aquarelles de ©François Schuiten en insertion : François Schuiten - photo © Philippe Bourseiller pour ScanPyramids |
Les pyramides ! Dès que l'on aborde ce sujet, il est difficile de ne pas être banal, tant et tant de choses ayant été dites, écrites… Les aborder par le regard que les artistes ont porté sur elles, au fil des siècles, peut - peut-être - constituer une vision, disons honorable à défaut d'être moins…banale.
en haut, à g. : mosaïque dans la basilique Saint-Marc de Venise en haut, à dr. : dessin de John Hellfrich en bas, à g. : tableau de Hubert Robert ; en bas, à dr. : tableau de Luigi Mayer |
L'une de leurs premières représentations connue date de 1400 : il s'agit d'une mosaïque qui se trouve dans la basilique Saint-Marc de Venise. Elles nous apparaissent alors bien pointues, semblent se toucher et force est d'avouer que, sans l'explication qui nous en est donnée, nous n'aurions tout simplement pu les identifier.
En 1575, John Hellfrich, un voyageur, nous laisse un dessin à peine fidèle, mais cependant légèrement moins éloigné de la réalité.
En 1760, Hubert Robert, souvent qualifié de "peintre des ruines", laisse aller son imagination, leur donnant, là encore une inclinaison trop droite, et leur adjoignant, au mépris de toute réalité, deux obélisques.
En 1801, avec Luigi Mayer, enfin, on touche du doigt - ou plutôt de l'œil - un semblant de réalisme, tant dans la forme, que dans la perspective et l'environnement.
en haut, à g. : Le Sphinx et la Grande Pyramide, par Conté
en haut, à dr. : tableau de Jean-Léon Gérôme
en bas, à g. : aquarelle de David Roberts - en bas, à dr. : tableau de Théodore Frère |
Les dessinateurs de la campagne d'Égypte de Bonaparte, notamment Dominique Vivant Denon, ou encore Nicolas-Jacques Conté, se montreront fascinés par elles. Ils se révéleront toutefois plus aptes à les reproduire que la physionomie du sphinx qu'ils ont décidément bien du mal à représenter correctement.
Le grand peintre Jean-Léon Gérôme puise également dans la légende napoléonienne des sujets historiques conciliables avec son goût pour la peinture orientaliste. Sa toile "Bonaparte devant le Sphinx" demeure l'un des plus connus.
En 1838, le grand aquarelliste écossais David Roberts débarque à Alexandrie. Il nous laisse des aquarelles où la couleur des pierres, la chaleur et les nuances des sables du plateau de Guizeh sont merveilleusement rendues.
Théodore Frère est également un incontournable. Commandité par l'impératrice Eugénie pour réaliser une série d'aquarelles tout au long du voyage qu'elle effectue en Égypte en novembre 1869 à l'occasion de l'inauguration du canal de Suez, il nous livre de magnifiques et romantiques toiles, dans la belle lignée des orientalistes.
En 1891, dans le sillage de Percy Newberry qui travaille alors pour l'Egypt Exploration Found, arrive un jeune dessinateur, copiste, comme avaient l'habitude de s'en adjoindre les premiers égyptologues. Il s'agit d'Howard Carter : il n'a alors que 17 ans et il découvre l'Égypte pour la première fois. Pendant de nombreuses années, il peindra ce pays auquel il consacrera sa vie et pour lequel il écrira une nouvelle page d'histoire en découvrant la tombe d'un enfant-roi qui sommeillait, depuis plus de 3500 ans, oublié dans son éternité… Son talent, son regard avisé nous laissent des aquarelles aux tons tendres, reflétant une rare sensibilité. Le plateau de Guizeh y est merveilleusement rendu, de même que l'assemblage des pierres des pyramides.
Les dessinateurs de BD s'empareront aussi de ces pyramides, choisiront cet endroit pour y faire évoluer leurs héros et y faire dérouler leurs extraordinaires histoires. Hergé avec "Les Cigares de pharaon", Edgard-Pierre Jacobs avec "Le Mystère de la grande pyramide", Lucien de Gieter, avec "Les Aventures de papyrus", Jacques Martin avec les "Alix"…
François Schuiten |
Dans la droite ligne de ces grands illustrateurs et de ces artistes qui accompagnaient les premiers explorateurs et égyptologues, s'inscrit désormais le nom de François Schuiten.
Co-fondateur de HIP (*) et associé à la mission ScanPyramids (*), entouré de scientifiques - les savants des temps modernes ! - égyptiens, français, québécois, japonais, rompus aux technologies "les plus en pointe", il nous raconte, avec son regard et grâce à son talent, une autre histoire - ou plutôt une histoire dans l'histoire.
Scénographe, artiste, dessinateur de bandes dessinées, il a certainement dû s'imprégner longuement de la silhouette des pyramides, de leur forme, de leur masse, de leur structure, de leur environnement pour mieux les comprendre et ainsi mieux les restituer.
Que ce soit dans ses dessins, précis, au crayon noir, ou dans la douceur de ses aquarelles, on sent qu'il a pris le temps de lire les pierres, d'étudier leur assemblage, de rendre les couleurs que le soleil au levant ou au couchant leur donne… Il est à noter d'ailleurs que son regard attentif a remarqué une 'anomalie" dans la construction qui n'avait jusqu'alors pas été remarquée.
L' "anomalie" dans l'une des façades de la pyramide de Khéops aquarelle de ©François Schutten |
Et, lorsqu'on l'interroge, on ressent à quel point il demeure toujours sous le charme de cette belle expérience. Dès le départ, il a été séduit par le projet - qui lui a été présenté par Mehdi Tayoubi, président de l’Institut français HIP -, par cette transversalité où, entre scientifiques et artiste, les regards se croisent, s'élargissent et se complètent. L'impression aussi de renouer avec les missions des premiers égyptologues qui étaient accompagnés d'artistes-copistes était séduisante et attirante. Mais là, pas de trésor à trouver… Enfin, plus exactement dit-il : "le seul trésor recherché est la compréhension. C'est essayer de comprendre et de démontrer à quel point l'ingénierie des pyramides, était - est - extraordinaire. Leur construction est une "mécanique" incroyable… et c'est cette richesse-là que nous traquons ! Ce qui fait qu'elle nous plonge dans un autre rapport au temps, qui nous amène à changer notre façon de percevoir et de penser."
Depuis le 10 décembre 2016 - et pour deux mois -, les œuvres de François Schuiten sont présentées au palais des Beaux-Arts de Lille (France) en parallèle à une exposition des antiquités du Musée d’Histoire naturelle de Lille, du musée des Beaux-Arts de Caen, du Scriptorial d’Avranches et du Musée du cinquantenaire de Bruxelles.
marie grillot
(*) La mission égypto-internationale #ScanPyramids, sous l’égide du ministère égyptien des Antiquités, est initiée, conçue et coordonnée par la Faculté des Ingénieurs de l’Université du Caire, sous la direction du professeur Hany Helal, ancien ministre de la Recherche et de l’Éducation supérieure du gouvernement égyptien, et l’Institut français HIP (Heritage, Innovation, Preservation). Dans le but de sonder, sans y percer le moindre orifice, le coeur des plus grandes pyramides d’Égypte, elle met en oeuvre les technologies les plus innovantes, utilisées par des chercheurs de réputation internationale et trois grandes universités (le Caire, Québec, Nagoya) : thermographie infrarouge, radiographie par muons (technique développée au Japon par les équipes du KEK - High Energy Accelerator Research Organization - et l’Université de Nagoya), détecteurs de muons à gaz (télescopes) conçus par le CEA/Irfu (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives - Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers), photogrammétrie pour une reconstitution en 3D du plateau de Giza et du site de Dahchour, ainsi que de tous les monuments qui y sont érigés.
"Notre volonté, rappelle Mehdi Tayoubi, président de l’Institut HIP et co-directeur de la mission, est de former un corps d’experts international et de confronter leurs approches théoriques et technologiques à la réalité du terrain archéologique."
À ce jour, ont été rendus publics quelques résultats de cette mission : présence d’une cavité inconnue sur l’arête Nord-Est de la pyramide, à une hauteur d’environ 105 mètres du sol ; présence, derrière les chevrons au-dessus du couloir descendant de la Grande Pyramide, d’une cavité inconnue dont la forme précise, la taille et la position exacte restent à affiner.
Il s’agit pour l’heure de données strictement scientifiques, transmises par la mission #ScanPyramids à un Comité scientifique d’égyptologues, 'missionné' par le docteur Khaled El-Enany, ministre des Antiquités, et dirigé par l’ancien ministre des Antiquités, le docteur Zahi Hawass. Il reviendra à ce comité d’ “interpréter” ces données et celles qui leur seront communiquées ultérieurement, d’un point de vue égyptologique.
Marc Chartier
sources :
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