". Enfin, en tant que passionnée par le 8e art - la photographie - en proposant, via son site internet - une riche et belle collection de clichés de l'art égyptien - pris in situ et dans de nombreux musées.
Égypte actualités : Entre 1981 et 1986, vous avez vécu en Égypte où vous avez travaillé pour le Centre d’Étude et de Documentation pour l’Égypte Ancienne (CEDAE) - créé à l'initiative de Christiane Desroches-Noblecourt lors du sauvetage des temples de Nubie rappelons-le. Vous avez également collaboré à des missions de fouilles du CNRS dans la Vallée des Reines et avec le CFEETK (Centre franco-égyptien d''étude des temples de Karnak) créé en 1967 et héritier de la Direction des travaux de Karnak fondé en 1895, rappelons-le également : les bonnes bases pour devenir une égyptologue ?
Florence Maruéjol : Cela a été une chance de collaborer avec ces missions alors que je poursuivais la préparation de mon doctorat de 3e cycle en égyptologie, au Caire en partie grâce à une bourse d’étude franco-égyptienne. Et après le doctorat aussi. Passer de la connaissance livresque à la réalité du terrain apporte évidemment beaucoup.
ÉA : Quel était le sujet de votre thèse de doctorat et comment l'avez-vous choisi ?
FM : J’ai travaillé sur le rituel du couronnement à la XVIIIe dynastie. J’ai proposé ce sujet à mon professeur, Paul Barguet, qui l’a accepté. Il se situait dans la continuité du mémoire de maîtrise qui portait sur l’allaitement, un rite qui prenait place notamment lors du couronnement, pour marquer le passage du candidat à la royauté de son état d’homme à celui de pharaon, investi d’une nature divine. J’ai constaté alors qu’il n’y avait pas eu de travaux d’ensemble sur ce rituel fondamental de la royauté pharaonique qui apparaît de manière développée à partir de la XVIIIe dynastie.
ÉA : Quand décidez-vous de prendre un peu de champ avec le terrain pour vous consacrer à l'enseignement : une envie prégnante de transmettre votre savoir ?
FM : Au retour à Paris, après les cinq années passées en Égypte. J’ai une proposition pour écrire un livre documentaire pour la jeunesse, une expérience très formatrice car c’est un genre très exigeant. Il faut aller à l’essentiel de l’information, sans pour autant être simpliste ou réducteur. En jeunesse, il faut aussi tenir compte des illustrations. Il est facile de décrire les vêtements que portaient les Égyptiens ou leurs activités, mais les restituer par des dessins est beaucoup plus compliqué. Il faut réunir la documentation pour l’illustrateur ou l’illustratrice, ce qui est une énorme travail... ce qu’on ne réalise pas toujours. Cela prend beaucoup plus de temps que la rédaction des textes. On se rend compte alors que l’on ne connaît pas la forme exacte de tel ou tel objet. Après cet ouvrage, j’ai poursuivi dans la voie de l’édition et de la vulgarisation.
ÉA : Depuis 1996, vous êtes en effet professeur à l'Institut Khéops à Paris. Les cours "s'adressent à toute personne qui désire approfondir ses connaissances des écritures, langues ou civilisations antiques" : le rêve de tout pédagogue d'enseigner à des passionnés qui ont une immense désir d'apprendre ?
FM : C’est un bonheur d’enseigner à l’Institut Khéops à un public avec lequel je partage la même passion pour l’Égypte ancienne et que j’ai un immense plaisir à retrouver année après année pour mon cycle de cours.
ÉA : Vous avez beaucoup publié, et pour tous les publics. Est-ce difficile de se mettre "au niveau" des différents lectorats ? Est-ce aussi parfois frustrant de devoir se limiter à des notions de base alors que le sujet est tellement, tellement plus riche ? Je pense notamment à l'ouvrage 100 questions sur l'Égypte ancienne où vous relevez le défi de traiter en une page des questions complexes, comme "Y a-t-il un mystère des pyramides ?", ou polémiques comme "Pourquoi le buste de Nefertiti se trouve-t-il à Berlin ?"
FM : Changer de registre est ce j’apprécie particulièrement dans l’écriture. Ce n’est pas monotone. C’est un nouveau défi à chaque ouvrage. Pour “l’Égypte ancienne pour les nuls”, par exemple, il fallait trouver le ton juste, s’exprimer avec humour, comme le veut la collection, sans être triviale et surtout en conservant l’information. Je me suis beaucoup amusée à trouver des accroches, des titres et des parallèles avec notre époque. Dans un ouvrage comme “100 questions sur l’Égypte ancienne”, ce qui est intéressant, c’est de sélectionner les connaissances qui me semblent essentielles, mais aussi d’essayer de corriger quelques erreurs très répandues et répétées à l’infini. Extirper les clichés et les idées reçues est une tâche ardue !
ÉA : En 2007, vous publiez dans la prestigieuse collection "Les grands pharaons" (éditions Pygmalion - Flammarion) un ouvrage de près de 500 pages consacré à Thoumosis III et la corégence avec Hatchepsout. Ouvrage que vous remettez à jour en 2014 en tenant compte des découvertes archéologiques. Cela signifie-t-il que l'histoire de ce pharaon qui a vécu il y a 3500 ans continue de s'écrire aujourd'hui ?
FM : Heureusement, l’histoire n’est pas statique, sinon on s’ennuierait terriblement. Sans cesse de nouvelles découvertes archéologiques, des publications de documents ou de monuments connus, mais pas encore étudiés ou de manière incomplète, remettent en cause des hypothèses que l’on avait formulées. Une nouvelle édition est l’occasion de tenir compte des avancées de la recherche.
ÉA : Thoutmosis III (1479-1425 av. J.-C.) est associé au règne de la célèbre Hatchepsout. En tant que régente, a-t-elle réellement "brimé" son épanouissement ? Ou l'a-t-elle justement amené à se dépasser ?
Détail du relief figurant Thoutmosis III au sommet d'un des obélisques érigés devant le IVe pylône de Karnak, aujourd'hui brisés. © Florence Maruéjol |
FM : Juste après la disparition d’Hatchepsout, Thoutmosis III mène avec brio la première des dix-sept campagnes qu’il mènera en Syrie-Palestine et qui rendront l’Égypte maîtresse d’un vaste territoire. Il faut croire que la reine l’a parfaitement formé à son métier de roi et de chef de guerre. La proscription de la souveraine qui intervient vingt ans après sa mort est liée à la conception de la royauté pharaonique. Thoutmosis III n’agit pas par vengeance. À la fin de ses campagnes militaires, il dresse le bilan de son règne et remet d’aplomb ce qui doit l’être. Il gomme la corégence et l’existence de deux pharaons sur le trône. Les vestiges du matériel funéraire d’Hatchepsout ne portent pas de trace de martelage de ses noms. Au fond de la tombe de la Vallée des Rois, loin des regards, il était inutile de les détruire. Si Thoutmosis III avait agi par vindicte, il n’aurait pas manqué de les faire effacer pour empêcher la reine de renaître dans l’au-delà.
ÉA : En proposant, via votre site internet, des milliers de photos liées à l'Égypte, vous conjuguez avec délectation vos deux passions ?
FM : La photographie est une autre manière de voir et d’observer les monuments et les objets. Il m’arrive souvent de voir des détails sur les photographies que je n’avais pas remarqués à l’œil nu.
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